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| Sujet: Textes poussiéreux Mar 29 Juin - 20:55 | |
| Le titre est assez 'OUT' mais je ne savais pas quoi mettre xD Déjà, je remercie les rares personnes qui auront pris la peine de venir sur cette page ou mieux, de lire. Je sais que je suis loin d'avoir la plume d'Elizaveta, le style de Kiku, la culture de Roderich, la fluidité de Ludwig etc (si ça continue, je vous citerais tous les membres du forum xD) mais bon, je me dis que c'est déjà bien que je poste. Qu'on ne le prenne pas mal mais ma modestie est maladive et peut s'expliquer .__.Je ne pense pas que je posterais des fanfics de Hetalia, parce que je n'ai pas le courage d'en écrire (sauf peut-être sur Alexander, vu que je ne craindrais pas l'OOC xD) ni des Drabbles parce que... je ne les aime pas xD Je poste déjà une petite nouvelle, assez sombre. C'était la première fois que je m'essayais à ce genre-là, j'espère que ça ne vous déplaira pas trop =) Si vous avez des critiques, des commentaires ou quoi que ce soit d'autre, n'hésitez pas ! Ca fait toujours plaisir ♥ - Spoiler:
Rouge ;
Savez-vous ce qu’est le véritable amour ? Celui qui vous déchire le cœur, qui vous broie l’esprit ? Celui qui fait de vous un esclave et un maître, un imbécile et un génie, un moins que rien et un tout ? Non, vous ne le savez pas. Vous ne savez que l’amour superflu, l’amour faux, l’amour quotidien. Celui qu’on invente, celui qu’on choisit, celui dont on se débarrasse. Vous ne le connaissez pas, cet amour vrai qui vous donne la mort et la vie. A chaque instant, il vous tue et l’instant d’après, il vous ressuscite pour vous tuer une autre fois, encore. A ça se répète inlassablement, avec toujours plus de force, d’ardeur, d’amour.
Oui, je l’aimais, Diane. D’un amour fou, d’un amour continu, d’un amour vrai.
Elle était belle, Diane. Quand elle parlait, sa bouche rouge prenait des airs sensuels qui me tuaient. J’étais pendu à ses lèvres vermeilles et les mots qui en sortaient, légers dans l’air et lourds en moi, étaient d’une beauté à vous crever les oreilles. Elle parlait de beaucoup de choses, Diane. De ses nouvelles chaussures de chez Prada qu’elle disait plus belles sur le mannequin. Oh, Diane. Si tu savais à quel point ces chaussures t’allaient ! Y’en a-t-il qui ne te vont pas ? J’en rirais ! Quand tu marchais, avec ces talons hauts et leur bruit saccadé, tu avais l’air d’une déesse. D’une Athéna qui part à la guerre, avec pour armes sa gueule d’ange et son corps de prostituée. Et quelle guerre, mon Athéna, ma Diane ! Tu partais batailler dans des lits froids et des salles vides. Tu y réchauffais tes membres frigides et tes airs de femme fatale.
Pauvre enfant. Alors que tu n’as de vrai que ton cœur estropié et les galbes glacials de ton prénom. Sais-tu combien d’hommes désespérés tu laissais derrière toi, quand tu partais sans un mot de la chambre d’hôtel, sans payer, sans rien, juste en laissant ton odeur forte de parfum et l’empreinte fraîche de ta tête sur l’oreiller ?
Et ces parfums, ma Diane ! On aurait dit que tu les collectionnais. Chaque jour sa saveur, chaque jour son eau de toilette. Mais c’est normal, je me dis. Ce n’étaient que des échantillons que des femmes en costumes offraient aux passantes. Ah, Diane. Comme tu aimais le luxe et les paillettes. Comme tu étais superficielle et superflue. Comme tu adulais la légèreté, toi qui étais si lourde. Lorsque je pensais à toi, mon cœur me faisait mal. J’avais mal. Tellement mal. Tu étais mon mal. Tu me dévorais, tu me mangeais et tu n’avais pas l’air de t’en rassasier. Alors tu partais te nourrir d’autres hommes, d’autres ventres. Tu étais le Mal. Pourtant, même en ayant mal, même en tenant dans mes mains ce mal, cette poitrine qui faisait mal, je ne t’avais pas. Tu ne m’appartenais pas.
Et plus je le reconnaissais et plus j’avais mal. Diane, pouvais-tu le comprendre ? Peux-tu me comprendre ?
Connaissez-vous le véritable amour ? Celui qui vous tue, celui qui vous fait souffrir. Celui qu’on tue, celui à qui on rend la souffrance. Non, vous ne le connaissez pas. Pour vous, qu’est l’amour ? Pour vous, ce n’est que des mots en l’air, des « Je t’aime » sans subtilité, sans originalité. Pour vous, cela se résume à des restaurants, des parcs d’attractions, des rendez-vous. Oui, c’est ça. Rendez-vous. Rendez vous à la monotonie et au gris paysage de votre existence. Vous qui ne connaissez de l’amour que ce que vous en avez fait de petit et de méprisable. Souiller quelqu’un et user de cette souillure, de cette blessure pour dire : « Il est mien et je suis sien. », est-ce de l’Amour ?
Non, ça ne l’est pas !
Je sais, moi, ce qu’est l’Amour.
C’est quand Diane me montre sa peau blanche, nacrée, dénudée, sans pudeur et que moi, je la contemple, comme un tableau divin, sans y toucher, sans mettre ma trace outrageante et sale sur elle. C’est quand Diane me tend sa nuque lisse, douce, sentant les fleurs et le désir et que moi, je la regarde de loin, en me retenant de poser ma main pécheresse sur sa beauté fugace. C’est quand Diane s’offre à moi sans ouvrir ses cuisses, c’est quand Diane accepte mon Amour vrai, mon Amour originel.
Nous nous aimions. Elle me le répétait souvent. Dans bien des langues, dans bien des postures et de bien des façons. Elle était innovatrice et innovante. Elle inventait des scénarios. Un jour, j’étais un aviateur français et elle une allemande en quête de romance et de nouveauté. Le lendemain, je devenais un riche aristocrate et elle une servante entreprenante. Elle en avait des idées, Diane. Aucune ne marchait, aucune n’avait de succès mais je l’aimais quand même. En robe bleue ou en jean vert, je l’aimais. Souriante ou en sanglots, je l’aimais.
Je le lui répétais sans cesse, aussi. Parfois, elle me disait : « Moi aussi ! » d’un air coquin ou rougissant. Parfois, elle me regardait de haut et riait sous cape. Elle était toutes les femmes en une seule. Créée pour moi, tout comme je vivais pour elle. Elle n’était jamais loin. Avais-je envie de la voir qu’elle était là, intrépide et sauvage. Ah, ma Diane.
Elle était divine. Lorsqu’elle riait, on aurait dit que le monde entier était en fleurs, que le bonheur était partout et que la vie était belle. Elle était un soleil radieux et crissant. Elle riait haut et fort, avec un rire saccadé d’actrice des années 80. Lorsqu’elle pleurait, le monde était en sanglots, avec elle. Elle vous donnait envie partager sa douleur, feinte ou non. Parce qu’elle mentait. Un peu, beaucoup, à la folie, surtout ! Et comme elle mentait mal, ma Diane. Comme un enfant, comme un gamin.
Parce qu’elle était innocente. Aussi blanche que son corps était noir. Aussi pure que souillée. Elle était à la fois Lucifer, ange adoré et adorateur et Satan, diable noir et laid. Mais quelle que soit son identité, je l’aimais.
Elle me disait : « Tu es beau. » Et au fond de ma laideur, au fin fond de mon absurdité, je la croyais. Je voulais la croire. J’en avais tant et tant envie que finalement, ses mots entraient en moi et je jouissais de cette sensation immonde et collante d’être Roi. D’être aimé. Elle me donnait envie de devenir maître d’un monde, du sien, sans doute. Je voulais être là, partout. Regarde-moi ! Remarque-moi ! Je suis là ! J’existe ! Je t’attends !
Mais elle ne m’entendait pas. Diane ne me regardait pas. Diane ne me remarquait pas. Diane ne savait pas que j’étais là. Diane ne savait pas que j’existais. Diane ne savait pas que je l’attendais. On me traitait de fou. Si mon amour est de la folie, alors, oui, je suis fou. Je suis terriblement, profondément et complètement fou. Fou d’elle, de cet amour, de moi, de nous.
Mais Diane, comprends-moi. Je n’en pouvais plus de patienter. De te voir flirter dans d’autres bras que les miens, entendre d’autre voix que la mienne, te faire posséder par d’autres corps que le mien. Je n’en pouvais plus !
J’ai envie de te dire « Pardonne-moi. » Pardonne le pauvre fou que je suis. Mais c’est par amour, que je l’ai fait, ma Diane. Par amour pour toi, pour nous.
Finalement, j’ai eu tort. Je le reconnais. Je me suis trompé. Mais mon erreur est belle, foudroyante, sublime ! Roméo n’a-t-il pas tué Juliette, par amour, par erreur ?
Voici nos nouveaux rôles, mon amour. Ma chère, si chère Diane. Tu seras Juliette, ma Juliette et je serais Roméo, ton Roméo.
Si tu savais à quel point tu étais belle lorsque j’ai inséré ce couteau en toi, lorsque ta bouche est devenue rouge sang et que tes lèvres ont pris cette couleur grise. Cela a été ta plus belle représentation, Diane, ton meilleur jeu d’actrice. Si j’avais pu montrer ça au monde entier, tu auras gagné cet oscar dont tu rêvais jour et nuit, toi, l’actrice de téléfilms, toi, la comédienne ratée. Et moi, pauvre admirateur lointain, pauvre « fan » inconnu et incompris, j’aurais eu mon heure de gloire, reflété dans tes yeux, dans cet écran où je t’ai suivie pendant dix ans, ma Diane ! Dix ans ! Dix ans d’amertume, de colère, de jalousie, d’envie ! D’amour !
Tu auras été une merveilleuse Juliette et moi un piètre Roméo. Tu es morte et moi vivant.
Mais tu étais le Mal, ma Diane. Tu étais le Diable, aussi.
Alors, maintenant, dans mon lit, quand je pense à ton corps englouti dans la rivière de ma campagne natale, je me dis que j’ai tué Juliette. Que j’ai tué le Mal. Que j’ai tué le Diable.
Mais dis-moi, ma Diane, pourquoi existes-tu toujours ? Pourquoi es-tu encore en moi ? Pourquoi empoisonnes-tu encore ce monde ?
N’ai-je pas sauvé… ce monde ? Ne l’ai pas aimé au point de te tuer, mon amour ?
Tu étais si rouge, Diane, si rouge. J’ai cru voir en toi le Mal, tu n’étais qu’une femme. J’ai cru n’être qu’un homme mais c’était moi, le Diable. Le rouge en toi n’était que le reflet du mien.
Fin.
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 8:03 | |
| Que çà fait plaisir de lire des nouvelles aussi plaisantes.
J'aime ce genre de relations amoureuses, d'envie de posséder le corps et l'esprit de l'autre, de ne le laisser à personne d'autre que soi. Car là on voit que la passion amoureuse peut mener à une incroyable violence.
L'idée du fil rouge (sans mauvais jeu de mots dans le cas de ce texte 8D) offre une belle palette de tous les symboles liés à cette couleur. La passion, les lèvres, la violence, le sang, la vie, le mal (le Diable est souvent lié à cette couleur), la sexualité (la magie rouge). Cette couleur ne disparait jamais, pas même à la mort de Diane : elle demeure là, comme un brouillard, tapie quelque part à attendre.
Tiens, quant au prénom de Diane, a-t-il été choisi au hasard, ou il y a un véritable lien avec la déesse romaine ? Parce que, ta Diane est présentée comme vierge (elle n'offre pas son corps au héros, elle demeure un objet inacessible qu'il ne peut pas même toucher). Alors je voulais savoir si l'image était volontaire, ou non. Très belle image au demeurant, car ta Diane est une icône qui pousse à la passion, à la transgression, mais qu'on ne pourra jamais posséder.
Oh, et j'aime aussi tout le côté illusoire qui entoure Diane, à croire qu'elle n'existe pas. Même ses passions sont liées à l'illusion : être actrice c'est prendre le masque des rôles que l'on joue, c'est devenir une image pour le public, une image parfois loin de ce que l'on est réellement.
J'ai vraiment adoré ce texte, limpide, qui nous plonge dans un tourbillon rouge. ♥
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 9:21 | |
| Très beau texte avec un style (et un français !) maîtrisé à la perfection. Eros et Thanatos, l'amour et la mort/ Un amour qui se veut Vrai, littéraire (avec le parallèle fait avec Roméo et Juliette), mais qui est surtout vulgaire (la femme est vulgaire jusque dans son métier on va dire, les actrices de téléfilms ont souvent des physiques particuliers pour les femmes fatales :p).
J'ai beaucoup aimé te lire en tout cas, sois rassuée, ton texte a une fluidité étonnante ! |
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 11:10 | |
| Merci beaucoup à toutes les deux ! Ca me touche énormément, surtout que je n'ai pas l'habitude de poster mes textes ! Pour répondre à Ludwig, je n'avais pas vraiment l'idée de la déesse en tête. Mais peut-être qu'intérieurement, j'y ai pensé, parce que ce prénom m'est venu à l'esprit très naturellement et c'est sur lui que j'ai "accordé" les deux personnages. Mais en général, j'aime beaucoup écrire sur des relations impossibles, avec un amour violent ou tout simplement à sens unique, d'un point de vue qui rend l'être aimé très idéal et surfait. <3 Roderich, je suis tout à fait d'accord avec toi pour les actrices de téléfilms ! XD C'est d'ailleurs pour ça que ce métier m'a semblé parfait pour ce personnage-là. En tout cas, vraiment merci pour vos commentaires !! J'en profite pour poster un second texte mais je ne sais pas s'il vous plaira, parce que le sujet est très différent, tout en étant assez semblable. (Et je sais qu'il y a une possibilité que les faits racontés soient irréalistes. Je l'ai écrit sans me documenter avant et après, il était trop tard pour le faire !) - Spoiler:
Jaune ;
Elle s’appelait June et a fini par ne plus le savoir.
June était simple, d’une simplicité à vous tuer, à vous déchirer le cœur. Elle riait lorsqu’elle était heureuse et elle pleurait lorsqu’elle était triste. Elle ne cherchait jamais à voir loin et se contentait de ce qu’elle avait, de ce qu’on lui offrait comme amour et comme haine. Elle balançait sa gentillesse d’enfant et du haut de ses quinze ans, elle ressemblait à ces tournesols qu’elle aimait tant.
Et un jour, June est devenue compliquée, complexe. Pourtant elle me tuait toujours autant, me déchirait avec la même ferveur, la même ardeur, la même fougue. Un jour, on a rattaché son nom, son existence, son corps à une cage. Une cage blanche et grise. Une cage où ce soleil en elle-même devenait cru. Et dans cette chambre d’hôpital, June mourrait. Elle devait grise, avec ses cheveux blonds qui devenaient jaunes, ses lèvres rouges qui devenaient violettes. June devenait autre et je la cherchais dans cette autre qui avait pris sa place.
On me disait : « Aide-la, tu es son amie. » Et moi, je ne savais même pas comment l’aider. Comment la secourir. Comment la sauver. Je la voyais, je voyais ses membres morts, son esprit endormi au creux d’un quelconque rêve dont elle ne se souvenait jamais et je n’avais qu’une envie : partir. Courir, loin, très loin de cette réalité. Quelque part dans mes souvenirs, lorsque June avait la force de se moquer de moi, de mes cheveux, de mes mots. Lorsque June était un papillon frivole, virevoltant dans son monde et dans le mien, me rattachant à une illusion de bonheur plein et de quotidien renouvelé chaque jour.
Dans sa chambre d’hôpital blanche et grise, aux carreaux brillants et aux dalles froides, June dessinait. Et je me disais : « Ma June est encore là, vivante ! Elle se bat ! » Elle dessinait ses souvenirs perdus, sa course contre sa mémoire, contre elle-même, comme un serpent qui mord sa propre queue. Elle dessinait ces visages qui se penchaient contre le sien. Ces amis dont elle ne se souvenait plus. Cette famille qui lui était étrangère. Ces fantômes qui lui étaient siens. Il n’y avait que moi pour l’accrocher à un passé qu’elle quittait sans le voir. Et je m’en sentais fière. Stupidement, niaisement et vicieusement fière. Mon égo en était flatté, ma fierté s’en nourrissait et j’en étais heureuse.
Ah, June. Tu les as tous effacés. Et tu m’as laissée là, au milieu de ton bordel, au milieu de ton désespoir, au milieu de ta haine.
Parfois, il me semblait que tu avais envie de me jeter dehors, de me dire « Pars ! Ne reviens plus ! » Je savais que j’étais cruelle de venir ainsi, de te harceler, de te montrer chaque jour encore à quel point tu étais pitoyable et pathétique, à quel point ton existence s’effaçait, comme la nôtre à tes yeux.
Je te racontais nos histoires communes, nos conneries, nos bêtises, nos erreurs. Et souvent, j’avais le culot de rire, comme si tu pouvais mêler ton rire au mien, comme si tu pouvais soutenir mes mots des tiens ! Et quand j’avais l’air de te dire : « Tu t’en souviens ? », tes yeux devenaient larmes, gouffre sans fond où il n’y avait plus rien, juste une colère qui n’allait plus vers personne. Et tes yeux me disaient : « Ne le dis pas ! Tu sais bien que je l’ignore ! »
Oui, je le savais. Je savais que tu ignorais tout. Nos dix ans de cris, de querelles, de joie, de tristesse, d’amour, de haine, tu les as effacés. Notre château, créé en dix ans de fils rouges, en dix ans de peaux mêlées, de saveurs partagées, tu l’as détruit en six mois. Six petits et insignifiants mois.
Elle pouvait oublier ses parents, sa famille, ses amis, ses journaux, ses livres, mais elle ne pouvait pas m’oublier ! Non ! Jamais !
Parfois, j’avais peur qu’elle s’oublie. Qu’elle me regarde un jour et qu’elle me dise : « Qui suis-je ? » Que pourrais-je lui répondre ?! Qu’elle était June, une pauvre fille qui perdait la mémoire ? Qu’elle était June, ma meilleure amie ? Moi-même, je savais de moins en moi qui tu étais, June, ni même ce que tu devenais.
« Ne m’oublie pas. » Elle avait pris un air outragé, comme si j’étais folle. Mais son regard s’était adouci. Elle avait blêmi en se rappelant. En se souvenant que de nous deux, c’était elle, la folle.
Peu à peu, ses dessins s’étaient flétris. Elle avait oublié comment dessiner un visage, un pied, une main, un corps. Elle avait oublié à quoi ressemblaient les lacs de Russie, la neige du Groenland. Elle avait oublié les contours d’une jupe qui se plisse, les profondeurs d’une plaie qui se ferme, avec la sienne qui s’ouvrait de plus en plus. Elle oubliait tout. Les images, les paysages, les pays, les couleurs, les mots. Elle oubliait, June.
Elle se souvenait juste des tournesols.
Je l’avais emmenée dans un champ et le temps d’un après-midi, elle avait semblé heureuse. Et son bonheur n’était pas celui de la June que j’ai suivi pendant dix ans. Elle était nouvelle, elle était vide, surtout. Son rire sonnait creux et ses gestes étaient faibles. Elle regardait ces tournesols où ma June se serait jetée, roulée, salie. Elle regardait ce ciel que ma June aurait avalé, bouffé, détruit. Elle regardait ma June, la June qu’elle n’était plus et qu’elle ne trouvait plus.
Elle avait mal et j’avais mal par elle et pour elle.
Elle pleurait souvent. Quand elle était heureuse, quand elle était triste, quand elle se rendait compte qu’un souvenir de plus s’était envolé. Elle me disait : « Je sais que c’est douloureux pour toi, alors, ne viens plus ! » Mais je revenais, toujours. Parce qu’elle se souvenait assez de moi pour savoir que j’avais mal. Que si je souriais devant elle, mon coussin devait boire toutes mes larmes, toute ma rage.
Puis, un jour, elle oublia mon prénom. Elle n’osait pas me le dire. Elle évitait mon regard et tripotait les manches de son pyjama. Et ça m’avait fait rire, June. Un rire amer et triste. Un rire perdu. Parce que j’avais compris, parce que j’avais deviné. Et je te l’avais dit. Tu avais eu l’air de l’entendre pour la première fois, ce prénom, ces syllabes, ce Moi. J’avais eu mal. Si mal que j’ai pleuré, devant toi. Tu as recueilli mes sanglots, dans tes petits bras maigres et tu m’as serrée. Tu t’es excusée, sans savoir pourquoi. Comme un enfant qui demande pardon sans comprendre l’erreur qu’il a commise.
« Pourquoi viens-tu encore ? - Parce que je t’aime. »
Et je la sentais pleurer, en elle. Dans cette poitrine étroite qui ne valait plus rien. Dans ce cœur qui ne contenait plus aucun souvenir. Dans ce corps qui était à la fois neuf et usé. Comment était-ce, d’avoir à la fois quinze ans et aucun souvenir ? Comment était-ce de perdre jour après jour son humanité, sans pouvoir y faire grand-chose ? Tu devais tant m’aimer, moi qui étais la dernière preuve de son existence. Tu devais tant me haïr, moi qui te prouvais par ma seule présence que tu n’existais plus.
« Mais moi, je ne me souviens même plus de notre amitié ! »
Et j’avais eu la force de rire, June ! Te rends-tu compte ? J’avais ri de ton malheur, du mien, du nôtre. J’avais ri… Et tu avais posé ta main tremblante sur mon épaule. J’avais encore une fois pleuré sur ta petite main, m’accrochant à ton maigre poignet.
As-tu aussi oublié le plaisir de manger, June ?
Chaque jour, je t’amenais ton bouquet de tournesols. Chaque jour, je te racontais mes journées, à défaut d’entendre les tiennes, parce que tu les avais oubliées. Chaque jour, je te faisais mienne, parce que tu ne savais de la réalité que ce que je te contais. J’aurais pu te dire n’importe quoi que tu l’aurais cru. Je m’étais sentie infiniment forte, devant ton infinie faiblesse. Je m’étais sentie vivante, devant ta mort. Tu mourrais et je vivais.
Puis, un jour que je suis entrée, que j’ai serré ton bouquet journalier dans ma main et que j’ai ouvert la fenêtre en disant : « Toujours aussi casanière, à ce que je vois ! », tu m’avais fixée et ta petite voix s’était élevée :
« Qui… êtes-vous ? »
Ah, June, si tu savais à quel point tu m’as brisée. Déchiquetée. Tuée. Si tu savais à quel point je m’étais sentie perdue, étrangère, dans cette chambre d’hôpital où j’ai perdu dix ans de vie, dix ans de toi. Où j’ai perdu mon amour, mon affection, mes sentiments durement construits. Où je t’ai perdue, June.
« On… se connaît ? »
Comme tu étais cruelle. Comme tu étais barbare. De ton ignorance et de ta mémoire perdue tu avais fait une lame et tu l’avais enfoncée en moi, avec une innocence vicieuse et un air candide. J’avais envie de mourir, June. J’avais envie de te tuer. De déchirer ce visage qui ne reconnaissait plus le mien. De briser cette voix qui me traitait de « connaissance ».
« Non. »
Et j’ai couru, June. J’ai couru. Loin, très loin. Avec l’odeur sèche des tournesols qui me brûlait les narines et que j’ai fini par jeter dans la rivière où l’on avait failli se noyer, il y a de cela plus de dix ans. Dans cette rivière où ta voix fluette m’avait dit un « Qui es-tu ? » qui m’a offert jouissance et bonheur. Maintenant, il fait monter en moi une épouvantable envie de vomir ce souvenir, ce toi en moi.
Pourtant, ni la pluie froide de Mars, ni les bouteilles de bière n’ont noyé mon dégoût, June. Comment se fait-il que j’aie en moi dix ans de souvenirs et que toi, tu n’en aies aucun ? Comment se fait-il que je pleure ainsi, alors que tu jouis enfin d’une béatitude vide ? Comment se fait-il que je meure alors que toi, tu vis ?
Si je te disais : « Réponds », June, me dirais-tu : « Je ne parle pas aux inconnus. » ? J’ai peur, June. Je n’ai pas la force de revoir cette chambre d’hôpital où tu m’as oubliée. Je n’ai pas le courage de revenir dans cette cage blanche où un moineau a perdu son nid.
Dire que moi, je ne pourrais jamais vous oublier, toi et tes tournesols jaunes.
Fin.
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 11:25 | |
| Très beau texte encore une fois, c'est assez hallucinants de voir ta maîtrise de la langue, d'ailleurs. Tu sais trouver les mots justes et éviter les métaphores bidons et vides que l'on a trop lu et relu. J'aime beaucoup ce genre de texte qui plus est, où lz description des choses des évènements, ne se veut pas physique mais émotionnelle, à coups de tripes qui se nouent que ce soit par dégoût out par affection, on ne saurait dire. C'est assez instinctif, brûtal et mais ça n'empêche pas tes textes de briller comme des joyeux, bien au contraire. A un langage précieux mais vide, tu opposes des mots simples et sincères avec un sens à faire mal au coeur, en raison de tes sujets.
Je n'ai rien d'autre à dire qu'un grand "BRAVO!"
Et je t'applaudis ! |
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 13:02 | |
| Je commenterai le premier, puisque c'est celui que j'ai lu. ^^
Commençons par l'évident.
Quel maîtrise du français. Tu ne nous aurais pas dit que ce n'était pas ta langue natale je ne l'aurais pas deviné oO.... C'est incroyable ! Secondo, le thème. Bon Roderich et Ludwig ont quasiment tout dit, donc je te donne juste une opinion à deux sous (la mienne). J'adore ce genre d'histoires, un amour violent et hm pas franchement sain. Et Diane est un personnage si puissant, si vivant (puis mort mais bon) que le narrateur s'efface complétement. J'aime beaucoup l'emphase que tu as mis sur Diane (d'ailleurs je n'aurais pas choisi un meilleur prénom, il lui va très bien.) qui un personnage qui tient plus de la personne que du personnage d'ailleurs ^^.
Bref je sais pas si c'était intéressant comme avis (ça ne l'était pas) mais j'ai beaucoup aimé.
EDIT : J'ai lu le second! Il m'a vraiment fait mal au cœur. Et tout dans ton récit s'enchaîne très bien et très vite, sans heurt, ce qui est d'autant plus difficile à supporter qu'on a pas envie d'arriver à la fin de ce texte déchirant.
*nulle pour commenter, s'enfuit* OTL
Dernière édition par Arthur Kirkland / UK le Mer 30 Juin - 13:30, édité 1 fois |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 13:22 | |
| ... Alors j'avoue que celui-ci m'a vraiment chamboulé. Preuve encore que tu sais traiter des thèmes particuliers.
J'aime ta façon de traiter chaque texte avec une couleur en particulier. Là le jaune qui semble presque incongrue avec la chambre d'hopital. Et les mots, que dire d'autre qu'ils nous serrent la gorge, arrachent parfois un rire (jaune bien sûr) parce qu'ils semblent ne pas avoir leur place et pourtant ce sont des mots qui sonnent juste.
La fin, je le sentais venir et pourtant... le lire, la façon dont tu l'écris laisse sur le choc.
Encore bravo, vraiment.
Si seulement les français maitrisaient aussi bien leur langue que toi. |
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 14:18 | |
| Alors... Je ne sais vraiment pas quoi dire >////< Tous vos commentaires et vos compliments me vont droit à au cœur ! Roderich, encore merci pour ton commentaire très détaillé. Tu cernes vraiment à la perfection le texte et le style (encore mieux que moi !) et ça fait très plaisir ♥ Comme tu l'as remarqué, j'écris assez simplement et plus par instinct que par véritable réflexion (ça doit être pour ça que les relectures ne me servent pas à grand-chose ^^') Arthur, une opinion de plus est loin d'être "à deux sous" *__* J'avais un peu peur en postant le texte, parce que je n'étais pas sûre que l'histoire plairait et je suis heureuse de savoir que tu aimes ! Ludwig, pour les couleurs, c'est parce que j'avais décidé, en écrivant ces textes, de m'inspirer d'une couleur particulière et d'essayer de créer des personnages et une histoire qui refléterait bien cette couleur-là ! (Il y a encore plusieurs textes sur d'autres couleurs que je posterais au fur et à mesure ♥) Je me répète mais je vous remercie encore fois. Je ne sais pas si je suis vraiment digne de tant d'éloges mais en tout cas, ça me touche énormément ! >< Voilà un troisième texte, plus doux, inspiré aussi d'une couleur. J'espère que vous aimerez ! <3 - Spoiler:
Mauve ;
Nous nous comparions souvent, lui et moi. Je trouvais ça amusant, frais. Ca me rapprochait de lui et c’était la seule manière pour lui de dire qu’il m’aimait bien, finalement, que ma présence à ses côtés n’était pas si laide ou si insupportable que son comportement voulait bien le faire croire. Il n’était pas honnête, voilà tout.
Il avait les cheveux aussi longs que les miens, d’un noir chaleureux et profond dans lequel j’aimais plonger mes mains. Je baladais mes doigts dans ses mèches sombres et il prenait des airs outragés et ennuyés sans pourtant me demander d’arrêter. Et je continuais. Ma main finissait pas s’imprégner de son odeur de shampoing à la violette. Un bien étrange parfum qui le suivait partout et qui me faisait rire. J’aurais aimé qu’il en fasse de même, qu’il enregistre ma senteur de roses et qu’il puisse la reconnaître partout, comme je le faisais pour lui. Mais il n’en était pas capable.
Parfois, lorsqu’il me croyait endormie, il osait jouer avec mes boucles brunes. Il les tournait dans ses longs doigts de pianiste et souriait de leurs formes incertaines. Sa main glissait alors dans les méandres de ma chevelure et je me retenais de protester, tant le bout de ses doigts taquins me chatouillait. Si j’avais ouvert les yeux, si je l’avais regardé, ce moment, ce tout petit instant de bonheur se serait envolé. Et il n’aurait jamais recommencé.
Il était attentif à mes besoins, à mes attentes, à mes humeurs. Les nuits où je m’affalais sur le divan, épuisée, et que je m’endormais, ligotée dans mes vêtements de travail, je me réveillais dans le lit, enveloppée dans un de ses pyjamas, parce qu’il refusait d’ouvrir mon armoire. C’était à la fois blessant et touchant, cette envie de me faire plaisir, cette manie qu’il avait de respecter ma vie. Pourtant, il en faisait partie, bien plus que les autres. Plus que moi-même, parfois.
Lorsque je me réveillais tard, je trouvais déjà mon café chaud sur la table de la cuisine, avec mes pains au chocolat et quelques friandises. Me prenait-il pour une enfant ? Mais cette petite tasse ronde, cette petite assiette remplie de trésors m’offraient tant de joie que je partais le sourire aux lèvres. Il avait pensé à moi. Il avait pris la peine de faire ça pour moi. Et je me sentais comme l’oiseau qu’on libère après des semaines d’enfermement.
Alors qu’il ne m’emprisonnait que plus encore dans sa cage de métal.
Il était semblable au métal. Froid, reflétant ma propre image. Je n’arrivais pas à l’influencer, à laisser ma trace sur lui. Pendant les trois ans que je passai avec lui, il ne changea en rien. Comme si nos souvenirs n’avaient aucune importance, comme si mon existence n’avait en aucun cas eu un effet sur la sienne. Il était un train solitaire et j’étais juste une petite gare de campagne. J’avais eu assez de chance pour qu’il daigne passer par moi, poser ses yeux sur moi, m’accepter dans son cocon. Il ne fallait pas en demander plus. Il ne fallait pas en demander trop.
Mais il n’était pas méchant. Il m’écoutait parler de mes problèmes, de mes camarades de fac, de mes querelles amicales. Il m’écoutait sans rien dire, en me regardant d’un air doux et nostalgique, sans âge. Quel âge avait-il d’ailleurs ? Il n’était pas plus vieux que moi, je pense, et pourtant, on aurait dit que ces épaules portaient mille ans d’existence, de savoir, de tristesse. Je devais être bien banale dans son palmarès et ces trois années, si importantes, si précieuses pour moi, ne devaient être que des gouttes de pluie dans son océan de souvenirs.
J’avais pourtant envie de m’immiscer en lui, de tout connaître de lui. Mais il parlait peu. Très peu. Il répondait rarement à mes questions, sans même prendre la peine de les contourner. Un regard suffisait. Un regard qui disait de cesser, d’arrêter. Et docile, je me taisais. Je me blottissais dans son torse sentant les violettes et le sel de mes larmes. Il me tapotait la tête, caressait mes cheveux mais je savais qu’il était ailleurs. Qu’il n’était déjà plus près de moi.
Mais je lui pardonnais, parce que je l’aimais. Parce qu’il disait m’aimer.
Mais non, sa voix n’a jamais prononcé ces mots. Juste dans ma tête, dans mes rêves, dans mes espoirs. Je n’ai jamais osé lui poser la question. A quoi bon ? Il m’aurait ignorée. J’aurais pris une claque sonnante pour rien. Il se souvenait de mon anniversaire, m’achetait des cadeaux. Un collier qu’il jetait sur le lit, un bouquet qu’il déchiquetait dans la salle de bain, une robe qu’il me mettait pendant mon sommeil et le matin, en me réveillant et en remarquant ce tissu sur ma peau, il disait : « Tu pourrais être violée pendant que tu dors que tu ne te réveillerais pas. »
Et moi, je n’osais pas lui dire que je savais qu’il m’habillait, que je gardais mes yeux clos et mon souffle endormi pour le laisser faire. Je me contentais de rire de sa remarque.
J’avais l’impression que tout n’était que mensonge et illusion. Il refusait de me montrer de vieilles photos de lui. Il n’aimait pas les rendez-vous, les dîners, les sorties. Il ne voulait pas non plus rencontrer mes amis, mes parents, ma vie. Il n’y avait que notre appartement pour nous relier.
Il ne me parlait que rarement de son travail, de ses collègues, de ses amis, de son existence. Il se contentait de les citer, sans donner de noms, comme on parle d’un inconnu étrange qu’on a vu dans un supermarché. J’avais peur. Je me posais des questions. Mais j’évitais, parce je l’aimais. Parce que je ne voulais pas le perdre. Et surtout, parce que je ne voulais pas de réponses. Je ne voulais pas de la réalité qu’il comptait créer pour moi ou qu’il pouvait faire éclater comme s’il s’agissait d’un bonus, de rien du tout.
Je voulais sa présence. Je voulais sa peau contre la mienne, sa voix me chuchotant des mots sans saveur. Je voulais son amour. Je voulais être quelqu’un de spécial pour lui. Je le voulais, tout simplement. Alors, j’acceptais ses conditions. J’acceptais son silence. J’acceptais son mystère. Je l’acceptais tout entier, avec ses noirceurs et ses blancheurs.
Ressentait-il la même passion, le même attachement, le même amour à mon égard ? Je l’ignore. Ses doigts caressant mes joues vermeilles étaient-ils une preuve ? Méritaient-ils que je m’en souvienne, comme d’une vérité sans couleur ?
Je lui avais parlé des petits boulots que j’arrivais à trouver. De moi en assistante, de moi en serveuse. M’écoutait-il ? Bien sûr que non. Il me regardait juste, comme on regarde une chaise, une assiette, un objet. Quelque chose.
Je savais qu’il n’était pas fidèle, qu’il allait réchauffer d’autres lits, d’autres ventres, d’autres corps. Mais je lui pardonnais, parce qu’il revenait toujours vers moi. Parce que le matin, il était là. Je me trompais.
Je travaillais dans un petit restaurant où mangent les familles et les couples. J’accueillais les clients, les dirigeais vers une table et attendais de nouveau devant la porte. La porte qu’un jour, il poussa. J’étais heureuse, je ne voyais que lui. Lui et son costume cravate noir. Je n’ouvris les yeux qu’en remarquant son visage blême et ses iris dilatés. Ce ne fut pas la femme à ses côtés qui m’intéressa mais les deux jumeaux derrière eux qui criaient : « Papa, Maman, on mange quand ? »
Je l’aimais. Mais pouvais-je lui pardonner ?
Je haïssais cette femme qui nous regardait, moi et mon silence. Je haïssais ces bambins qui étaient nés de son corps, de son sang, de son amour. Je comprenais mieux. Mais ça ne me surprenait pas. Ca me… lacérait le cœur. Cette jalousie, cette colère, cette haine.
« Bienvenue ! Une table pour quatre, j’imagine ? » « Bon appétit ! » Ce furent les derniers mots que je prononçais devant lui. Lui et cette alliance grise qui brillait. Lui et ces trois années soufflées en un instant.
Pourtant, je me souviens encore de cette soirée. De cette femme qui riait et à qui il parlait sans cesse. De ces deux gamins qui jouaient et que la serveuse trouvait « adorables ». Je me souviens du vin rouge qu’ils avaient versé sur le tissu bleu recouvrant la table. La tache mauve n’est jamais partie, tout comme la clef de notre appartement est encore dans mon portefeuille blanc à violettes. Celui que tu m’avais offert, pour mes vingt ans.
Fin.
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 14:42 | |
| Joli texte, cependant j'accroche moins que les deux premiers. Ici, au contraire, tu t'essayes à décrire des choses un peu plus triviales, peut être est-ce parce que je ne m'y attendais pas que j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans ^^ En tout cas ta maîtrise des mots est là encore parfaite, avec une sensualité bien contrôlée entre les mots. Evidemment, parce que ça parle de cheveux, j'ai pensé à La Chevelure, de Baudelaire :p La fin est belle également, pas vraiment triste, juste amère.Amère et sèche comme un verre de vin rouge qui commence à peine à nous enivrer. |
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 14:55 | |
| J'aime tous tes textes, j'ai rien à ajouter à ce qu'on dit les autres ^^ J'aime bien les thèmes traités dans le premier et le deuxième, c'est vrai qu'ici le thème est beaucoup plus commun donc j'accroche un peu moins, mais ça reste très bien écrit !
Bravo~ ♥ |
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Mer 30 Juin - 15:53 | |
| Moi c'est mon préféré. D'abord parce que je ne m'attendais pas à la chute, puis parce qu'il traite justement d'un sujet plus commun qui me parle plus. Après, c'est personnel ^^. Apparemment, tu as un faible pour les duos amoureux dis-fonctionnels, et ça te réussit très bien! |
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Ven 2 Juil - 20:34 | |
| Merci beaucoup pour vos commentaires ! C'est vrai que le sujet est plus banal que les deux premiers, sans doute parce que jusqu'à la moitié du texte, je ne savais pas trop quelle fin donner et bizarrement, j'ai pensé à celle-là =) Oui, j'aime beaucoup ce genre de relations ♥ Un autre texte, un petit peu plus personnel que les trois autres. Celui-là, quatre personnes l'ont lu. Ma prof de français et trois amis. Mais presque aucun d'entre eux n'a remarqué la relation entre les deux personnages, si ce n'est ce qui était assez clair. Pourtant, c'est facile xD En tout cas, j'espère que vous aimerez ! - Spoiler:
Violet ;
Je me souviens encore du jour où elle est morte. Du jour où j’ai vu ce petit corps fluet tacheté de sang et de larmes, comme une vieille poupée abandonnée. Des membres désarticulés, une peau aussi fade qu’une feuille d’examen et cette odeur putride d’amertume, mêlée à la senteur nacrée de son habituel parfum. Et même ainsi, dans un état pathétique, sa fierté de princesse broyée, elle était belle. Aussi belle que pouvait l’être le souvenir lointain d’un froissement des plis d’une robe d’été.
Et du haut de cette beauté estivale, elle me narguait.
Ma cousine était une demoiselle pleine de vie et de grâce, quelque chose d’étrange entre un tableau et une réalité semi moderne. Quand elle sautillait avec ses petites sandales éthérées et que sa jupe de coton fragile se soulevait légèrement, on voyait des chevilles si fines, si blanches, qu’on les croirait de porcelaine ou de verre. Elle le savait. Parfaitement même. Et elle profitait de chaque brise pour éblouir son public du moment. Même les chats dont j’aimais m’occuper, m’abandonnaient à son profit. Mais elle n’avait pas besoin d’artifices ni d’astuces superficielles pour s’accaparer une attention qui lui était sienne dès le début. Dès que l’on pouvait poser ses yeux sur elle. Elle était pourtant petite, si petite que n’importe qui la dépassait. Elle n’était pas non plus « parfaite ». Ses minuscules mains rondes cassaient tout ce qu’elles touchaient. Vases, assiettes, verres, jouets… Elle en faisait pleurer plus d’un avec sa maladresse presque voulue. Elle prenait alors une tête d’enfant victime, de bourreau inconscient et tout le monde lui pardonnait. Elle disait : « Je ferais plus attention ! »
Balivernes ! Elle n’était que mensonges et hypocrisie. Un masque cachant un visage hideux que moi seul osais voir en face. Les autres ne faisaient que fermer les yeux et se laisser avoir par cette douce et facile mascarade. Il suffisait de tout laisser passer, de tout accepter de sa part et on se débarrassait de ce qu’elle pouvait apporter comme soucis, de ce qu’elle pouvait représenter comme problème. On disait « Oui » et c’était suffisant.
Voulait-elle une nouvelle tenue, de nouveaux vêtements, une nouvelle console de jeux, n’importe quoi que tous pliaient le dos et réalisaient le moindre de ses désirs. Certes, elle n’était pas la seule qu’on dorlotait et qu’on gâtait. On en adorait un parce qu’il gagnait récompense sur récompense dans son domaine professionnel, redorant l’image de notre famille et permettant à ses parents de se vanter de lui. On en idolâtrait une autre parce qu’elle avait réalisé son vœu de devenir biologiste envers et contre tous. Mais pour Elle, il n’y avait aucune raison logique. Ce n’était pas une excellente élève, juste un peu excentrique. Celle qui pose les questions auxquels on ne peut répondre. Des questions pseudo-philosophiques. Des questions tellement incongrues que personne n’y pense. Tellement stupides et insensées que personne n’ose les prononcer. Et dans ce cas, seuls deux sentiments naissent chez les autres : Haine ou Intérêt. Et même les deux à la fois, l’un dissimulant l’autre.
« Quelle imagination ! » ou « Quel génie ! Je n’y avais jamais pensé ! » De quoi donc parliez-vous, pauvres imbéciles ? Elle était juste… stupide. Elle n’avait rien de spécial. Alors, pourquoi toute cette attention centrée sur elle ? Pourquoi pouvait-elle aussi facilement monopoliser ce qui ne lui appartenait pas ? Elle était la plus jeune d’entre nous, arrivée juste six mois après moi. J’avais eu ma famille pour moi juste pour six mois. Ce délai écoulé, ce bébé aux grands yeux bleus et aux cris aigus m’avait volé ma place comme s’il s’était agi d’une simple sucette. En seize ans, c’était comme si chaque jour, elle me disait : « Mon existence a toujours mieux valu que la tienne. »
Pourtant ! Pourtant, d’un point de vue extérieur et complètement rationnel, j’étais bien plus utile. Je n’avais jamais causé aucun ennui. Ni à l’école, ni autre part. Pas de bagarres, pas de fugues, pas d’absences. Rien. Une très jolie page blanche dont je pouvais être fier. J’étais même un bon élève, premier dans certaines matières. J’allais suivre des études de peinture, comme l’avait toujours voulu ma mère. Oh, aucun professeur ne m’a jamais traité de « génie » ou ne m’a complimenté de posséder une « incroyable imagination » mais moi, je ne m’étais jamais plaint. Je n’avais jamais rien demandé, pas même à mes propres parents. La tendresse que je ne pouvais trouver chez ma famille, je la cherchais chez mes amis. J’allais voir des films dont je vantais la beauté devant Elle, j’allais dans de jolis cafés que je conseillais à mes cousins… Je ne les avais jamais obligés à supporter l’image d’un fils renfermé. Je ne m’étais jamais incrusté chez les autres, ‘sous prétexte que je savais parfaitement qu’on ne mettrait pas dehors’.
Elle était ainsi. Semblable à une tornade, à une tempête, elle était égoïste et aimait devenir le centre d’un monde qu’il soit sien ou non. C’était agaçant. Enervant. Ca me déchirait la poitrine et l’estomac. Rien que sa vue me donnait la nausée. Rien que sa voix me donnait la migraine. Et cette odeur de fleurs, ce parfum qu’elle mettait tout le temps et qui avait fini par imprégner la maison de chaque personne de notre famille, cette senteur me donnait envie de vomir. Rien de plus.
En une phrase, je la haïssais.
Cette enfance que j’aurais dû avoir, dorée, douce, tendre, aussi belle et nostalgique qu’un immense ciel d’été bleuté, elle l’avait détruite. Sans même le vouloir. Peut-être était-ce ça que j’abhorrais le plus. Le fait que sans avoir besoin de me donner une quelconque importance, elle me brisait.
J’aurais voulu pouvoir l’effacer. Un peu comme on prend une gomme et qu’on supprime une erreur. C’était facile. Aussitôt radiée, aussitôt oubliée. Comme c’était utopique. Mais Dieu seul sait à quel point j’avais envie de le faire, envie qu’une telle gomme existe ! Pourtant, elle… Elle n’en avait pas besoin. Chaque année, elle prenait autant d’importance que j’en perdais. Plus je voulais l’effacer et plus elle m’effaçait. Sans gomme, sans rien. Juste en quelques mots, en quelques sourires.
L’arroseur arrosé. C’était… cruellement ironique.
Elle n’avait rien de plus que moi. Juste une jolie voix, un joli sourire, de jolis cheveux, un joli visage, un joli corps. Et tout ça… est-ce que tout ça avait plus d’importance que moi ? Cette jolie voix, elle la pouvait perdre pour n’importe quelle raison, maladie, choc… Ce joli sourire, il pouvait disparaître de la même manière. Ces jolis cheveux pouvaient être brûlés, coupés, déchirés, massacrés. Ce joli visage et ce joli corps pouvaient connaitre le même sort : lacérés, coupés, déchiquetés, tailladés… Ils étaient éphémères, changeants ! Une minute suffisait pour les émietter ! Mon importance leur restait-elle tout de même égale ?!
Je n’étais pourtant pas laid. Je lui ressemblais un peu. Même couleur de cheveux et mêmes yeux. Quand ma tante en a fait la remarque la première fois, ça m’avait donné envie de me raser les cheveux et de porter des lentilles, à défaut de crever ces iris semblables aux siens à tel point que cette femme qui ne m’avait jamais regardé en face l’avait remarqué ! Elle avait remarqué ces détails, elle qui ne s’était jamais réellement intéressée à l’être pathétique que j’étais.
Parce que c’était lié à Elle. Et c’était sans doute ce qui m’avait le plus blessé. Que mon existence soit reconnue grâce à la sienne. Qu’elle, parmi tous, me serve de miroir.
Le savait-elle ? Devinait-elle ? Comprenait-elle ? Quelque soit la réponse, elle ne la montrait pas.
Puis, ce jour d’été m’avait à la fois sauvé et définitivement tué. Comme si on m’avait enlevé un poison alors que j’avais fini par en devenir dépendant. C’était pendant une de ces semaines que l’on passait en familles. Tantes, Oncles, Cousins, Cousines et Grands-parents. Tous réunis dans cette grande maison familiale. J’aurais pu refuser d’y aller. C’a m’aurait sans doute évité ces sentiments, cette scène. Mais… j’avais de l’espoir. L’espoir que ce dernier été changerait quelque chose.
Le matin, vers dix heures, on m’avait demandé d’aller faire les courses pour le déjeuner. Et j’avais accepté. Qui ne l’aurait pas fait ? J’allais enfin fuir cette atmosphère ! Peut-on me le reprocher ? A-t-on le droit de me dire : « Si tu n’y étais pas allé ! » ? Elle seule avait alors décidé de se lever et de me suivre sous prétexte qu’elle avait quelque chose à acheter. Si j’avais riposté, j’aurais été le coupable, le fautif.
Nous étions donc sortis. Elle était dans sa robe d’été blanche, tachetée de fleurs bleues. De la maison jusqu’au supermarché et même au supermarché, elle parlait. Elle parlait de choses qui ne m’intéressaient pas le moins du monde. D’un chat qui venait la voir tous les dimanches, du dernier film qu’elle avait vu, des cafés qu’elle avait découvert avec ses amies du lycée… Elle ne me parlait pas réellement. Elle remplissait un vide. Elle remplissait l’air et ma tête de sa voix cristalline.
Au chemin du retour, elle s’était mise à parler de peinture. Longtemps, très longtemps, j’entendis sa voix se rappeler des tableaux qu’elle avait vus. Je marchais, bercé par ses tonalités que j’avais fini par déprécier au plus haut point. Puis, au beau milieu de nulle part, j’entendis un cri de sa part. Je me retournai. Elle était sur la chaussée et me fixai, horrifiée. Il me fallut cinq secondes de plus pour comprendre que ce nulle part était en réalité la route. Que mes pieds était sur du goudron noir et dur et que le feu était encore vert pour les voitures. C’était trop tard. Je n’entendais plus que les klaxons venus de loin. Si loin. Et si proches, surtout. Puis, ce fut un chamboulement. Comme si on m’avait retourné dans tous les sens. J’avais senti deux petites mains me pousser, mon corps tomber un mètre plus loin, une voiture qui essaye de s’arrêter au dernier moment, le crissement des pneus, un choc et surtout, des cris. Que s’était-il passé ? Je ne voyais que le ciel. Le ciel d’été. Bleu, d’un bleu acrylique.
J’avais rassemblé mes forces et je m’étais levé, petit à petit. Je n’avais alors vu que des silhouettes floues, une file de voitures et… du sang. Un peu, beaucoup ? Que sais-je ? Elle était juste au milieu de ce sang, de ce raffut, de cette foule. Comme toujours, elle était au centre.
« Appelez une ambulance ! » criait une femme à côté. « Ca ne sert à rien, elle est sûrement déjà… » avait répondu une autre personne qui s’était rapprochée.
Et je ne comprenais pas. Pourquoi ? Pourquoi était-elle là ? Pourquoi m’avait-elle poussé ? Ah. Évidemment. Elle voulait une mort à l’image de toute sa vie. Une mort où elle serait la meilleure. « Elle est morte en voulant sauver son cousin. » « Quel héroïsme ! » « Dire qu’ils n’étaient même pas amis ! » « Pauvre enfant… Elle méritait mieux ! » C’était ça qu’elle voulait, n’est-ce pas ? Cette reconnaissance, cette compassion, cette attention ! On me collerait éternellement l’image du cousin sauvé par sa « divine » gentillesse et son « cœur d’or ». Encore et encore. Même morte, elle allait donc continuer à m’effacer…
Et planté là, dans cette route, j’avais l’impression que le ciel reflété dans son sang prenait d’horribles reflets violets.
Fin.
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux Ven 2 Juil - 20:50 | |
| Je crois que ce texte est sans nul doute, mon préféré. Je l'adore, je l'adore même si je ne comprends sûrement pas tout (la relation... ils sont en réalité jumeaux?). Ce contexte d'étouffement, raconté par le narrateur, m'évoque quelque chose. C'est dur, sans concession et en même temps.. en même temps qu'est-ce qu'on peut y faire? C'est un poison mais oui, auquel on est dépendant. C'est pas un texte joyaux non, mais il m'a changé les idées. Et puis la maîtrise de la langue et du vocabulaire est telle que l'on est subjugué. De la beauté dans l'horreur, ça ne mène qu'à un seul adjectif => sublime.
Bravo ! |
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| Sujet: Re: Textes poussiéreux | |
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