"Ave, ravissante demoiselle ! Le soleil vous va à merveille ! Quelle beauté ! Vous surpassez la classe antique. On ne s'est pas déjà croisé quelque part dans une de mes discothèques dyonisiaques?"



Atahuallpa était de bonne humeur… Qu’elle chance pour Adriano. Elle trouva l’homme beau parleur et comme elle était d’une grande curiosité, elle se montrait plutôt enjôleuse.

« Encore un qui cède à ta vue ma grande… » songea Atahuallpa.

Elle s’approcha de lui et lui expliqua alors, tout en roulant ses yeux de braise, que Cihuacoatl l’avait envoyée sur cette île pour y trouver une récompense mais qu’au lieu de ça elle a trouvé une nature plutôt étrange… Mais l’affaire était réglée parce que ses pas l’avaient conduite tout droit vers cet homme séduisant.

« Et pour répondre à votre question, je ne suis jamais allée à vos discothèques, je vais plus souvent au temple, voyez vous, je suis pieuse ! D’ailleurs si on se tutoyait ? »

Vînt alors le sujet de discutions principal. Atahuallpa annonça qu’elle était un empire et que sa civilisation comptait dans les plus avancées de toute la nouvelle terre. Bien entendu elle ne tarda pas de parler de ses ingénieuses inventions avec l’enthousiasme d’une enfant.

La question de la guerre arriva à son tour.

« Moi ? Et bien c’est simple, quand mon ennemi m’énerve, je lui mets une flèche entre les deux yeux et ensuite je le dévore pour m’accaparer de ses pouvoirs qui pourraient le faire revivre pour ensuite se venger… Parfois je le garde en vie, j’attends l’aube et je l’emmène au temple. Je le mets sur la table d’opération, je lui arrache son cœur palpitant et je l’écrase sur Quetzalcóatl. Enfin, je fais jette le cadavre de façon à ce qu’il descende les marches comme un tonneau… » La jeune aztèque racontait tout cela avec simplicité comme un fait d’actualité.

La séduisante Atahuallpa s’allongea sur le sable fin puis d’un air malicieux demanda.

« Et vous mon cher ? Parlez moi de vous, de vos traditions, de vos démarches militaires, ou de votre façon de ravir le cœur des femmes… »

Atahuallpa regarda l’étrange couple.

« On dirait bien que tu t’es faite avoir ma fille ! songea-t’elle. Il est casé. Aaah l’adultère ! Il serait puni s’il faisait ça chez moi ! »

La jeune femme se leva donc et tendit sa main en direction de Celtilia.

« Bonjour gauloise… civilisée… » répondit Atahuallpa.

Cependant, si Adriano n’était plus unis par les liens sacrés du mariage, ce n’était pas si grave finalement, puisqu’il ne commettait pas réellement de tromperie. Il semblait ne pas rester indifférent vis-à-vis de l’aztèque et elle s’en aperçue.



- Tu as donc décidé de me pourrir mes vacances ! Je pensais pourtant avoir été assez clair. Si c'est la guerre que tu veux, tu vas l'avoir ! Ne vois-tu donc pas que je discute avec une damoiselle mille fois plus raffinée que toi, pintade clodiquante que tu es ! Dégage de là autruche !

Raffinée, Atahuallpa… Elle en avait entendu brièvement parler. C’est quand les gens savent se vêtir de manière plutôt élégante… Oui mais il faut dire qu’elle n’était pas spécialement habillée en fait… Elle se comparait à la jeune Gauloise à l’air fier.

- Excuse moi. Je te présente mon ancienne furie... euh épouse !

Atahuallpa eut quand même un petit sourire qu’elle tenta de cacher. Ils étaient drôles tous les deux quand même !

Elle adressa un regard flamboyant à son admirateur. Comment pouvait elle ignorer cet homme friand de conquête aussi romantique et aussi respectueux envers elle ?



La nuit tombait et Atahuallpa était fatiguée. Elle s’étira gracieusement et déclara aux deux personnages qu’elle se couchait. Elle eut la chance de trouver un hamac, qu’elle attacha aux troncs de deux arbres. Toute souriante elle songeait à sa journée passée sur cette île étrange en compagnie de ses deux numéros.

- Et bien, je l'avoue, dans le domaine de l'amour, je suis incorrigible. Je ne peux m'empêcher de jouer le tout pour le tout quand je tombe sur une reine ou une dame aussi jolie que vous par exemple. Mais ne nous y méprenons pas, je ne suis pas en train de te draguer ! D'ailleurs, les conquêtes dominatrices ne m'intéressent plus.
Je recherche l'amour, le vrai tu comprends ! Le genre à faire une lune de miel à deux aux Seychelles ! A s'endormir bras dans les bras au ciné devant 300 ou Ben Hur le dimanche aprèm...

Ses mots raisonnèrent en elle puis elle s’endormit avec l’expression d’une enfant.

Spoiler:

C’était un cauchemar. Un véritable cauchemar de sable, de sel, de chaleur. Pourquoi avait-il écouté ce qu’Iset lui avait dit ? Pourquoi donc ?
Le résultat et qu’il souffrait de la chaleur excessive, lui, habitué à la fraîcheur des sous-bois, à la neige, à la pluie, au froid. Et ce soleil ! On avait beau être fort, musclé, grand, père de nombreux enfants devenus des nations puissantes, on ne pouvait pas lutter contre les attaques de Sunna, dieu du Soleil. Il s’avait que s’il se découvrait de ses longs voiles amples et blancs qui l’enveloppaient, sa peau allait virer au rouge vif.

Il accompagnait l’Egypte Antique, qui avait longuement argumenté –plus ou moins violemment, entre vases cassés et douceurs, alternant chaud et froid afin de le faire plier- et finalement, il l’avait accompagnée.

Qu’il haïssait cet univers, cette île entourée d’EAU, où il avait eu un affreux mal de mer tout le temps de la traversée, sans compter qu’on lui servait quasiment exclusivement du POISSON ! Malade, mal nourri, souffrant de la chaleur, il était évident que le grand blond à la tresse était de fort mauvaise humeur.

Il n’était pas comme Iset, dont la peau ambrée supportait les morsures de l’astre solaire, dont les yeux plus sombres que les siens supportaient cette luminosité, dont le climat de sa maison se rapprochait de celui de cette île de malheur. Compatissante, elle lui avait orné ses yeux de khôl, afin que son regard d’émeraude soit un peu protégé de tout cela.

Et les gens appelaient ça des vacances ? Il n’y avait même pas de cervoise !

Il avait été emmené sur la plage. Il y avait déjà du monde. Dont Rome. Oui, c’était un cauchemar, il allait se réveiller, il serait chez lui, chaudement emmitouflé dans des fourrures, entendant le feu crépiter alors que la neige recouvre tout dehors. Mais il avait beau se pincer, c’était bel et bien la réalité.

Rome était déjà entouré de deux femmes très peu vêtues. Comme à son habitude, presque. Enfin, il préférait le Rome en tenue de légat, glaive en main, en train de batailler férocement avec lui que ce Rome, dans ce qu’on pourrait appeler des braies écourtées vivement colorées, sirotant une boisson à la couleur trop fluo pour que ça soit naturel, faisant la causette avec deux plantureuses femmes.

Ecartant un peu les bords du voile blanc dont il s’était emmitouflé la tête afin de mieux y voir, le grand blond aux longs cheveux eut le déplaisir de reconnaître dans une des femmes exhibant sa quasi-nudité dans un ensemble deux-pièces qu’il trouvait indécent en public, sa « très cher sœur cadette ». Celtilia. L’autre furie qu’il s’est amusé à traumatiser depuis l’enfance. Oui, voir sa petite sœur sur le point de pleurer alors qu’il s’amusait à jouer les esprits quand ils étaient enfants, la voir implorer l’aide de Rome quand il déboulait avec ses hordes de cavaliers chez elle le remplissait d’une certaine joie légèrement cruelle.

Oui, c’était un fait, Germania n’aimait pas Gallia. Et beaucoup moins depuis que cette dernière s’était jetée tête la première dans la couche de Rome. Comme une traînée. Enfin, on ne choisit pas sa famille.

L’autre femme, qui avait une peau légèrement cuivrée et une longue chevelure noire, lui était inconnue. Il restait alors en retrait, silencieux comme à son habitude, tâchant de rester à l’ombre des palmiers. En priant le puissant Wodan que Rome ne le remarque pas, qu’il ne le prenne pas encore pour une femme avec ses longs cheveux –il oubliait sur l’instant les voiles et les yeux fardés de noir-. Que sa « très chère » frangine ne l’ennuie pas sinon il se fera un plaisir de « l’ennuyer » en retour. Et que l’Egyptienne ne le traîne pas vers le groupe…

Des vacances, c’était pas une bonne idée, ça ? Oh bien sûr, la brune bossait pas trop, depuis un ou deux millénaires, mais bon. Rien ne valait un repos bien mérité quand même ? C’était Rome qui avait proposé cela, dans une lettre. Lettre qu’Iset, compatissante, avait lu à Germania. Bien sûr, l’Egyptienne avait voulu faire sa belle, ô comme elle était intelligente, elle, ô qu’elle savait bien lire le latin !
Sauf que voilà, au bout d’une phrase et demi, le drame avait eu lieu « miiiince, c’est quoi cette déclinaison ! Argh, je me rappelle plus de la conjugaison…et ça, c’est un attribut, un compliment ? Mais euuuh, il peut pas écrire en dessin, comme tout le monde ?! »
Oui, tout le monde = Iset. C’est bien connu. Bref, finalement ils réussirent à vaincre à eux deux la missive. Merci ô édition de poche du sacro-saint dictionnaire Gaffiot, que ferions-nous sans toi ? Cette question devait sans doute être dans les esprits de bon nombre d’étudiants, mais passons.

Plutôt qu’en trois minutes, la lettre fut traduite en trois heures «hé, on est bon quand même, Germania, les gens en France ils doivent faire ça en quatre heures, eux !-. Germania n’osa pas lui dire que les étudiants français n’avaient pas trois lignes à traduire, mais trois paragraphes, eux.

Une fois l’épreuve de la lettre vaincue, plus celle du je-dois-convaincre-Germania-de-venir-aussi-sinon-qui-porte-mes-valises ?-, il resta la question des bagages. La donzelle hésitait : valait-il mieux prendre sa robe blanche à petites bretelles, ou bien sa robe blanche à bretelles petites ? Choix cornélien…

Hein quoi, on vous passe les détails ? Oui bon, d’accord …

Donc, avance rapide, ils étaient désormais sur la plage de sable blanc que leur avait indiqué Rome dans sa missive. Ok, ça, c’est fait… Et évidemment, Germania grognait. Pas capable d’être content une seconde, lui ? Remarque, c’est vrai que c’était décevant, par ici. Du soleil, du sable mais pas de pyramides... non en fait, c’était presque malsain.

La jeune femme avait maquillé son comparse à grand renfort de kol et autres fards pour lui protéger sa jolie peau de si-t-es-blonde-aux-yeux-bleus-à-forte-poitrine-appelle-mon-numéro. Elle avait même pas eu droit à un grognement de gratitude, évidemment.

Oh tiens, c’était qui là bas ? Ah…Rome… Ouais, normal. Il parlait avec une inconnue. Bah, pas intéressant. Il y avait Gaule, aussi et, d’après l’animal à ses côtés, la nation n’avait toujours pas testé l’excellente recette de coq au vin qu’elle lui avait passé le siècle dernier. Quel dommage !

Bon par contre, Iset allait poser son sac à dos, parce qu’il était lourd. Et en plus il gigotait –les gâteaux avaient tourné et muté pendant le voyage ?-.

-Grouiiiiiik

-Sac à main !

L’énorme croco émergea du sac en toile et se dégagea en un mouvement énergique. Ce salopio avait joué les passagers clandestins ?! Supeeeer, il allait encore lui ramener des puces !

- Tu es un méchant, méchant, méchant croco…

Mais l’animal n’avait cure des remontrances de sa maîtresse. En effet, il venait d’apercevoir un truc bien plus intéressant : Rome.
Alors, le tonnerre naqui sous ses papattes vertes et écailleuses tandis que Sac à Main galopait vers l’homme.

- Grouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiik

Comment, vous ne parlez pas le croco ? hé bien je vais traduire « Papaaaaaaaaaaaaaaaaaa »

Atahuallpa revint le pas ferme qui balançait ses hanches de façon si gracieuse. Elle arriva sur la plage et aperçue Adriano et Celtilia.
Et oh ! Un crocodile… Tiens, cette île regorge d’animaux très étranges.
Adriano semblait faire des bonds de deux mètres. Elle se plaça à côté de lui en s’étirant avec souplesse puis demanda :
- Que ce passe-t’il ce matin ?
A en juger l’animation, Adriano se retrouvait au milieu de gens qu’il ne pouvait pas supporter ni même en statue.
Elle aperçue de nouveau Iset, une jeune femme ravissante aux manières très prononcées et Germania qui paraissait mécontent.
L’aztèque comprit alors que tout ce petit monde ne pouvait se supporter et qu’il allait certainement naître hypocrisie et querelles. Comme elle détestait cela ! Pourquoi les Européens passaient donc leur temps à s’envoyer valser et à faire semblant de s’apprécier ?
- Trésor, excuse-moi pour hier soir. J'étais tellement fatigué, je suis rentré plus tôt. Tu ne m'en veux pas chérie ? Mais oh ne serait-ce pas ton frère détesté que j'aperçois au loin ? Rassure-toi, je suis là pour te protéger ! Reste à mes côtés. Oh Eltilios, regarde le croco, de la chair fraiche pour toi.

Déçue, Atahuallpa s’attaqua à sa pirogue afin qu’elle puisse reprendre le large. Elle était en train de la débarrasser d’algues et d’autres parasites marins tandis que les discutions partait de plus belle.
Atahuallpa, une fois le travail finit, se leva et prit une flèche qu’elle plaça sur son arc.
- Si j’en entends encore un se plaindre, je me servirais de son crâne pour me faire un bol de soupe !
Il y eut un grand silence et Atahuallpa abaissa son arc.
- C’est pas trop tôt ! Si vous ne vous aimez pas, il est inutile de continuer à cohabiter ensemble ! Faites vous une hutte de vacance, je pense que l’île est assez grande pour vous séparer ! Maintenant je veux manger un dindon accompagné de maïs, alors le premier qui me gâche mon repas il aura à faire à moi ! Compris ?!
La jeune femme reprit son arc et tira en direction de la « jungle ». Il y eut un « glouglou » agonisant et la chasseuse l’attrapa pour achever l’animal complètement. Elle fit un feu pour bouillir son maïs et un autre pour cuire sa proie.
Elle regarda le restant des personnes sur la plage à la regarder et leur proposa de se servir, qu’il y en avait pour tout le monde.

Evidemment, Rome les ignora superbement. Bah, c’était pas plus mal. Reste que Sac à Main pleurait toutes les larmes de son pauvre corps devant tant de cruauté paternelle. En fait, là, la Iset, elle était un peu anesthésiée. Comment dire, elle avait passé DES PLOMBES à voyager avec Germania pour venir jusqu’ici. Germania était un ours, un barbare, il ne parlait pas. Mais alors, pas du tout. Parler toute seule, c’était pas marrant, alors la jeune femme avait passé son temps dans un mutisme complet et traumatisé. C’est vrai quoi, c’est inhumain !

Et là, sur l’île, BAM du son, du bruit, des cris… oh la vache, ça débouche les esgourdes bien comme il faut ! Autant le dire, l’égyptienne elle était complètement abrutie, là. Ouais quoi… plus que d’habitude en fait…

-….. Par Osiris et par Apis, trop de bruits. Vous savez quoi ? En fait je vais aller sous ce palmier là bas, et faire des ronds dans le sable, ça sera cool. Et ouais, sympa ton arc, machine… ta voix par contre, non. Voyager avec un barbare, c’est pire que de se prendre une cuite…

Aussitôt dit, aussitôt fait. La brune était sous son arbre, à végeter pour savoir qui de l’œuf ou de la poule, était venu en premier. Sac à Main, quant à lui, espérait toujours un regain d’affection romaine. Le coq ? Il aurait pu le manger si dans sa mémoire tenace de poisson rouge (sa mère était un poisson rouge avec pedigree, ne le saviez vous pas ? D’où les yeux globuleux, et il en est fier) un souvenir n’avait pas éclôt. Il y a bien longtemps il avait déjà tenté de bouffer le coq, ouais, sauf que la stupide bête avait failli s’étouffer avec une plume. De ce fait, Sac à Main n’avait pas envie d’y aventurer à nouveau ses mâchoires. En plus depuis ce fait, il avait apprit à cocoricoter on ne savait comment. Au fond, on ne voulait pas savoir.

Et puis, ça commença à sentir la bouffe. Qui donc avait fait la popotte ? Oh, machine…

Bon, est-ce qu’Iset avait faim ? Ouais peut-être. Est-ce qu’elle allait aller avec les autres Baaaah….
Joker ?
Appel du ventre, appel du calme ?

Faim quoi…

Hop là retour à la civilisation. Oui, ok, civilisation est un bien grand mot, en gros la Iset, elle allait prendre une assiette et puis voilà. Est-ce qu’elle avait pensé à emporter sa lime à ongle ? Mmmh faudra vérifier…

- Euh... euh... Tiens ave Germy... Je ne savais pas que tu venais en vacances ici, fit-elle nerveusement, tu... tu as vu ? Ils n'ont même pas de cervoise, les mortels ne savent vraiment pas apprécier les bonnes choses...

…Sa frangine. Son horrible petite sœur qu’il adorait tant détester. En plus qui s’adressait à lui par un salut LATIN. Elle, sa sœur. Il avait envie de la frapper. Mais non, il y avait du monde, il n’allait pas commencer avec les querelles de famille. Il savait parfaitement que ça ne pouvait causer que du mal. Rien qu’à voir ses relations avec ses propres enfants…

Il se contenta donc de lui jeter un regard noir et se tourna vers la femme à peau de cuivre, non pas Iset, l’autre, qui avait l’air plus sauvage, plus vindicative.

- Si j’en entends encore un se plaindre, je me servirai de son crâne pour me faire un bol de soupe !

Ah. Enfin quelqu’un qui a un sens des valeurs qui s’approche un peu du sien. Les crânes en guise de décoration, il avait aimé ça, un jour. Pourquoi les gens ont peur de ces trucs là, les squelettes ? Ils en ont tous un sous la peau !

Mais déjà, l’archère avait reposé son arme et s’affairait à préparer à manger. Un espèce de gros volatile qu’il ne connaissait pas par chez lui. Avec un truc, une sorte de céréale qu’il ne connaissait pas trop non plus, voir pas du tout ? Comment ça, Germania était resté arriéré ? Non, il veut juste être sûr que ce qu’il mange est comestible. Et sans expert local, comment savoir si la poule qui glougloute et l’épi doré comme le soleil ça se mangeait ? Hein ?


Bon, pendant que l’inconnue occupait à sœur au massacre de la poule au cri bizarre, pendant qu’Iset faisait des petits dessins dans le sable, bien à l’ombre sous un palmier… Eh bah Rome avait abaissé son glaive et s’approchait de lui.

Les grands yeux verts du Germain s’agrandirent deux secondes de surprises et rapidement, il se mit à froncer les sourcils : qu’est-ce que Rome lui voulait encore ?

- Hermann, ça fait un de ces bails... Si toi aussi tu es là, c'est qu'il a dû s'en passer des choses en Europe. Cela te dirait-il d'enterrer la hache de guerre autour d'un bon glouglou au maïs ?

Hermann. C’était si rare qu’on prononce son prénom. D’ailleurs, lui prenait très au sérieux son statut de nation et ne l’employait pour ainsi dire, jamais. Il tiqua légèrement à l’énonciation de ce prénom d’ailleurs, tellement peu habitué à l’entendre de la bouche d’autrui.

- Rome.

Le grand blond essayait de se faire comprendre mais bien sûr, son nombre de mots étant extrêmement limité (comme certains de ses fils, ne cherchez pas plus loin que la génétiques messieurs-dames), il essayait de condenser ses nombreuses pensées en un micro-volume. De façon capillo-tractée, on pourrait limite dire que c’était lui qui a inventé la nanotechnologie et le langage SMS (comment ça, ce n’est que des fautes de latin ? non môssieu, c’est un langage texto).

Tout compte fait, il ne cherche pas à parler plus, l’appel d’une nourriture fumante sur la table et comestible –oui, pas un de ses fichus poissons !- le fit rejoindre le groupe. Comme quoi, l’appel du ventre… Il n’était d’ailleurs pas le seul à avoir succombé. La viande était bonne et bien cuite, comme il aimait. Il eut presqu’envie de penser que l’inconnue du Nouveau Monde serait juste bonne à marier et que de beaux enfants, beaux et robustes, pourraient sortir d’une telle union…

Spoiler:

- Rome.

Oui, ce manque de vocabulaire aussi flagrant : c'était bien Germania. Aligner sujet-verbe-complément dans une phrase lui était encore impossible. Il n'avait pas changé le barbare. Quand il s'agit de manier l'épée et de joncher le sol de crânes ok mais manier les mots en revanche, on peut aller se faire voir chez les Grecs. Comment ce grand blond aussi ignare avait-il pu être au service de Rome aussi longtemps ? Bon, en même temps à deviner le poids chiche qui lui servait de cerveau, pas difficile de le manipuler.

Sauf qu'à la fin, la force avait pris le pas sur l'intelligence, et là Rome n'avait pas eu d'autre choix que d'aller se faire voir chez les Grecs, les Turcs, et j'en passe, puisqu'il était même arrivé aux Seychelles. Pas de la news de ses petits-fils de la part d'Hermann, tant pis, laissons-le donc près de sa petite soeur chérie. Avec l'avantage SMS illimité Europe, Adriano prendrait de leurs nouvelles bientôt.

Par contre, Anthéa avait refusé de lui filer son num., pas cool. A l'heure qu'il est, elle avait surement dû aussi disparaitre de l'Europe et pour la joindre, tintin, le réseau ça passe pas de partout ! Bon Iset était quand même venue, dans le fond, ça faisait plaisir à Rome. Certes, elle n'avait pu s'empêcher d'emporter son sac à puces et son armoire à glace germaine, mais bon elle était là en train... de faire la gueule, près des cocotiers !

Qu'est-ce qui lui arrivait à l'Egyptienne, encore une crise de spasmo-jalousie ? Et bien qu'elle boude la brunasse ! Pfff, les femmes alors. D'un pas furtif, Adriano alla caresser Sac à main, arracha une plume à Eltilios et prit une assiette de glouglou aztèque. Mmm, quel plat raffiné ! Tout autant que sa cuisinière, il faut dire. Quelle amazone sexy décidément.

- Chère Atahuallpa, c'est tout à fait divin. Permettez- moi de vous offrir cette plume en guise de remerciement pour ce repas exquis. Certes, nous n'avons pas le nectar et l'ambroisie mais je lève un verre de vin seychellois à votre santé !

L'aztèque, dans une posture étrangement romaine, titillait les cinq sens du Caesar. Si cette créature sulfureuse venait du Diable, alors Adriano irait bien volontiers bruler pour l'éternité en enfer. Histoire de pimenter un peu la soirée qui devenait trop morne à son gout, Rome ne put s'empêcher de lancer cette petite pique à l'attention de ses épouses.

-Arrivez-vous à cuisiner aussi bien le coq et le crocodile avec cette recette ? Celtilia et Iset ne m'ont jamais appris comment m'en déba... les accommoder !

Adriano écouta ensuite le récit du voyage de l'aventurière. Ainsi donc, elle avait bravé les tempêtes. Lui n'avait pas connu ce problème puisqu'il était passé par la mer Rouge et le canal de Suez que Moïse avait bien voulu lui ouvrir pour l'occasion. (Et oui, la légende ne précise pas qu'il ouvre également les isthmes !)

- Très chère, permettez-moi la prochaine fois de vous prêter un de mes navires Croisiera Antica 4 étoiles, version Titanicum, insubmersible ! Je bénéficie également de promos intéressantes avec Air Ex-Empire et Club Romméditerranée si vous êtes amatrice de tourisme !

Voilà que l'Aztèque se remettait à parler de chez elle...

- Si un jour j'y retourne je vous y invite tous ! Et pas d'enfantillage, hein ?

Bingo, telle la flèche de Cupidon, Adriano se sentit transpercé. De ses yeux de braise, l'imperator déclara :

- Et bien à vrai dire, je n'ai jamais visité ce coin-là. Et je pense que ce serait une bonne chose d'exporter mes discotecae et orgies romaines outre-Atlantique. Et puis ces grandes pyramides qu'il y a aussi chez vous, ça m'intrigue ! S'il n'y fait pas aussi sec que chez Iset, alors oui je serai partant pour vous accompagner !!

Le grand blond écoutait tout ce petit monde s’agiter alors qu’il prenait son temps pour bien mastiquer ces aliments inconnus. Un jour, alors qu’il était mercenaire de Rome, le brun l’avait envoyé en Egypte. Bien sûr, Iset lui avait fait goûter les dattes. Mais il avait failli s’étouffer parce qu’il ne savait pas qu’il y avait un noyau dedans. La nourriture étrangère était bonne mais il fallait faire attention.

Il tourna la tête pour voir Iset manger avec un air passablement ennuyé. Apparemment, elle n’aimait pas la compagnie de toutes ces femmes. Ah, les femmes… Si Germania savait écrire, il aurait pu y consacrer des volumes entiers. Les femmes et leurs humeurs, les femmes et les gosses, les femmes et la lune, les femmes et la nourriture… Et encore tellement d’autres sujets, tellement d’anecdotes vécues avec les mères de ses (trop nombreux ?) gamins.

Discrètement, il lui tapota le dos en signe de compassion. Enfin, il espérait que cela soit pris comme cela car son manque d’expressions faciales et verbales faisait qu’il avait bien du mal à se faire comprendre. Bon, au moins, pouvait-elle se dire que lui pensait un peu à elle ? Déjà qu’il avait accepté de voyager en bateau avec elle. Certes il a passé son temps au dessus des rambardes à « nourrir les poissons » plutôt qu’à discuter avec la belle égyptienne, mais son mal de mer était vraiment trop atroce.

Le blond réprima un haut le cœur à repenser à l’affreuse traversée. Les avions avaient été inventés, ils n’auraient pas pu voler dans les cieux comme les glorieux aigles ? Mais non, il avait fallu s’astreindre à voyager en bateau. Que ne ferait-il pas pour une femme ?

Il regarda Rome ne face de lui. Non, il ne la séduirait pas ouvertement par des phrases mielleuses et vides de sens. Comment les femmes, ces créatures divines, pouvaient croire parfois à de telles sottises ? Encore un mystère féminin…

Enfin, quand il regardait son idiote de sœur, il se demandait pourquoi elle était née femme. La femme, pour lui, était l’intermédiaire entre l’homme et la divinité. Elle était capable de donner la vie et d’enchaîner le plus puissant des hommes. Comment cette pleutre qui se jetait dans les bras de Rome, qui fuyait en hurlant quand il s’approchait, qui n’avait aucun des raffinements ni du caractère propre à son sexe. Le seul mérite qu’elle put avoir est d’avoir enfanté un fils, selon le grand blond.

D’ailleurs elle revenait des bois avec un serpent autour du cou, et déjà elle allait se frotter contre son « époux ». Avait-elle oublié les vieilles valeurs de pudeur qui vont à son genre et à ses origines ? Avait-elle si peu de fierté pour laisser le barbichu séduire une autre femme sous ses yeux ?

Le blond se contenta de soupirer. Plus personne ne reconnaissait les bonnes vieilles valeurs. Comment ça, il était vieux jeu ? Mais ces jeunes, de nos jours, ils ne respectent plus rien ! Après, on s’étonne que la fin du monde est programmée à 2012 avec des meurs aussi dissolues !

La claque de Germania dans son dos fit revenir Iset parmi les vivants. Raaah, si on pouvait même plus rêvasser tranquille, il voulait lui péter la colonne vertébrale, le blond là, non ? Iset toussa un peu, le souffle coupé et leva une main à l’attention du barbare

- Je vais bien, je vais bien..

Bon ok, en fait c’était presque impossible de l’entendre tellement sa voix n’était plus qu’un souffle d’air, mais il lui fallait juste le temps de respirer ! Euh…comment on faisait déjà ? Ah oui…inspire, expire… inspire, expire…

- Keuf keuf !

Ce serait idiot de mourir au soleil alors ça, l’Egyptienne allait s’en passer. Bref, qu’est-ce qui se tramait de beau ? Oh, absolument rien d’intéressant. Rome draguait une autre écervelée qui se prenait elle aussi pour la perfection incarnée. Pfff elles en avaient pas marre les morues, franchement ? Avoir de belles hanches empêchait pas pour autant d’être doté d’une immonde pustule sur le derche… Faudrait qu’elles comprennent quoi. Vénus, Aphrodite and co, ça existait pas en vrai. Youhou, on se réveille…

Et voilà que Gaule s’imaginait maîtresse des serpents j’ai-peur-de-rien-je-suis-une-déesse… Elle allait lui foutre un aspic dans son soutien gorge tiens, à la Gauloise. En plus ça ferait rire Germania, ce qui était tout un évènement en soit.

La noiraude bailla, au fond totalement extérieure à tout ça. Si les deux gamines là bas voulaient se faire sauter, libre à elle. Iset, ce qu’elle voulait c’était passer de bonnes vacances. Finalement, la jeune femme se leva et s’étira. Marcher un peu allait lui faire du bien, elle avait pas besoin de parler aux gens pour le moment.

L’Egyptienne s’éloigna donc, sans rouler ses fesses comme une chatte en chaleur, elle, perdue dans ses pensées. Le sable ici était différent de celui de chez elle. Marrant… Bah, ça la…euh… dépaysait ? Ouais, on pouvait dire ça comme ça.

C’est sympa le chant des vagues, ça apaise. Parfois on a pas besoin de plus de choses que cela pour se sentir bien.

Sans même sans rendre compte, la brune s’était mise à fredonner un petit air. Avec un peu d’imagination, Iset pouvait se croire absolument seule au monde. Sans Rome dragueur, sans greluches qui se prenaient pour des miss univers dénuées de défauts et complètement rustres. Hellas lui manquait, certes elle se disputait souvent avec l’autre femme mais n’empêche… Ouais, elle lui manquait.