Le soleil n'était levé que depuis quelques heures, illuminant d'une douceur dorée les contrées verdoyantes chinoises, et déjà, Shan arpentait les allées du vaste jardin, à la recherche d'un lieu reculé et discret, où il pourrait s'entrainer à se battre, comme le faisaient souvent ensemble Kiku et Yao, ses frères ainés. Le petit Hong Kong aimait beaucoup les observer, caché quelque part, pendant leurs entrainements, et l'envie de les imiter avait germé dans son esprit à force de les admirer. Ainsi donc, déterminé à faire comme eux, Shan s'était levé aux aurores, dans le plus grand silence, s'habillant de son habituelle tunique rouge à longues manches, et avait entrepris seul d'aller essayer de reproduire ce que Kiku et Yao faisaient si bien. Hong Kong connaissait bien les mouvements, pour les avoir vu des dizaines de fois répétés sous ses yeux, néanmoins, il ne réalisait pas encore à quel point ils étaient bien plus complexes à réaliser qu'à regarder, et cela, il n'allait sans doute pas tarder à le comprendre, contre son gré. Mais la détermination du jeune garçon qu'il était était sans faille, et sa décision était irrévocable, il voulait se battre aussi bien que ses frères ! Et il y arriverait !

Marchant lentement sur les allées sinueuses du jardin, encore fallait il trouver un endroit paisible et propice à l'entrainement ! Il avait souvent entendu dire Yao que le lieu d'un apprentissage n'était pas à choisir au hasard, et que de celui ci pouvait découler un tas de choses, positives comme négatives. Et Shan, étant d'un naturel sérieux et réfléchi, souhaitait suivre les enseignements sages de son grand frère, bien qu'il ne comprenait pas vraiment ce qu'il voulait dire par là. S'enfonçant donc de plus en plus dans l'immensité du jardin, il s'immisçait entre les différents parterres de fleurs et autres arbres. Lys, cerisiers, Orchidées, pruniers, Dahlia, orangers, Magnolia ... En ce mois d'avril, toutes ces plantes étaient en fleurs, colorant le domaine de mille et une nuances, passant du rose au blanc, du vert au rouge, du jaune au violet. C'était un régal pour le regard, et Shan aimait beaucoup le printemps et sa profusion de couleurs, d'odeurs et de beautés. Humer les fragrances, s'allonger dans l'herbe vertes, composer des bouquets aux mélanges étonnants (et les offrir à Taiwan ensuite), le petit Hong Kong était friand de ce genres d'activités solitaires et calmes. Lui, préférait généralement cela aux jeux auxquelles Taiwan et Corée s'adonnaient. C'était sans doute son côté distant qui le rendait comme cela, en retrait, silencieux et très calme. Certes, il savait tout aussi bien s'amuser quand il en avait l'occasion, mais il n'était pas comme Yong Soo, Shan, lui, il n'embêtait pas toujours son monde ! Et rester calme ne le dérangeait pas.

Après plusieurs minutes de marche et après s'être enfoncé suffisamment profondément dans le vaste jardin, le jeune Hong Kong finit par tomber sur l'endroit parfait pour s'entrainer aux arts martiaux. C'était un petit carré de pelouse verte, sur un terrain plat, sans bosse d'aucun sorte. C'était idéal ! En plus, il était suffisamment masqué par la végétation pour que personne ne le remarque et ne vienne l'embêter ! Surtout Corée, qui se ferait une joie de venir le déranger pour lui demander de jouer à nouveau à ses jeux idiots, qui avaient le don d'agacer Kiku et Yao la plupart du temps. Vérifiant bien qu'il n'y avait personne aux alentours, Shan alla déposer sa peluche à l'effigie d'un panda, qu'il avait emmené avec lui, contre le tronc d'un cerisier tout proche, puis il se plaça au centre du petit espace d'herbe, fermant les yeux et se concentrant, ou plutôt réfléchissant.

Quand Kiku et Yao s'entrainaient, ils se saluaient avant de commencer non ? Imitant donc ses ainés, Hong Kong s'inclina respectueusement face à un adversaire imaginaire, puis commença ses mouvements. On ne pouvait guère dire que ses gestes étaient gracieux et assurés, mais Shan faisait de son mieux pour tenter d'atteindre l'excellence de Yao et la maitrise de Kiku. Frappant droit devant lui, il enchainait coups de poing, coups de pieds, esquives et parades, face à une personnalité issue de son imagination. Son équilibre était précoce, ses appuies mal positionnés, ses coups peu efficaces au vu de la manières dont il les plaçait, mais Hong Kong n'était qu'un jeune garçon n'ayant que peu, voir aucune, connaissances en arts martiaux ! Et pourtant, même conscient que ses gestes n'étaient pas aussi parfait que ceux de ses frères (loin de là même), Shan continuait sans relâche, incapable d'arrêter. Il voulait savoir se battre ! Il continua ainsi de combattre des chimères de son esprit, jusqu'à ce qu'un bruit de feuillage ne vienne le perturber dans son élan. Surpris en pleine action, il tenta de se retourner, perdant par la même occasion son fragile équilibre. Tombant à la renverse, il atterrit sur les fesses. Le choc en lui même ne fut pas douloureux, mais cela n'était tout de même pas agréable. Une fois la surprise et la chute passées, il se tourna vers le lieu de l'intrusion, restant au sol, assis dans l'herbe, détaillant le nouvel arrivant ...

« Kiku ? »

Spoiler:

Le bruit de l'eau emplissait tout, grondant, tellement assourdissant qu'il effaçait le reste. Un bruit tellement puissant qu'au final, les tympans en deviennent endoloris. Trop de vibrations. On ne peut même plus percevoir le moindre son. Et au milieu de ce capharnaüm, le silence. Le silence investissant l'esprit malgré les roulements sourds de la cascade en furie. Le même principe que le froid qui, à température trop extrême, brule. Jeu de contraste et de paradoxe somme toute.
Paupières closes, Kiku écoutait avec attention ce silence contre-nature, chassant la moindre pensée. Il avait réussit à occulter le contact glacé de l'eau sur sa peau et le poids de ses vêtements mouillés.
La méditation Zen était une pratique permettant la purification du corps et de l'esprit. Vague héritier du bouddhisme, Kiku aimait l'appliquer. Il aimait ces instants où il devait s'efforcer de ne penser à rien, de s'exiler volontairement du monde extérieur et tangible. Cette sensation de totale vacuité avait le mérite d'être apaisante et Yao lui-même s'y adonnait quand il le pouvait – c'est-à-dire pas souvent vu la fratrie dont il avait à s'occuper. C'était d'ailleurs lui qui avait révélé au Japonais que méditer sous une cascade ne pouvait avoir que des effets bénéfiques. Cette austérité nécessaire était le fondement de tout esprit guerrier. Un combattant avait le devoir d'être calme et maitre de lui-même. Et ce n'était pas en agitant bêtement un katana ou une épée à tout va que l'on pouvait apprendre cette patience et ce sang-froid de rigueur.

Pourtant, il y avait une chose qui l'empêchait de se concentrer parfaitement. Quelque chose qui, quand on y regardait de plus près, lui faisait froncer les sourcils et crisper la mâchoire. Quelque chose qui tenait en un nom : Shan. Shan, et plus particulièrement le soucis que Yao se faisait à son sujet. En effet le Chinois, en plus d'agir en grand-père gâteau complètement gaga de sa progéniture, était également doublé d'un anxieux né. Dès qu'un de ses « enfants » n'était plus à la portée de son regard, il angoissait au point de réduire en boules de coton informes la peluche de panda qu'il gardait systématiquement dans ses bras. Et voilà que tout à l'heure, juste avant que Kiku ne quitte la demeure pour son entrainement matinal, son grand frère était venu le voir, complètement surexcité et pleurant à moitié. Dans la cacophonie de plaintes et d'inquiétudes en tout genre, le nippon réussit à vaguement comprendre qu'apparemment, Hong-Kong était introuvable, que son lit était vide, et que personne pas même Yong Soo et Taiwan ne l'avait vu depuis hier soir. L'ainé se chargeait donc de le faire culpabiliser à grand renfort de « Ju Hua » plaintifs et de « Aru » suppliants, juste histoire de bien lui faire comprendre qu'il devait l'aider à le chercher.
Pour être honnête, Kiku ne s'en faisait pas. Il connaissait le caractère calme et imperturbable de son plus jeune frère, et Shan n'était pas du genre insouciant comme Yong Soo. Il devait être en sécurité et ne tarderait pas à revenir quand aurait faim ou serait fatigué. Bref, aucune raison de se faire du soucis n'était valable. Vraiment aucune.

...Et pourtant...
Cela faisait à peine quelque minutes que le Japonais avait commencé sa méditation qu'il se trouvait déjà assailli de pensées étrangères, parasites, et accessoirement inquiétantes. A commencer par se demander si le petit garçon était vraiment à l'abri. Certes, ils étaient ici dans le domaine chinois mais qui sait ce qui pouvait trainer dans ces interminables forêts de bambous ? Les pandas n'étaient pas les seuls à vivre dans cette végétation luxuriante. Et si Shan tombait nez à nez avec une bête sauvage ? Et s'il glissait dans une rivière ? Et si... ?
Soupirant d'agacement, Kiku se leva et s'extirpa des trombes d'eau. Non il n'était pas assez tranquille pour continuer en paix. Il ne pouvait pas non plus se contenter de rentrer bredouille ou Yao lui ferait la tête. Trempé, il s'enfonça dans la forêt, laissant à peine le temps au soleil matinal d'apposer sur lui la chaleur bienfaitrice. Malgré ses inquiétudes, la forêt était calme. La douceur bénéfique du printemps laissait une agréable langueur s'installer. Le jeune homme aimait tellement ces paysage d'or et de verdure qu'il était capable d'y déambuler des heures et des heures, se réfugiant au pied d'un arbre centenaire pour écouter les mésanges chanter. Souvent il s'endormait. Et souvent, quand il se réveillait, Yao était là, à coté de lui, dormant comme un bienheureux. Parfois, la présence des trois petits s'ajoutait à celle du chinois. Et Kiku, qui n'avait jamais ni le courage ni l'envie nécessaire pour les tirer de ce sommeil si agréable, se contentait de profiter de ces instants de paix. Depuis quelques décennies, Kiku passait de moins en moins de temps en Chine, prit par les autres nations qui souhaitaient se lier avec le Japon. Pourtant, dés qu'il revenait ici, il oubliait tout. Il était avec sa famille, tout simplement.

Les souvenirs revenus s'effacèrent sans heurt quand des sons étouffés se firent entendre depuis une rangée de feuillage. Kiku pouvait apercevoir Shan à travers les branchages. Il en soupira à nouveau, de soulagement cette fois. Hong-Kong était sain et sauf. Mais à quoi jouait-il donc ? A voir ses gestes disparates et désordonnés – bien qu'appliqués – il n'en était plus à ses activités habituelles. Il était plus courant de voir le petit garçon papillonner de parterres en parterres pour cueillir des fleurs que de le surprendre en pleine tentative de maitrise de l'affrontement. Curieux, il l'observa un moment, oubliant les gouttes d'eau tombants de ses cheveux. Les mouvements n'étaient pas si mal, bien que franchement inégaux. Quoi de plus logique considérant l'âge, la taille et le manque d'expérience du pratiquant ? Relâchant quelque peu son attention à force de contemplation, il marcha sur une branche. Un craquement. Une exclamation étouffée de surprise. Un bruit de chute. Shan avait perdu l'équilibre et s'était purement et simplement ramassé sur le sol par sa faute. Sans hésitation, Kiku sortit des fourrés et attrapa son cadet sous les aisselles. Il avait beau ne pas encore être tout à fait adulte, il arrivait à le porter sans grande peine tellement son frère était léger. Le Japonais en était à cet âge ambigu où il était assez jeune pour jouer en toute innocence avec ses petits frères et sœur, et déjà trop âgé pour sembler faire partit du monde à part de ceux qui ont déjà perdu l'innocence de l'enfance. Il commençait à être de ceux qui devait être fort pour protéger leurs proches... Et pour leurs prodiguer les bons conseils pour avancer.

« ...Prends toujours garde à tes arrières. »

Sur ces mots, il le reposa et s'accroupit à sa hauteur. Aucun des deux n'étaient de nature très loquace. A tel point que Yao en était désemparé. Mais c'était sans doute pour cela que Kiku appréciait autant ce petit. Il n'avait aucune réelle « préférence » et aimait Taiwan, Corée et Hong-Kong de manière égale – juste différemment selon le caractère de chacun – mais il ne pouvait le montrer de la même manière. Avec Shan, c'était reposant, jamais prise de tête.

« Qu'est-ce que tu faisais là ? Tu ne t'es pas fait mal ? Montres-moi tes mains. »

Ou comment faire ressortir l'esprit protecteur qui dort en soi. Il avait beau ne pas vouloir l'avouer, Kiku avait été aussi inquiet que Yao.

Spoiler:

Surpris par le craquement sonore d'une branche, Shan, alors en pleine séance d' « entrainement », si l'on pouvait dire ainsi, avait tenté, sans arrêter ses mouvements complexes et disgracieux, de se retourner vers le source de ce bruit. A ce moment là, il n'eut pas le temps de voir grand chose, car à peine eu il essayé de détailler la silhouette qu'il apercevait, que son fragile équilibre, du à des appuies mal positionnés, se rompit, le faisant chuter en arrière. N'ayant rien pour se rattraper et ne pouvant lutter contre l'attraction terrestre, le petit garçon se retrouva bien vite sur le dos, dans l'herbe, légèrement sonné par la chute. Néanmoins, rapidement, il se redressa, se retrouvant assis dans l'étendue verte de la pelouse, et regarda à nouveau dans la direction des hauts feuillages, là où il avait aperçu l'ombre d'un individu qu'il n'avait pas eu le temps de reconnaître. L'individu en question s'approchait de lui à grands pas, il était bien plus grand que Shan, et plus âgé aussi, presque adulte. Ses cheveux était d'un noir profond, coupés couts et ses yeux étaient sombres. Il était habillé à l'asiatique, et il semblait mouillé. C'était un membre de la famille, et le petit Hong-Kong reconnut bien vite son grand frère.

« Kiku ? »

Sans un mot, le Japonnais vint prendre Shan sous les aisselles, le soulevant bien facilement, ce qui était normal, au vu de la légèreté du petit Hong-Kong. Ce dernier avait d'ailleurs ses yeux d'enfants grandement ouverts, regardant son ainé avec une petite lueur dans les pupilles. Le garçon admirait beaucoup Kiku, qu'il considérait comme le modèle à suivre, l'exemple même de la réussite et ce à quoi Shan aspirait à devenir. De plus, Japon était certainement le frère avec qui Hong-Kong s'entendait le mieux à cette époque, le seul avec qui il n'avait pas besoin de s'agitait, de s'énerver, de se prendre la tête. Kiku était dans le fond, un peu comme lui, calme et posé, et les deux frères n'avaient pas besoin de se parler pour s'entendre et s'apprécier. Leur relation était des plus sereine et reposante, et leur caractère étaient assez proches, d'où une bonne entente et une appréciation élevée. Mais attention, il ne fallait pas croire que Shan n'aimait que Kiku, non, loin de là, il aimait aussi énormément Yao, qui l'élevait depuis sa naissance et que le petit HongKongais considérait comme une sorte de père protecteur et doux. Il s'entendait aussi très bien avec sa sœur, Taiwan, qui ne manquait jamais une occasion de jouer avec Shan et Corée, bien que ce dernier soit des plus agité et agaçant la plupart du temps. Mais de toute sa fratrie, c'était avec le Japonnais que le jeune garçon s'accordait le mieux, et au fond, s'il voulait devenir fort en arts martiaux, c'était surement pour tenter d'égaler celui ci, et d'atteindre son excellence, peut être ..

« ... Prend toujours garde à tes arrières. »

Kiku avait parlé d'une voix douce et presque rassurante, avant de reposer le petit Shan par terre, sur ses deux pieds, aussi facilement qu'il l'avait soulevé. Ce derniers regardait toujours son ainé avec de grands yeux d'enfant, le fixa, silencieux, comme souvent, le visage levé vers Kiku, puisque plus petit que lui.

« Qu'est ce que tu faisais là ? Tu ne t'es pas fait mal ? Montre moi tes mains ... »

A ces mots, le rose monta rapidement aux joues du jeune Hong-Kong, légèrement, certes, mais visiblement quand même, lui donnant un air attendrissant. Il venait tout de même de se faire surprendre en pleine tentative d'apprentissage solitaire d'arts mariaux, et il venait surtout d'être surpris en train de se battre seul contre des personnages invisibles, issus de son imagination. S'il s'était reclus ici, loin de la vue de tous, c'était justement parce qu'il ne voulait pas qu'on le surprenne ainsi, et que l'on puisse alors se moquer de lui (surtout Corée ...). Heureusement, ce n'était Youn Soo qui l'avait découvert, mais Kiku. Celui ci ne se moquerait surement pas du petit Shan, non, il était bien trop mature et grand pour cela, mais Hong-Kong ne pouvait s'empêcher de rougir, un peu honteux de s'être fait surprendre ainsi, car il était pleinement conscient qu'il ne savait pas se battre, et il imaginait assez facilement que vu de l'extérieur par un œil expert, ses mouvements et coups devaient être un grand n'importe quoi. Détournant la tête sur le côté, il fixa un point invisible dans l'herbe, tout en fronçant les sourcils, ne voulant pas montrer sa gène à Kiku. Il tendit ensuite les mains à son ainé, obéissant à sa demande, et le laissa les regarder, lui répondant par la même occasion.

« Non ... J'ai pas mal. »

Il marqua une pose. Attendant un peu, hésitant à révéler à son grand frère ce qu'il était en train de faire ici, et pourquoi il était venu jusque là. Ô, la réponse était évidente, et Kiku devait sans nul doute l'avoir déjà deviné ! D'ailleurs, depuis combien de temps l'observait-il, caché dans les fourrées ? Rougissant à nouveau un peu, Shan se força encore plus à fixer ce point invisible perdu dans le vert de l'herbe, ne voulant pas croiser le regard de son ainé, toujours honteux.

« Je ... Je voulais m'entrainer ... A me battre ... Comme toi et Yao ... »

Shan n'était pas du genre à mentir, et même s'il ne le voulait pas, il disait toujours la vérité. Entre Taiwan, Corée et lui, il était peut être le plus sérieux des trois, le plus calme, mais aussi le plus distant. D'ailleurs, Chine lui reprochait par moment cette solitude dans laquelle il s'enfermait, bien que celle ci ne le dérangeait pas du tout. Les mains toujours tendues vers Kiku, qui les observait, surement pour voir s'il n'y avait pas d'égratignure, Shan finit par reposer son regard sur son grand frère. Maintenant qu'il avait relevé le pourquoi il s'était réfugié ici, le rouge de ses joues était un peu redescendu. Restant dans le silence, il observait son ainé, et remarqua qu'il était totalement mouillé, des pieds à la tête, à tel point que des gouttes d'eau tombaient de ses cheveux, l'une d'elles vint même atterrir sur la peau du bras du jeune Hong-Kong, qui frissonna un peu, tant elle était froide. Mais pourquoi Kiku était il mouillé ? Il ne pleuvait pas pourtant ! Au contraire, le soleil brillait même magnifiquement dans ce ciel matinal. Était-il allé nager ? Peut être ... Mais dans ce cas, pourquoi l'avoir fait tout habillé ? Il se serait déshabillé s'il avait voulu piquer une tête dans le lac. Les yeux plein d'interrogation, le petit garçon ouvrit la bouche, et interrogea son grand frère.

« Dis Kiku ... Pourquoi tu es tout mouillé comme ça ? »

Dire que Kiku était soulagé d'avoir retrouvé son petit frère sain et sauf si rapidement était un euphémisme. A vrai dire, durant tout son cheminement à travers la forêt de bambous et d'arbres séculaires, il avait eu mille fois le temps de penser à la réaction de Yao s'il avait du rentrer en avouant que Shan était introuvable. Le Chinois en aurait très certainement piqué une crise de panique et la maisonnée se serait mis en branle jusqu'à ce que l'enfant ai été retrouvé.
Et puis, Kiku ne pouvait pas se le cacher : Il y tenait à ce petit. On ne choisit pas sa famille mais les liens fraternels restent des liens puissants, même lorsque l'on essai de s'y soustraire.

Le plus âge avait reposé l'enfant à terre, s'accroupissant à sa hauteur. Mis a part son air habituellement indifférent – quoi qu'à présent gêné de s'être fait surprendre ainsi – il semblait ne pas souffrir d'éventuelles blessures. Nouveau soulagement. Il examina brièvement les petites mains tendues vers lui. Rien de ce coté-là non plus si ce n'était quelques rougeurs dues à la chute qui passeraient vite.

« Je ... Je voulais m'entrainer ... A me battre ... Comme toi et Yao ... »

C'était donc bien ça. Le Japonais se doutait bien que Shan ne s'amusait pas à se battre contre des ennemis imaginaires juste pour le plaisir. Ce n'était pas son genre.

Kiku avait l'impression de se voir quelques centaines d'années avant, quelques temps après que Yao l'ai trouvé dans cette forêt de bambous et ne décide de le recueillir. Il avait plusieurs fois assisté, en cachette ou non, à des entrainements de son grand frère. Il regardait tout sans bouger, sans montrer d'émotions particulières, mais les mouvements tantôt amples et mesurés, tantôt rapides et fulgurants, l'impressionnait. Ses yeux d'enfant de l'époque voyait là un idéal à atteindre. Et à dépasser. Quel qu'en soit le prix. De ce coté, il pouvait considérer avoir remplit une partie de ses objectifs : Aujourd'hui, il arrivait à faire face à Yao sans peine durant leurs affrontements d'entrainements, là où il finissait au tapis en à peine quelques secondes avant.

A vrai dire, il ne savait pas trop quoi penser de la décision de Shan. Il était assez... mitigé. D'un coté, il pouvait aisément le comprendre pour avoir été dans cette situation avant lui. Puis peut-être qu'il serait agréable d'avoir un autre adversaire que Yao un fois qu'Hong-Kong aurait gagné en taille et en force – car ce ne serait certainement pas avec Yong Soo qu'il pourrait s'exercer sérieusement les fois où le Chinois s'absenterait.

Mais d'un autre coté...

Shan était cette nation, encore toute jeune. Cette province, un grain de poussière, caché dans l'ombre de leur frère, comme eux tous. Juste un enfant. Qui plus est un enfant préférant passer son temps aux compositions florales qu'à autre chose. N'était-ce pas un peu stupide de l'initier à ce genre de pratique ? Il ne faut pas voir là le dédain envers une nation plus petite que soi, seulement une inquiétude compréhensible envers un cadet qui n'a pas encore finit de grandir. Au Japon, les enfants devaient apprendre très jeunes tout ce qui avait trait à la guerre, à la loyauté et au reste, surtout en ces périodes troubles où les Occidentaux s'étaient mit à vouloir nouer des contacts avec lui. Voilà pourquoi, pour lui, il était normal qu'un enfant apprenne à se battre. Mais pas Shan. Pas lui. Peut-être était-ce parce qu'il était son petit frère, peut-être était-ce du favoritisme, mais il ne voulait pas qu'il soit mêlé à des conflits entre nations pour ça. Et certes, savoir se battre ne voulait pas dire que l'on devenait automatiquement un acteur des conflits mais essayez donc de faire comprendre ça à Kiku.

Aux mots de Shan, Kiku posa une main bienveillante sur la tête du petit. Malgré tout, cela lui faisait plaisir qu'il prenne modèle sur Yao et lui. Forcement, c'était toujours une forme de fierté.

« Dis Kiku ... Pourquoi tu es tout mouillé comme ça ? »

Ce fut au tour du Japonais de laisser de légères rougeurs lui monter aux joues. Rougir de gêne devant un enfant était un peu bête mais il ne pouvait pas encore se designer lui-même comme un adulte accomplit de toute façon. C'était Yao qui lui avait donné cette méthode d'entrainement et il l'appliquait à la lettre mais c'était quelque chose d'assez personnel, pas le genre de pratique que l'on aime dévoiler. La méditation sous une cascade d'eau était assez éprouvante pour le corps, et exigeant au niveau de la concentration mentale, mais cela pouvait paraître désuet voire dénué de sens aux yeux des autres.

« Tu dois endurcir ton esprit avant ton corps, sinon c'est comme une maison sans fondations. »

Un sourire doux s'esquissa. Kiku n'était pas du genre à donner des réponses claires et concises, tout le monde le savait et il était connu pour ça. Il éludait souvent les questions ou y répondait de façon si détournée qu'au final, les interrogations étaient encore plus nombreuses qu'au départ. On avait tendance à le lui reprocher mais rien n'y faisait. Alors les autres s'en accommodait.
Kiku se redressa. Le soleil lui faisait du bien et commençait à le réchauffer. La petite clairière était baignée dans le calme, à l'exacte inverse de la maison chinoise.

«  Pourquoi veux-tu apprendre à te battre ? »

Simple curiosité. Quelles que soient ses réticences, il n'avait aucune intention d'empêcher Shan à apprendre l'art du combat. Au contraire, il l'aiderait si faire se peut. Après tout, c'était sa décision, il se devait de l'accepter et la respecter.

« Ne t'inquiètes pas, je ne le dirais à personne. Et Yong Soo ne pourra pas venir t'embêter à ce sujet, promis. »

Il y avait une nuance amusée dans sa voix. Il se doutait que si le jeune Hong-Kongais s'était caché ainsi, ce n'était pas pour que Kiku aille le crier sur tout les toits juste après. Et le Japonais était un maitre dans l'art de garder les secrets.