[Hongrie- XVIe siècle]

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Les courants d’air froids traversaient sans peine la fourrure de sa veste. Roderich essaya de ne pas frissonner, les climats glacés il connaissait un peu, pas question de penser ne serait-ce qu’une seule seconde qu’il se sentait malade vulnérable.
Il y avait eu des rumeurs à travers le souffle des montagnes, un nom murmuré comme un sanglot. L’Autrichien n’avait tout d’abord pas comprit, parce que ce nom était porté par une autre femme de sa connaissance…

Erzebeth…

Mais jamais il ne l’avait appelé ainsi, jamais il n’avait essayé de prononcer dans la langue magyare ne serait-ce que le moindre mot. Pas même le prénom d’Elizaveta… Alors pourquoi ? Pourquoi ce nom en funeste écho dans ses oreilles ? Un frisson au corps un coup au cœur et un serpent imaginaire pour lui murmurer quelques mots à l’oreille.

Traîtresse

Il pouvait s’en souvenir à présent de cette femme, cette comtesse belle et violente. Elle avait résidé à Vienne quelques temps en compagnie de son mari. Ses cris de rage pouvaient s’entendre jusqu’aux maisons voisines. Il n’y avait pas prêté attention, il l’avait oublié… Quelle importance avait-elle jamais eu, cette humaine ?

Et là, la peur. La peur pour les enfants chéris de ses siècles d’or. Des siècles qui n’étaient pas encore terminés, mais ça Roderich n’avait aucun moyen de le savoir. La peur pour les Habsbourg, voulant étendre leur emprise sur une Europe déchirée, fantôme d’un rêve inexistant.

Erzebeth Bathory, femme puissante, belle et intelligente, tu as voulu renverser le pouvoir, n’est-ce pas ? Le jeune homme l’admettait, elle ne manquait ni de courage, ni de culot. Cependant il ne pouvait laisser de telles choses arriver…

La Punition…

Voilà pourquoi il foulait à présent le sol de Csejthe, château de la comtesse. On avait enfermé cette folle dans ses appartements, en attente d’un jugement. Un jugement que sa voix prononcerait. Pourquoi lui ? Il était un pays, une nation. Il était un pouvoir, qu’avait-il alors à faire de la folie des hommes ?
Emplie d’arrogance et de cruauté, Roderich n’avait qu’une hâte : prononcer la sentence de mort pour Erzebeth…
Il n’y aurait nul roulement de tambour pour accompagner ses mots, juste le regard haineux d’Elizaveta…
Elizaveta,ça n’était pas là son vrai nom, son vrai nom était également celui d’une comtesse… Mais Hongrie était SA conquête, celle qu’il avait volé à d’autres, celle pour qui il se battait et grandissait, celle qui lui avait apprit la défaite et les larmes que pleurent les adultes. Celles qui sont cachées dans les sourires et ne nous quittent jamais…

Chevalier fantôme d’une reine étincelante, ses doigts parvenaient à peine à saisir la traîne de dédain, seule chose qu’elle lui offrait à toucher d’elle-même …
Ce genre de souveraine ne régnait sur rien d’autres à présent que les sombres pensées pleines de pureté amère qu’il lui vouait, Roderich savait qu’un jour peut-être, il la poignarderait dans le dos non pas par haine, mais parce qu’il ne pouvait en être autrement. Ce jeune cœur ne savait encore rien de l’amour si ce n’est les passions sauvages qui couraient ses veines, aussi ne lui venait-il pas encore à l’idée qu’un jour, la main de la Hongrie pourrait se poser sur son front brûlant pour effacer blessures et rêves douloureux.

Ne plus penser à Elizaveta, car c’était pour Erzebeth qu’il était là aujourd’hui…

Nuées de corbeaux, éminences grises de ses gens, Il y avait eu tant de visages, parce qu’il serait seul à Csejthe, qu’il fallait le conseiller. Il était jeune et imbu de sa propre personne, les erreurs pouvaient être faciles. Ne restait qu’un seul avertissement dans sa tête…

« N’en faites pas une martyre »

Mais Roderich voulait la mort de la Bathory et qui donc pouvait s’opposer à la volonté de cet adolescent tout puissant et inhumain ? Dieu évidemment, car la piété de l’Autriche était reconnue de tous…

Dieu haïssait les monstres, car cela était création du Malin. S’il transformait la comtesse en monstre, elle irait brûler en Enfer. Voilà un châtiment parfait… Le jeune homme connaissait vaguement un pays pouvant l’éclairer sur la nature des démons et trouver où classer la comtesse.

Draco, un nom somme toute logique pour cette terre ayant vu naître l’Ordre du Dragon, le dragon terrassé de St Michel, le Bien triomphant du Mal…

Cet homme à présent, il l’attendait. Il lui raconterait tous les péchés –vrais ou inventés- de la comtesse tout en l’emmenant voir avec lui l’interrogatoire –la torture évidemment….- des complices d’Erzebeth Bathory…

Des excuses pour la mettre à mort, ils en trouveraient pleins… Du moins suffisamment pour éviter que d’autres gens puissants s’en mêlent, après tout les Bathory étaient une famille influente, le pire serait évidemment que le roi de Pologne intervienne…

Le grincement d’une porte tira le jeune homme de ses pensées. Il se retourna vers la source du bruit, arrogant et puissant, empli d’un pouvoir et d’une destiné, empli de désirs et de cruauté.

- Vous êtes en retard…

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