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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Calepin abandonné Dim 2 Mai - 17:22 | |
| Je refais mon coin écriture, juste pour clarifier le gros bazar que j'en ai fait. Sur la première page, je ne vais pas faire la liste complète de mes fics. Tout simplement que j'en apprécie moins que d'autres (que je conserve tout de même parce que ces mouchoirs ne sont pas encore assez usagés pour être envoyés au broyeur). Pour voir l'intégralité de mes écrits, il suffit de fouiller dans mes deux comptes. • Compte FF.net• LivejournalJe vais donc simplement me contenter de mettre dans cette première page ceux des écrits que je préfère (parce que les plus travaillés à mes yeux). Contes ;. Tout est aube//La petite sirène// Triptyque sur la vision du Prince, de la Princesse et de la Sirène de la fin d'un conte et de ses conséquences. Hamlet ;. Doux passéAu bord de la folie, Ophélie se souvient, avec nostalgie, de l'époque où le prince de Danemark la courtisait. Dans leurs gestes, leurs paroles, ils montraient leur attachement l'un à l'autre mais semblaient se le refuser. Hetalia ;. Entre frèresIl ressemble à un ange avec ses cheveux blonds et ses grands yeux bleus. Il veut le protéger cet ange qu'est son frère depuis qu'on l'a mutilé. La diplomatie américaineLa Guerre Froide fait rage, faisant trembler de terreur tous les pays. Alfred invite Ivan afin de trouver un terrain d'étente. Mais ne serait-ce pas plutot un moyen de tuer le russe discrètement ? La pêche aux infos/ Suite de l'épisode 31 de l'anime, version Gakuen d'Hetalia / On ne vous a montré qu'une partie de l'enquête menée par les membres du journal étudiant. Voici la suite de leurs aventures. Le géant qui sommeilleChine est la plus vieille nation qui soit. Tout le monde le connait comme un vieux sage, observant le monde avec calme. Personne ne se souvient de son enfance et de sa rencontre avec un empire prestigieux. Purification par le feuDétruire le passé pour devenir "moderne" et plus puissant. Il y avait cru et avait travaillé lui-même à sa propre destruction. Quand il s'en rendit compte, le mal était déjà commis depuis longtemps. Réunion entre amiesLes pays féminins adoraient monter des réunions pour s'échanger des informations sur leurs collègues masculins. Car n'a-t-il rien de plus amusant que de se moquer des grands de ce monde ? T'aimer et te haïrDécembre 1870. Cela fait près de 70 ans que la Finlande a été arrachée à la Suède, séquestrée dans le pays de glace qu'est la Russie. Qui saura réveiller la Suède de sa torpeur, du gouffre où l'a plongé cette séparation ? Ludwig Revolution ;. De la réalité d'un conteGretel menait son frère, partant en éclaireuse devant lui. Hansel suivait sa soeur, ses pas accrochés aux siens. Chacun protégeait l'autre plus que sa propre vie. Magie nocturneOn dit que le prince Ludwig n'a jamais aimé aucune femme, et ne s'intéresse qu'aux corsages bien remplis. Est-ce si vrai que cela ?/Spoilers sur la fin de la série/ La route d'Eldorado ;. Le musicien et le voleurCe musicien blond à la figure de chiot battu osait gagner plus que lui, vénérable voleur ? Pour pallier la concurrence, il n'y a qu'une seule solution : s'associer. Ou comment Miguel devient l'associé de Tulio. Le voyage de Chihiro ;. Faiblesse divineDieu de la rivière détruit par les hommes, il partit dans le monde des kamis. Seulement, il ne s'y retrouva prisonnier, sans plus aucun nom véritable, et sous l'autorité d'une puissante sorcière.
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Lun 3 Mai - 18:16 | |
| Encore une fic Hetalia (pour changer de mes habitudes...). Un court one-shot axé sur le duo Prusse/Ukraine. J'ai cherché à trouver des liens symboliques entre eux, j'espère qu'ils vous apparaitront à la lecture. Soleil dans un monde monochrome- Spoiler:
Printemps 1941 – Ukraine
La neige crissait sous ses pas dans un doux chant qu'il n'avait jamais entendu dans ses forêts natals. La neige ne venait que durant quelques temps, frappant au carreau pour annoncer sa visite, alors qu'ici elle était maitresse du logis, et c'est elle qui décidait de vous ouvrir sa porte. Ils avaient rompu cette porte, brisant ses gonds, arrachant son voile à la déesse des neiges, exposant ses blessures aux yeux du ciel. Fermant les yeux, se bouchant les oreilles, Gilbert tâchait d'ignorer ce qu'il avait fait, ce qu'il n'avait pas empêché. Il ne pouvait qu'espérer calmer une bête furieuse qui avait pris la place de son frère, devenir son ombre. Après tout il portait mieux le voile de l'obscurité que le manteau de lumière.
Ils marchaient dans une boue glaciale, un amalgame qui lui donnait la nausée. Il en avait accompli des batailles, vu des horreurs qui menacent de vous rendre aveugles tant leur intensité est frappante. Mais aujourd'hui il y avait quelque chose de malsain dans l'air, comme ces jeux macabres que créent les enfants sans se rendre compte de leur cruauté. Ce n'était pas l'atmosphère russe – Gilbert la connaissait que trop bien depuis qu'il s'était attaqué à Ivan sous les ordres du meilleur dirigeant qu'il avait pu avoir. Cet air était dégagé par un autre être, proche de la Russie mais bien différente de lui.
Parmi les collines éventrées par l'armée allemande, se détacha une silhouette. La flamme blonde de ses cheveux lui donnait des allures de phare, guidant les troupes jusqu'à elle. Toute sa personne était un appel à la vie : les couleurs de son corps, un étendard à la joie. Cette explosion de réjouissance, décalée dans cet univers de chute, ne pouvait que donner la nausée. Gilbert sentit son frère se crisper à ses côtés.
- Elle se moque de moi. Regarde-la. On la croirait apprêtée pour une fête alors qu'elle vient de perdre !
Gilbert suivit le bras tendu vers la silhouette, qui avançait maintenant vers eux. La bataille avait laissée des traces sur la jeune femme : de la boue couvrait peau et vêtements, cachant le sang versé par les hommes en tribut à cette femme. Pourtant, aucun voile de deuil ne recouvrait le visage, et les yeux demeuraient relevés. Morceaux de ciel bleu où ne se profile aucun nuage, des yeux qui regardaient ses bourreaux sans ciller, sans pudeur.
La neige volait sous les pas de la femme. Les mouvements de son corps faisait ondoyer des mèches sur son front, des rayons de soleil caressant une neige fraiche. Elle était si chétive, pourtant elle ne tremblait pas. Pas même en se retrouvant devant le pays qui avait la domination de toute l'Europe – hormis quelques grappes de courageux résistantes.
Pas de nuque offerte à la hache. Pas de prosternation. Pas de paupières baissées. Aucune parole. Seul le regard clair et franc plongeant dans un champ d'épines, et la tête gardée levée, le menton refusant de toucher la terre. L'Ukraine qui gardait sa fierté de princesse. Une attitude vue comme un outrage.
On la saisit par le devant de son uniforme, les boutons s'éparpilleant sur la neige. Des étoiles tombées d'une constellation. Katioucha, si sensible, ravala ses larmes alors qu'elle se trouveait offerte aux regards. Des regards qui ne la voyaient que sous l'identité que lui procurait son corps : une femme, dont la peau est offerte en patûre, la chemise déchirée. La jeune femme rabattit ses mains sur sa poitrine. Ses yeux prenaient un éclat effarouchée de biche traquée, ses flancs palpitant sous un souffle haché. A nouveau la main allemande qui s'abat sur elle, l'aigle qui ne lâche pas sa proie. Personne pour la sauver, seule devant l'inéluctable, elle ne pouvait qu'attendre, en espérant ne pas connaître le pire. Le gant de cuir amorça comme une caresse sur sa joue, mais ce n'était qu'un geste pour prouver qu'elle était à sa merci.
- Vous ne m'avez jamais intéressé mademoiselle, mais vous obtenir est l'un des plus courts chemins pour atteindre votre frère.
Le souffle qui s'accélère, les yeux qui supplient. Laissez-le ! Vous savez il n'a pas été si mauvais. Paroles inutiles. Ne reste que l'espoir et les illusions : la Russie est puissante, jamais Ivan ne courbera l'échine devant un autre, même l'Allemagne. Cette dernière se détourna de l'Ukraine, toujours prostrée au sol.
- Gilbert, occupe-toi de la dame. La laisser seule auprès des hommes ne serait pas une bonne chose. … Du moins pour elle.
Le Prussien hocha la tête, s'avançant vers la femme tandis que les troupes refluaient, se retirant pour préparer la marche de demain. Il s'attendait à découvrir une femme brisée, laissant libre cours à ses larmes. Des larmes il n'y en avait que quelques gouttes, essuyés d'une main tremblante. Katioucha se relevait lentement, constamment fermée sur elle-même, comme une fleur qui replie ses pétales pour préserver ceux qui n'avaient pas encore été arrachés.
Gagner une bataille remplit toujours de fierté. Pourtant ce fut un sentiment de honte qui glissa dans les veines prussienne à la vue de cette nation humiliée. D'une femme bafouée qu'on avait trainé devant les vainqueurs comme un trophée. Que pouvait-il faire, lui qui n'était que le pantin d'un frère cadet, lui qui avait laissé l'Autriche couper une fleur sauvage pour la mettre dans un vase ? Simplement laisser parler son coeur d'homme, donner quelque situation décente à une princesse déchue.
La lourde veste se posa sur les épaules de neige, cachant le soleil pour laisser place à la lune. Les doigts frêles de Katioucha ramenèrent les pans du vêtement devant elle, offrant un fragile abri contre les épreuves à venir. Un remerciement chuchoté du bout des lèvres, la jeune femme baissa pudiquement les yeux devant l'homme qui venait d'avoir pour elle le premier geste de compassion.
- Je vous en prie, ce n'est rien. Venez.
Une main blanche se posa sur la main de cuir. Un flocon de neige sur une terre défrichée.
Eté 1941 – Ukraine
Le feu éclairait son chaleur, fleur rouge, vénéneuse et fascinante. Ce brasier ronflant dans la cheminée était bien loin des flammes caressantes que la jeune femme allumait dans la demeure sordide de son enfance. Elle se tenait loin de l'antre, au contraire du maître des lieux dont le profil se détachait de l'ombre.
- Mademoiselle, que vous proposiez à m'aider à attaquer votre frère me surprend. Je croyais que la famille était chère à vos yeux. La salive glissa, acide, dans la gorge de Katioucha. Elle devait prononcer les arguments qu'elle avait soigneusement préparés. Et surtout faire comprendre son point de vue à cet homme qui n'était que vengeance. Ses yeux s'accrochèrent à ceux de l'Allemagne.
- Herr Allemagne, je n'ai pas les mêmes buts que vous concernant mon frère. Je veux avant tout qu'il me rende mon statut d'ainé. Qu'il comprenne qu'il est allé bien trop loin.
Et j'espère que quelqu'un saura vous le dire aussi, vous montrer que vous foncer dans un mur. Une main pressa les doigts ukrainiens durant quelques secondes, puis se retira dans l'obscurité. Du coin de l'oeil, Katioucha discerna une chevelure de neige. Gilbert avait-il saisi l'allusion dans ses mots, cette invitation à suivre la voie qu'elle commençait à tracer, à imiter sa volonté ? La voix de Ludwig obligea la jeune femme à braquer son attention sur lui, et non son ainé.
- Mais ces buts ne concerne que vous. Qu'est-ce que cela m'apportera ? - On ne dénigre jamais des bras supplémentaires en temps de guerre. Je me porte moi-même volontaire, et vous suivrais jusqu'à Moscou. La dernière carte avait été posée sur la table de jeu. Le dernier pion avait été avancé sur l'échiquier. Katioucha ferma les yeux, attendant le coup de l'adversaire. Qu'avait-elle à perdre après tout ? Vivre sous les contraintes imposées par l'Allemagne ? Elle avait enduré celles d'un être qu'elle adorait, qu'elle continuait à protéger, alors ceux d'un étranger ne seraient que bien plus supportables. Un lourd soupir troubla l'air, un bruit de tonnerre qui ébranle une grotte perdue au loin.
- Si vous y tenez tant... Que diriez-vous de rejoindre la 14e division de la Waffen SS ?
Katioucha se leva d'un bond de son siège, la bouche emplie de remerciements et de paroles de grâces. L'émotion la rendant muette, la jeune femme se contenta d'amorcer une révérence qui fut stoppée par un geste de la main de cuir. Supposant qu'on la congédiait, Katioucha sortit de la pièce à pas rapides. Ce n'est qu'après la traversée de plusieurs couloirs qu'elle se laissa tomber à terre. Grâce à Ludwig, elle allait peut-être sauver son frère de la folie qui le gagnait.
- Tu as eu tort de lui faire cette demande. Ludwig ne laissera jamais ton frère en paix tant qu'il ne l'aura pas soumis. Comme les autres. La dominant comme un oiseau de mauvais augure, Gilbert fixait ses prunelles de feu sur l'Ukraine postée à ses pieds. Décalque d'une scène pas si lointaine que cela, où le frère remplaçait le frère. Katioucha se leva, sachant qu'en face de la Prusse la vérité pouvait être dite sans être recouverte d'un vernis.
- Mieux vaut tenter quelque chose que demeurer sans rien faire.
Un orage se préparait sur l'Ukraine, et ses éclairs brillaient dans les yeux bleus. Les nuages recouvraient le tout quand l'Allemagne était dans les environs, voile tirée pour masquer la scène où la fierté se déployait sans contraintes. Gilbert suivit Katioucha qui sortait de la maison à pas précipités, lui attrapant le bras pour la forcer à s'arrêter.
- Courir vers l'échafaud est une bonne solution peut-être ? Il n'y a pas de bourreau moins pire qu'un autre. Dans tous les cas, tu seras détruite.
L'orage éclata, la pluie frappa de ses aiguillons les terres qu'elle dominait. Les barrages cédèrent laissant l'eau dévaler librement sur les joues de Katioucha. Plaquant ses mains sur ses yeux, elle laissa les sanglots la secouer. Les pleurs poussés dans le noir, loin des regards, revenaient la submerger et l'engloutir de leurs poids funèbres.
- Si j'avais le choix... le choix d'être libre... ne crois-tu pas que je l'aurais déjà fait ? Mais je n'ai pas le choix ! Jamais ! Toi, est-ce que tu as fais quelque chose pour la retrouver ta liberté ? Tu suis ton frère sans rien dire, toi aussi tu lui pardonne ses excès ! Comme moi avec Ivan !
Les hurlements de Katioucha emplirent l'air, confidences envoyées aux vents qui les porteraient à qui voudraient bien les entendre. La jeune femme se laissa tomber à genoux, les larmes continuent leurs chemins, inlassablement.
- Je veux juste le sauver. Toi aussi, tu devrais essayer de sauver ton frère... Nous sommes les seuls à pouvoir faire quelque chose... On est les seuls à les comprendre, et surtout... à pouvoir leur pardonner leurs erreurs. Le dos de la jeune femme se plia sous le poids des larmes. L'idole aux couleurs de vie menaçait de perdre ses éclats, de prendre les teintes monochromes d'un monde en déclin. Les gants de cuir quittèrent les mains blanches, laissant la neige prussienne se mêler à celle de l'Ukraine. Un baiser de frère fut posé sur les paupières à demi-closes, ramenant dans le bleu céleste un rayon de soleil. Un rayon d'espoir.
Epilogue
Chien abandonné, le corps brisé par la vie, il n'attendait plus rien de l'avenir. Ni soleil pour le réchauffer, ni pluie pour le pousser à rentrer chez lui. La Prusse n'était plus, son nom rayée des cartes et remplacé par un sigle sans charme, une marque apposée au fer rouge. Ne restaient que les larmes sur les pavés qui emplissaient son coeur. Seul parmi les autres habitants de la maison russe. Solitaire dans la foule, âme en peine continuant à marcher à défaut de pouvoir reculer.
Katioucha le recueillit un jour, peut-être exaspérée de le voir se trainer les ailes dans la boue. Il s'était laissé emporter par le tourbillon de couleurs, redevenant un enfant dans les bras de cette mère universelle. Gilbert s'était retrouvé, tête sur les genoux de l'Ukraine qui laissaient glisser ses doigts dans les cheveux de neige. Ces cheveux que tant de gens avaient observé avec dégoût, faisant le signe de repousser le mauvais oeil en le croisant. Et elle, sans aucune répulsion, les touchait avec douceur. Peut-être même avec un peu d'amour.
- Tes cheveux ressemblent à la neige... La douce neige qui fait rire les enfants, qui leur apprend des tas de jeux. La neige qui apporte des enfants aux parents.
De sa voix maternelle, Katioucha commença le long fil des contes de son pays. Le début d'une tradition qui se tissa entre elle et Gilbert. Ne pouvant s'opposer à son frère, ne pouvant pourtant supporter ce qu'il commettait, la jeune femme faisait oublier la chute des corps le temps d'un récit, le temps d'un conte. Contre les actes, elle ne pouvait qu'utiliser la force des mots.
Ce furent des mots qui brisèrent le mur qui contraignaient les nations à la servitude russe. Bon gré mal gré, Katioucha laisse l'oiseau prussien retourner au nid. Petit à petit, chacun suivit la même voie, elle-même fit ses adieux à son frère – même si l'ombre d'Ivan demeurerait toujours derrière elle, aux aguets. Elle était dorénavant libre, et pourtant elle se sentait seule parmi toutes ces nations qui l'entouraient.
On ne peut oublier temporairement sa solitude qu'au sein d'une foule compacte. Katioucha se fondait parmi son peuple, oubliant dans ce contact ses obligations et devoirs. Parmi les couleurs bariolées des vêtements vint un être monochrome dont les yeux étaient des éclats de feux pour Katioucha, le sang des vaincus pour d'autres. Gilbert ne put amorcer un seul geste que l'Ukraine se retrouva suspendue à son cou, riant comme une petite fille. Simple et pleine de vie. Fidèle à elle-même. - Hé bien, hé bien... rit Gilbert en attrapant Katioucha par la taille. La princesse est si heureuse de revoir son valet ? La réponse fut formulée à travers un chaste baiser, fleur rosée posée sur des lèvres pâles. Par ce geste, Katioucha offrit ses couleurs au prince des ombres, le rose de ses lèvres prenant place sur les joues prussiennes. Pinçant le nez de Gilbert, elle élucida la question. - Ceci, c'est pour avoir osé croire que tu étais mon serviteur. Viens, il faut que je montre les environs. C'est bien plus beau qu'avant.
Les mains blanches se fondirent en une seule. La silhouette noire et la silhouette bleue disparurent à l'horizon, embrassée par le monde qui s'offrait à eux. Le soleil embrassa la lune.
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mar 8 Juin - 21:33 | |
| Un petit cadeau pour Sushi sur le couple Allemagne/Japon. J'ai inventé ma petite scènette entre yokais, j'espère que çà n'entre pas en contradiction avec la mythologie japonaise.
Les clochettes tintaient
- Spoiler:
Les clochettes tintaient dans l'air, fées agitant leurs jupes de cristal pour combler le silence de la nuit. Leur chant ne masqua pas celui des rires d'enfants, étoiles plus brillantes que celles accrochées à la voûte nocturne. Ces rires étaient la promesse de jours ensoleillés, de chuchotements sous couvert d'amples manches, de sourires masqués par une mèche de cheveux indélicate. C'était les rires d'enfants n'acceptant dans leur monde que le beau, le sublime, le délicat.
De peur de briser ces rires en sanglots, Ludwig se refusa toute pensée qui pourrait ternir l'atmosphère. Son esprit finit par se vider, devenant un réceptacle destiné à recueillir les moindres sons qui parcourent la demeure japonaise. A travers le shôji se dessinaient les lumières des lanternes de pierre, comme autant de lampions tenus par des mains invisibles.
L'Allemand entendit Kiku s'asseoir à ses côtés, avec cette discrétion qui le caractérise. La voix ne s'élèva pas plus haut qu'un murmure : lui aussi, peut-être, avait peur de briser un instant aussi fragile qu'une aile de papillon, et tout aussi sacré.
- Vous les entendez ? Je crois qu'ils vous préparent une nouvelle blague pour cette nuit.
Un même sourire amusé apparut sur les visages des deux nations, comme deux parents qui constatent l'étonnante imagination de leur progéniture. Pourtant, ce sourire avait été l'apanage du Japonais, son homologue germanique appréciant moyennement que les yokais prennent sa chambre pour une salle de mah-jong. Il avait fallu qu'il se réveille une nuit, apercevant penché sur lui le visage délicat d'une enfant, aux yeux agrandis par la curiosité, pour qu'une carapace se disloque, laissant un coeur se faire entendre. Pour que la rigueur laisse place à l'amusement, que le sourire remplace les crispations de mâchoires.
Il n'y a que les regards des femmes pour changer ainsi un homme.
Le tintement des clochettes se transforma en cascade, accompagnant les pas qui dégringolaient l'escalier, averse de joie et de soleil. Kiku se leva, tendant une main sortant d'une manche, légère comme l'esprit, à son invité.
- Vous devriez venir. Ce que vous risquez de voir, peu de gens l'ont vu. Considérez-vous comme privilégié.
Comme un enfant qui a peur de se perdre, Ludwig saisit la main tendue dans la sienne, empli d'appréhension et poussé par la curiosité. Le panneau coulissa dans un murmure repris par le vent régnant au dehors. Guidant son invité, Kiku remonta le chemin de pierre. Les lanternes de pierre éclairaient leur parcours, laissant entrevoir des silhouettes sorties du néant. Une main se dessinait à travers une branche, un ourlet de kimono apparaissait dans les buissons, et les rires augmentaient, sortant de milles poitrines. L'air était saturé de murmures et de mouvements, de foisonnement et d'agitation.
- Ils préparent quelque chose ? osa demander Ludwig, voyant un oiseau passer au ras de leur tête, portant sur son dos d'étranges créatures lumineuses. - Ils se rassemblent. Comme beaucoup d'autres soirs. Pour aider un être qu'ils considèrent comme une des leurs, même si elle n'est pas fille de cette terre.
Sur l'onde du lac se reflétaient les innombrables esprits qui s'étaient confortablement installés dans les branches des arbres environnantes. Créatures humanoïdes au corps nimbé d'une douce lueur, chacun était une flamme brillant dans les frondaisons. Ludwig lâcha la main de son guide en découvrant tel spectacle. Les esprits le regardèrent, produisant parfois un léger bruissement comme si l'arbre respirait par leurs bouches.
- Des kodamas, expliqua Kiku. Les esprits des arbres. Faites attentions, ils sont très malicieux. - Malicieux, hein ? Que peuvent bien me faire de si minuscules créatures ? - Minuscules créatures, reprirent mille voix, en un écho parfait de la question germanique.
Les kodamas s'agitèrent de concert, traversés par un même mouvement, leurs têtes tournées vers l'étranger, prêt à répéter chacune de ses paroles pour lui apprendre le respect. Amusés devant le regard stupéfait de son invité, Kiku dut se mordre la lèvre pour ne pas laisser échapper un rire, masquant son visage derrière sa manche.
- Vous connaissez la nymphe Echo d'Heraclès ? Les kodamas sont bien pire qu'elle. - Bien pire qu'elle, bien pire qu'elle ! - Je vois. Ils jacassent toujours ainsi ? - Toujours ainsi. Toujours ainsi. - C'est leur façon de s'amuser. Un jeu d'enfant. Rien de méchant. - Rien de méchant. Rien de méchant.
L'écho se finit sur une note aigüe, signe d'excitation. D'autres esprits s'attroupèrent sur les bords du lac, créatures aux formes les plus diverses, toutes recueillies, fixant l'onde d'un regard ancestral. Une silhouette se détacha des autres, kimono volant gracieusement sous le souffle du vent, dévoilant des membres fins encore arrondies par l'enfance. Une main minuscule tira sur le pantalon de l'Allemand, obligeant son propriétaire à baisser les yeux. Un regard sombre empli d'étincelles lui fit face, baignant le visage délicat d'une enfant.
- Oh, mais vous n'auriez pas une touche avec ma petite Zashiki-warashi, vous ?
Il ne manquait plus que Kiku sorte un éventail de sa manche pour parfaire le tableau de l'asiatique comblé, mais n'osant pas l'avouer à visage découvert. Ludwig ouvrit la bouche pour lancer un mot allemand assez sec pour couper la langue nippone, mais la petite main insistait et évidemment, en bon gentleman (notion qui n'était pas seulement britannique) il se devait d'y répondre.
L'enfant poussa son rire cristallin quand Ludwig la mit sur ses épaules, ses mains tenant fermement les fines chevilles pour éviter que la fillette ne bascule. Image du père portant sa fille dans les festivals, prêt à la poser à terre pour lui attraper quelques poissons rouges qui seraient autant de souvenirs d'un moment partagé. Kiku se prit à regretter de ne pas avoir pris son appareil photo. Il y avait des clichés qui se perdaient. Les clochettes tintèrent, accompagnées de la voix des kodamas. Certains esprits se mirent à danser sur cette musique, agitant ce qui leur servaient de bras et de jambes en des figures qu'aucun humain n'aurait pu produire. Ce qui aurait pu paraître gauche devint magnifique.
La zashiki-warashi accompagnait les danseurs en tapant des mains. Ce fut elle qui poussa le cri qui met temporairement fin aux festivités. Sa bouche ouverte en un o parfait, elle leva le doigt vers la lune. L'astre brillait d'une lueur plus vive que d'habitude, palpitant comme un être vivant. L'ombre chinoise d'une silhouette féminine se dessina distinctement sur sa surface, comme projeté par une de ces lanternes dites magiques. La silhouette sembla s'incliner devant l'assemblée qui était à ses pieds. Un clignement de paupière plus tard, la silhouette s'était évanoui.
- La fête lui a plu, conclut Kiku en laissant son regard sur la Lune.
Sentant le regard interrogateur de Ludwig sur lui, le Japonais entreprit d'initier le jeune érudit à certains secrets.
- La princesse Kaguya est retourné sur la Lune il y a de cela des siècles. Pour chasser sa nostalgie de la Terre, et lui montrer que nos pensées l'accompagnent, les yokais dansent et chantent pour elle une nuit par mois. Peu d'humains y ont assisté. Encore moins des nations.
Le regard appuyé de Kiku fit comprendre tacitement à Ludwig de ne poser aucune question. Le moment était à l'écoute. La zashiki-warashi descendit de son perchoir, non sans agiter la main à l'attention des deux hommes avant de se fondre parmi la cohorte d'esprits qui repartaient dans leurs domaines respectifs. Kiku attendit que le dernier yokai disparaisse pour reprendre la parole.
- Bien, il est temps de s'acquitter au devoir le plus important d'une fête. Honorer les dieux et esprits avec un peu de saké. (Kiku en tenait justement une fiole, sortie d'on ne sait où, accompagnée de deux soucoupes) Et quel plus beau endroit qu'un lac éclairé par la Lune, sous le regard de notre belle Kaguya ?
Le Japonais avait déjà pris place, versant le liquide dans les deux soucoupes, levant la sienne pour que les rayons de l'astre se perdent dans les vapeurs de l'alcool.
- A l'une des plus belles femmes qui daigna m'accorder son regard.
Un sourire nostalgique trancha le profil nippon, se noyant dans le saké. Ludwig hésita quelques instants avant d'opérer le même geste, sa voix prenant une note rauque, mal assurée.
- A l'un des plus beaux pays qui soit.
Les deux regards se croisèrent au-dessus des soucoupes, hésitant à s'enfoncer dans le liquide comme deux soleils se couchant à l'horizon. La nuit se prêta à la scène, ses ombres occultant partiellement les visages, cachant les rougeurs qui auraient pu en dire long. Des prunelles sombres brillèrent – emplies de larmes ? - accompagnant une voix qui se fit claire, mais tremblait comme une feuille.
- Arigato.
Au loin les clochettes tintaient.
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Kiku Honda / Japon Kami des Autoroutes
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mar 8 Juin - 22:22 | |
| Du fluuuuuff ! C'est tout fluffy.
Parce que le angst ne fait pas tout mesdameszémessieurs.
Ça fait du bien de voir ces deux-là dans un autre contexte que l'Axe. Même si je trouve que Ludwig dénote énormément dans un univers comme celui-ci, plein de yokais et d'esprits. Pourtant ses interactions avec eux, surtout la zashiki-warashi, sont assez touchants. On dirait vraiment un père de famille. Puis le coup du mah-jong... J'aime le fait que tu fasses intervenir plusieurs types d'esprits : la zashiki-warashi, les kodamas, Kagura-Hime... (avant qu'elle ne soit nommée, je pensais que c'était Tsukiyomi le frère d'Amaterasu, dieu de la Lune). Et j'aime la petite allusion à Echo.
Par contre il y a une chose qui me dérange avec Kiku dans ta fic. Je ne sais pas, je suis assez mal à l'aise devant ses paroles et sa façon de parler. Après, c'est surement car Kiku est le personnage que j'interprète et que je sais que je l'aurais fait réagir autrement. Mais je chipote, nous avons tous une approche différente des personnages.
Quoi qu'il en soit, merci. <3
Il faudra aussi que je fasse un Ludwig/Kiku quand j'aurais plus de temps. |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mer 9 Juin - 7:56 | |
| Non tu n'as pas le droit de critiquer. Tu dois me louer et te prosterner à mes pieds.A la base je voulais justement montrer un Ludwig qui dénote dans un tel univers, mais je me suis laissé emporter dans la description des yokais. *adore décrire des créatures et lieux magiques* Et après réflexion, l'Allemagne a aussi son lot de légendes et de créatures "bizarres" entre autres avec les contes de Grimm, le joueur de flûte d'Hamelin, Faust. J'aurais bien voulu comparer la mythologie des deux pays tiens, pour voir leur vision des dieux par exemple à Ludwig et Kiku (une autre fois peut-être ?) Kiku je l'ai très rarement joué, alors je peux comprendre que j'ai peut-être une certaine difficultée à le respecter, voire peut-être à l'OCCer un peu. Mais comme tu dis on a chacun notre vision du personnage, et aucune n'est parfaite. Ravie que ce petit texte t'ai plu. |
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Hermann/Germania Lapin Crétin. Plus lapin que crétin. Quoique.
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mer 9 Juin - 12:13 | |
| Mon commentaire ne va pas du tout être constructif mais j'ai trouvé ça vraiment trop mignon. Je souriais comme une bienheureuse devant, ça fait du bien de voir ce genre de textes doux... Et puis, ça m'a appris des choses sur les créatures nippones, parce que je suis vraiment à la ramasse sur ce sujet xD *et c'est interdit d'imaginer Germy sourire comme un neuneu en lisant xD*Bref, j'aime et je dis "encore". |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Sam 19 Juin - 20:02 | |
| Réponse à une idée de Roderich sur un crossover Hetalia / Le labyrinthe de Pan sur Antonio et Ofelia. Pas de romance entre les deux, et comme le suppose le fandom, c'est du angst donc sortez les mouchoirs.
J'ai souhaité faire quelque chose sur la fuite du temps, son côté inexorable. Car on ne peut jamais remonter en arrière quand on est impliqué dans l'Histoire. Et dans le film, tout est précipité par le temps, ne serait-ce que la quête d'Ofelia, et on sait combien Vidal est obsédé par cette doctrine.
C'est un texte qui m'a été difficile de construire, car je respecte énormément ce film.
S'il faut un titre, alors je renverrais au son des aiguilles d'une montre.
Tic, tac
- Spoiler:
Tic, tac.
Le ballet des aiguilles traversait son esprit, y résonnait plus fort que les battements de son coeur. Mais n'avait-t-il pas une horloge à la place de cet organe palpitant ? Ses doigts tâtonnaient sa chemise, voulaient l'arracher pour s'accrocher aux aiguilles, les faire tourner dans leur sens contraire. Ainsi tout reculerait, aujourd'hui redeviendrait hier, les erreurs disparaitraient.
Voyant sa main crispée sur le tissu, Antonio eut un rire dérisoire, une moquerie adressée à lui-même. Comme s'il était maitre de son destin, comme s'il pouvait conduire le frêle esquif qu'était son peuple selon ses propres désirs. Il ne pouvait être que spectateur de sa chute, se regarder mourir à travers les regards éteints des Espagnols. Il y avait celui des révolutionnaires qui regardaient de tous côtés, bêtes traquées, devenant des poissons morts quand les balles les fauchaient, ou après que la torture leur ait fait payer le prix de leurs idéaux. Il y avait celui des civils, yeux enfoncés si loin que leurs visages ont la rigueur des crânes, ne brillant d'avidité que devant une miche de pain. Il y avait les yeux qui se cachaient derrière des verres teintés, mais continuant à être intenses, vous vrillant la nuque d'une douleur froide. Il y avait des yeux innocents.
Des gemmes dans la boue. Une figurine de danseuse dans la cendre. Voici à quoi l'avait fait songer Ofelia en descendant dans la voiture, petite fille fragile portant des livres bien trop lourds pour ses mains. Ce bijou allait pourrir dans ce monde de fange et de puanteur. La maison de campagne où elle entrait était celle d'un ogre, emplie du sang et des hurlements de ses victimes.
- Pauvre petite. - Vous pouvez le dire, Carriedo. Ne pas savoir respecter le temps est un manque fondamental d'éducation.
Tic tac – clop. La montre à gousset fut refermée, masquant le ballet des aiguilles. Ne trouvant pas la force de parler davantage, Antonio acquiesça aux paroles de Vidal. Cet homme, qu'il était effrayant. Depuis la guerre, Antonio avait perdu toute force, sa voix n'était plus qu'un murmure indistinct. Qui écoutait encore la voix du pays dans cet ère de tourmente ? Qui voulait encore l'entendre ? Seulement les hommes de pouvoir, et encore n'entendaient-ils que ce qui leur plaisait. Antonio n'avait pas la force de dire son avis sur l'arrivée d'Ofelia et sa mère ici. Dans les bois, personne ne vous entend crier.
Tic, tac.
L'horloge de la salle à manger avait sonné l'heure du repas depuis déjà trois minutes. Des grains de poussière sur la trame du temps se muant en retard inexcusable en ce lieu où chaque seconde avait son importance. Les aiguilles, fées perfides, murmuraient dans son dos, proférant des malédictions sur l'humaine qui osait enfreindre les règles du temps. A nouveau cette envie de saisir les aiguilles, de les tordre, de rendre muet le temps.
Le bruit de pas précipités poussa Antonio à accourir vers l'enfant, à la mettre en garde contre le danger qu'elle connaissait déjà que trop bien.
- Ofelia, tu es en retard pour le repas ! Le capitaine va... - Antonio, si vous saviez ce que j'ai vu.. Et puis sachez que si je peux déplaire au capitaine, j'en suis très heureuse.
Une étincelle vive brillait dans les yeux sombres, celle de la malice et de l'émerveillement. D'une main prompte, l'homme mena l'enfant chez l'ogre. Pour mieux les faire souffrir, le temps avait décidé de s'écouler lentement, rendant chaque instant pesant, étouffant. La nourriture qu'avalait Antonio devenait un poids dans son corps : celui des révolutionnaires tués dans l'entrepôt de nourriture, l'odeur de leur sang imprégnant celui de la viande et des fruits. Nous dévorons des cadavres. L'Espagne ne put regarder Ofelia prendre quelques grains de raisins sans frémir. La vigne d'où venait le fruit n'avait-elle pas été nourrie par des hommes retournés à l'état de corps pourrissants ?
- Antonio, vous voulez que je raconte ce que j'ai vu ? Le soleil était éclatant, bien trop pour cette époque. Antonio n'en avait cure, voulant oublier pour quelques instants le froid des geôles de la honte. Ofelia lui avait pris la main, avec cette simplicité propre aux enfants, le menant jusqu'à l'entrée du labyrinthe de pierre. Antonio pouvait sentir un filet d'air glacé chatouiller ses jambes, presque chaleureux à côté de l'ambiance régnant dans la maison.
- Là-dedans habite un faune. Il m'a appris que j'étais une princesse.
Oui ma petite Ofelia, bien sûr que tu es une princesse. Tu es une étoile tombée du ciel qui continue de briller alors que les adultes pleurent et s'effondrent. Tu continues à espérer pendant que nous tous, nous creusons nos tombes. Tu es Ophélie. Une princesse qui n'a pas la chance d'avoir un prince.
- Si je réussis les épreuves avant la pleine lune, je retrouverais mon royaume, mes parents...
Elle rayonnait la petite Ofelia en prononçant ces mots magiques, en mettant toute sa ferveur dans ce conte. Il aurait été cruel de briser l'illusion, horrible d'arracher cet enfant à son rêve pour l'envoyer souffrir dans la boue avec les autres. Non, elle méritait de rester sur son frêle esquif encore quelques temps.
Avec un sourire qu'il avait cru perdu à jamais, Antonio posa sur les cheveux de nuit une couronne de fleurs, une frêle réplique de ce qui aurait du être une couronne d'or.
- Tu seras la meilleure princesse qu'un royaume aura connu, Ofelia. - Mo Anna. - Pardon ? - C'est mon vrai nom. Mon nom de princesse du royaume de Besmola.
Il devint si sérieux ce visage d'enfant, prononçant le nom avec douceur. Antonio ne put qu'acquiescer, posant un genou devant cet enfant sans tâche, déposant un baiser sur sa main. Devenant complice d'un conte.
Tic, tac.
Les aiguilles s'agitaient frénétiquement, le ballet devenait un tango enflammé. Où es-tu Ofelia, où es-tu princesse ? Les soldats de votre escorte sont arrivés, vous devez les rejoindre. Le palais n'est plus sûr. Antonio fouillait la maison agitée par l'arrivée des révolutionnaires. Il fallait sauver Ofelia, la sortir de son conte avant que l'ogre ne trouve le chemin qu'elle avait emprunté.
Hors de la demeure dominaient les flammes et le sang. Ofelia, Ofelia, où pouvais-tu être ? Où peut se cacher un enfant quand le monde bascule ? Dans ses rêves, dans ses illusions. Dans les méandres d'un labyrinthe l'amenant à se cloitrer dans un royaume inexistant.
Antonio se souvient avoir crié, guidant quelques hommes avec lui, hurlé le nom de l'enfant comme si cela était une incantation qui la ferait apparaître devant lui. Ofelia. Mo Anna. Quel que soit ton nom aujourd'hui, reviens. Tourne dos à ce royaume. Remonte les marches de ce puits où tu descends.
A l'entrée du labyrinthe résonna le ballet des aiguilles d'une montre à gousset.
Tic, tac.
Pourquoi ne peut-on pas remonter le temps en remontant les aiguilles d'une montre ? Antonio les tournait fébrilement, son regard hagard dansant sur le visage de l'enfant. Là, il avait réussi ! Le sang ne refluait-il pas, vague d'incarnat, revenant dans le corps d'Ofelia pour lui redonner vie ? Sa respiration ne devenait-elle pas plus paisible, comme si elle sortait d'un long et mauvais songe ? Bientôt ses cils battraient, son regard se fixerait sur eux à nouveau et alors elle sourirait, leur douce princesse.
Il fallut qu'un homme baisse les paupières de l'enfant pour qu'Antonio comprenne. Personne ne peut contrôler le temps. Il est toujours plus rapide que nous, toujours il aura le dernier mot et abattra sa lame sur nous. La montre de Vidal reposait dans sa main, froide, continuant à compter le temps qui passe. Elle tomba sur l'herbe en silence, et fut frappée d'un coup de talon.
Les aiguilles devinrent immobiles. |
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| Sujet: Re: Calepin abandonné Sam 19 Juin - 20:16 | |
| Bonne idée de continuer d'explorer la thématique du temps, déjà présente dans le film. D'ailleurs je te conseille de trouver "Chronos", premier film de Guillermo Del Toro, et explorant complètement cette thématique via le mythe du vampire.
Dans ton drabble, Antonio semble avoir pris la place de Mercedes, dommage en un sens puisque ce personnage est majeur dans le film (si tu as regardé les commentaires, le réalisateur dit qu'il s'agit bien d ela version future d'Ofélia, si celle ci avait eu le temps de grandir).
Merci en tout cas pour ce texte, il nn'y en a pas assez traitant d'Antonio pendant cette période, alors qu'il y a tant à dire. Merci d'avoir repris l'imaginaire conte de fées également. Ca m'a fait plaisir de le lire |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Sam 19 Juin - 20:32 | |
| J'avais peur de trop me perdre en essayent d'inclure Mercedes qui est pourtant, comme tu le soulignes, un personnage important. On y repensa, peut-être même qu'un bref dialogue entre Antonio et Mercedes n'aurait pas été de trop. On aurait pu soulever la question de qu'est-ce que l'Espagne à l'époque. Celle des franquistes ou celle des révolutionnaires ?
Tout texte n'est pas parfait, mais oui je remarque que je suis passé à côté de quelque chose d'essentiel. Dommage.
Merci en tout cas d'avoir pris le temps de lire et de commenter. |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mer 10 Nov - 22:14 | |
| Ce n'est pas une fanfic, ce n'est pas de la littérature. C'est juste un texte qui me hantait depuis un bout de temps et qui devait sortir. Sauf qu'il n'a pas la forme que je voulais qu'il prenne : la faute sûrement aux personnages. *auteur qui se défait de toute responsabilité* Les personnages, l'univers sont des créations originales. Et, hum, je ne pense pas qu'il soit possible de tout comprendre dans ce texte un peu lapidaire. (Pour simplifier, les deux personnages sont magiciens - d'où la mention de pouvoir) Pourquoi je le poste ? Je ne sais pas, une envie, une pulsion. Bourgeon deviendra fleur- Spoiler:
A se voir si fragile dans le miroir, Elsa avait un rire acerbe envers elle-même. Envers le monde qui lui avait offert ce corps d'adolescente, de bourgeon qui n'avait toujours pas su éclore. Un corps malingre, aux membres trop fins qui lui donnaient des allures de créature évanescente. Il ne lui manquait plus que la robe blanche vaporeuse, et laisser flotter sa chevelure sombre pour terminer la transformation.
Sauf qu'Elsa était encore trop curieuse du monde pour se lancer sur un tel chemin. Elle avait vécue en recluse bien trop de temps, ne voyant l'univers qui existait hors des murs qu'à travers la fenêtre – et les lettres invisibles, glissées entre les lignes des livres. Maintenant sortie du froid de l'asile, de ce cercueil qui l'avait enfermé dans un lourd sommeil, la vie lui explosait à la figure dans toutes ses couleurs, dans toutes ses nuances. La jeune fille voulait les embrasser toutes, des faits les plus futiles aux émotions gigantesques qui menacent de vous écraser.
Elle voulait tout voir, tout apprendre.
Et en même temps elle avait peur de toute cette effervescence autour d'elle. Trop de choix d'un coup, elle qui avait du vivre dans une cage, en pressant son visage contre les barreaux pour quêter un brin d'air.
Il lui fallait se raccrocher à quelque chose, ou à quelqu'un.
Son choix s'était tout naturellement porté sur Wilhelm. Il était, pour Elsa, une île de plénitude dans cet océan inépuisable de curiosités et de découvertes. Un guide auprès duquel elle pouvait se reposer, qui ne se fâchait jamais, ne semblait jamais trouver les questions de la demoiselle saugrenues. Même si, parfois, un sourcil se haussait : mais la voix demeurait calme, chaleureuse.
Tout le contraire de cette autre personne qui était entrée dans sa vie, brusquement, comme une porte qui claque dans la vide. Elsa l'entendait venir, sentait sa présence et, instinctivement, elle se mettait aux aguets, se sentait oppressée. Ou plutôt elle ne savait point comment réagir aux exubérances d'Enora, créature dont le comportement la dépassait. Peut-être était-ce dû à leurs dissemblances. Elsa était tout silence, repli sur soi, observation passive, se fondait dans la masse avec sa coupe de cheveux droite, ses habits des plus communs.
Enora était une explosion. Elle ne pouvait pas s'exprimer sans éclat, sans marcher de long en large, ou avec de grands gestes. Ses cheveux roux étaient comme un signal, un moyen d'attirer l'attention parmi toute la morne grisaille de la ville. Elsa ne l'avait jamais vu flancher. Se plaindre du monde, çà oui. Mais abdiquer, se replier, jamais.
Et cela Elsa l'admirait, à tel point qu'elle était écrasée par cette femme qu'elle avait pris comme modèle. Enora était aussi une femme, pleine et entière, qui avait sur elle des regards, des remarques qu'Elsa se serait cru en devoir de trouver chez un homme. Et encore même pas : elle ne se sentait pas désirable. On ne peut pas désirer une gamine, on ne peut pas désirer quelqu'un qui a dormi pendant des années, loin du monde.
- Tu sais ce qui me ferait plaisir ? Un vrai sourire de ta part. Tu as besoin de t'ouvrir au monde.
Elsa acquiesçait à cette phrase, tournant dos à Enora pour qu'elle ne vit pas, qu'elle ne devina pas dans ses yeux la crainte majeur.
- Tu as peur que ton pouvoir t'échappe ?
Elle sentit ses épaules se tendre, son corps devenir une paroi. Elle voulut se boucher les oreilles mais se retint, comprenant que la fuite n'était plus de mise.
- Je te le répète. Ce n'est pas une malédiction. Ni un don. C'est un fait : tu l'as, voilà tout. Il faut apprendre à vivre avec, et à le dominer. - Peut-on dominer la colère quand elle devient si forte qu'elle supprime en vous toute raison ? Que vous n'êtes plus humaine, mais juste... juste une bête qui veut frapper, frapper, jusqu'à ce qu'elle tombe de fatigue ?
Les sanglots étaient montés dans sa gorge : elle n'avait pas su les retenir. Quand les lèvres se posèrent sur son front, elle ne les esquiva pas, mais se rua dans les bras offerts. Plantant ses ongles dans le dos d'Enora, elle laissa les digues s'écrouler. Tous les murs érigés pendant tant d'années tombèrent, tandis qu'elle lâchait, dans un cri muet, toutes ces craintes.
« J'ai peur du monde, j'ai peur de toi. J'ai peur des regards que tu poses sur moi qui voient une Elsa que j'ai jamais connu. J'ai peur depuis que tu m'as montré que, non, je n'étais pas un monstre : parce que je ne me sens pas capable de prendre ce chemin rocailleux. J'ai peur, affreusement peur. Et en même temps là, dans tes bras, pour la première fois de ma vie, je me sens en sécurité ».
Tout ceci, incapable de le formuler en des propos cohérents, elle laissait le silence le faire pour elle. Elsa demeurait accrochée à sa nouvelle bouée, sentant bien que l'autre femme pourrait profiter de la situation pour faire d'elle ce qu'elle voudrait.
Pourtant il n'y eut rien. Simplement des bras qui se refermaient sur elle pour la presser contre un corps chaud et vivant, un corps doux et accueillant. Et des lèvres qui chuchotaient des mots apaisants dont elle ne cherchait pas à discerner le sens : elle ne quêtait que les sonorités, telle une musique juste jouée pour elle.
*** - Enora ? - Hmm ?
Elle se sentit rougir, et se mordit la lèvre en sentant combien elle devaitparaître enfantine avec sa silhouette malingre dans l'encadrement de la porte. A voir la femme allongée négligemment dans son lit, tirée des affres du sommeil par son appel, Elsa se mordit la lèvre plus fortement. Sentant à nouveau en elle quelque chose qu'avaient fini par éveiller les baisers – pourtant chastes – de la rouquine, les regards qui l'avaient tant écrasé auparavant.
Elle ouvrit la bouche pour poser la question, mais la femme la devança en s'écartant et faisant signe qu'une place est libre. Elsa se glissa dans les draps telle une couleuvre : la chaleur qu'avait laissé le corps d'Enora l'enveloppait, et elle se sent en terrain connu. Comme un enfant dans le ventre de sa mère. La présence du corps de l'autre l'apaisa, et c'est même elle qui fit le geste de l'étreindre. Elle qui rejetait auparavant tout contact physique : de peur que son pouvoir revienne, qu'elle ne puisse le réprimer, que le corps se brise entre ses mains.
Elsa sentit ce corps puissant de féminité entre ses bras qui l'enserra à son tour. Un jour, peut-être, trouvera-t-elle le courage de s'y noyer, de le toucher avec plus d'intimité et de confiance. Un jour, peut-être, les traces qu'elle y laissera dessus ne seront pas provoqués sous l'effet de la colère, mais d'un abandon qu'elle pressent avec envie et crainte. Un jour, peut-être, ne sera-t-elle plus un bourgeon, mais une fleur qui se sera épanouie complètement, et pourra se tourner vers le ciel. Vers l'avenir.
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Sam 18 Déc - 19:01 | |
| Une fanfic Hetalia, ça me manquait. Je voulais rédiger quelque chose depuis longtemps sur les relations entre la France et l'Allemagne. J'ai fini par opter pour la commémoration à Verdun par Kohl et Mitterand. Pour avoir un petit aperçu de la cérémonie, je vous conseille cette vidéo. Parce qu'on ne peut pas être insensible à ce geste inopiné, devenu un symbole du couple franco-allemand. Des mains qui s'étreignent- Spoiler:
Jamais il n'aurait cru retourner dans cette ville. Verdun. Le nom même l'avait immobilisé, alors que son dirigeant lui expliquait ce qu'ils allaient accomplir là-bas. Francis avait baissé les yeux sur ses chaussures, s'était même laissé tomber sur la chaise la plus proche – sans s'en rendre compte, tout entier plongé dans ses pensées. Verdun. Un des plus singuliers exemples des désastres de la guerre. Francis se souvenait des corps qu'on cherchait vainement à enterrer, et qui se rappelaient aux bons souvenirs des vivants au moindre glissement de terrain. Les soldats avaient fini par ne plus marcher dans la boue mais sur des cadavres, et chaque pas brisait un os ou un crâne. Verdun. En apercevant le nom à travers la vitre de la voiture présidentielle, Francis s'était raidi. Au-dehors c'était une ville qui avait pansé ses blessures, qui les cachait sous de beaux atours qui se présentait à lui. Toutefois, jamais il n'oublierait l'ossuaire qu'avait été la ville en cette année 1916. Plus que cela, c'était devenu un trou menant aux Enfers terrestres. Il avait été présent parmi les soldats, partageant avec eux la peur du lendemain. Se déchirant de ne pas pouvoir faire comme certains hommes : se donner dignement la mort plutôt que de souffrir un long calvaire. Chaque mort l'avait ébranlé. Quand il avait croisé Ludwig au détour d'une colline d'ossements et de terre, Francis avait ri. Un rire sec et glacé. Le rire de la victime satisfaite que son bourreau subisse les mêmes tourments que lui. L'arrêt de la voiture le ramena au présent, à des années de la guerre. Sans un regard pour son dirigeant, Francis descendit de son côté. Parmi les nombreuses personnes venus assister à l'évènement, il aperçu une silhouette dont la carrure lui donnait des allures de pilier solide. Apparence bien trompeuse, et la France en savait quelque chose. Il pourrait aller au-devant de l'autre nation, le saluer d'une poignée de main. Au lieu de cela, son regard erra autour de lui. Il n'aurait jamais cru que les fleurs puissent pousser dans une terre emplie de sang. *** Ludwig s'éloigna quand Kohl s'avança pour saluer le dirigeant français. Il n'avait pas besoin de lui aujourd'hui, pas besoin d'être accompagné de la figure de triste sire qu'arborait l'Allemagne. Mais Ludwig ne pouvait pas sourire, pas ici. Lui aussi les voyait encore ces soldats qui ressemblaient à des morts sortis de leurs tombes, aux regards rendus fous, aux gestes de bêtes traquées. Leurs ombres ternissaient encore les lieux et la mémoire des hommes. C'était pour eux qu'ils se réunissaient aujourd'hui. Le noir seul habillait l'Allemagne, comme c'était le cas du chancelier et du président français. Couleur de deuil et de respect pour ceux qui étaient morts ici pour la patrie. Morts pour rien surtout, se rappela Ludwig, ne formulant pas cette pensée à voix haute car cela aurait été de l'irrespect pur. N'était-ce pas pourtant la vérité ? De chaque côté du front, ils s'étaient saignés jusqu'à perdre toute couleur, toute vie dans leur chair. Pour quel résultat ? Pas une seule avancée, juste un campement de positions et des morts par milliers. Des morts que rien ne remplacerait. Des morts que Ludwig n'avait pas su pleurer ce jour-là, ne voyant que la défaite face à l'ennemi. Il n'avait pas eu une pensée pour ces hommes qui s'étaient donnés à lui, de ces veuves qui l'avaient foudroyé du regard derrière la crêpe noire. Ce n'étaient que des soldats à ses yeux que d'autres remplaceraient aisément. Francis avait-il su pleurer ces morts cette année-là ? Possible. Ludwig le vit cet ancien ennemi demeurer à l'écart tout comme lui, perdant son regard là où il ne verrait rien qui pourrait lui bouleverser le coeur. L'Allemand aurait pu demeurer là, attendre la suite des événements et en être qu'un spectateur. Mais il choisit de prendre les devants, d'avancer vers cette nation qu'il avait tant brisé ici-même, à Verdun. - Franz. Francis eut un soubresaut, levant sur Ludwig le regard d'un somnambule qu'on vient d'arracher brusquement à son sommeil. Un sourire se dessina sur le visage français, un sourire tendu, hésitant comme lors du traité de l'Elysée. Traité qui n'avait pas permis une grande avancée dans les relations franco-allemandes : les deux nations se contentaient de marcher côte à côte, laissant la méfiance entre eux. - Heureux de te voir Louis. (L'Allemand ne perçut aucune hypocrisie polie dans cette phrase, juste une profonde sincérité). Je sais combien ça doit être dur pour toi de venir ici, vraiment, je te remercie. Ludwig serra la main tendue. Salutation formelle mais c'était bien là la preuve que le temps n'était plus où les deux nations ne savaient que se haïr. - Toi aussi Franz, ça ne doit pas être facile de revenir. Revoir une blessure que je t'ai infligé... Il dut se mordre la lèvre, ne pouvant pas parler davantage. Aborder le sujet était encore trop compliqué pour lui. Parce que derrière Verdun, il y avait tous les autres conflits les ayant opposé. Toutes les autres plaies qu'avaient infligées l'Allemagne à son voisin. Et la honte qui s'y collait, la difficulté de demander le pardon et de l'accepter. Il y eut une pression plus ferme sur sa main. Il croisa le regard compatissant du Français. Aucune pitié dans ses yeux clairs, juste une compréhension née d'un lent rapprochement. - Je sais, Louis, je sais. (Et la main continuait à serrer la sienne, en une étreinte amicale) C'est difficile pour chacun de nous. Le sourire et le regard qui accompagnaient cette simple étreinte touchèrent l'Allemagne. Les temps avaient changé, et ce qui s'accomplissait aujourd'hui marquait une étape dans leur relation. Sans un mot, l'étreinte fut brisée et les nations suivirent leurs dirigeants. Côte à côté, les mains se frôlant à chaque pas. *** Francis en avait connu des moments solennels, mais celui-ci était bien particulier, de ceux qui jamais ne se reproduiront. Il avait senti Ludwig se raidir à ses côtés, se forçant à ne pas montrer son émotion en entendant l'hymne allemand résonner autour d'eux. L'hymne allemand joué à Verdun. Le symbole était fort, et même Francis en était bouleversé. Auparavant ce chant était celui de l'ennemi. Dorénavant il était celui de l'allié, de l'ami. Par pudeur la France continua de regarder devant lui pour ne pas apercevoir les larmes allemandes. Même s'il les devinait que trop bien. Tout comme il devinait les siennes qui se bousculaient sous ses paupières, qu'il retenait difficilement. Il sentit son coeur s'arrêter un instant à la vue de l'improbable. A ce quelque chose qui n'était pas prévu dans la cérémonie, qui venait de naitre spontanément, sans calcul, venant droit du coeur. Devant lui, devant des centaines de personnes, le chancelier et le président se serraient la main. Improbable. Incroyable. Et la Marseillaise fut jouée, donnant toute sa force à la scène. Francis voulut parler, montrer discrètement à Ludwig ce qui se passait. Il se rendit alors compte que sa main n'était plus libre. Il eut un regard pour cette main tenant la main allemande, ou était-ce cette dernière qui l'avait emprisonné quand il avait eu l'attention détournée ? Peu importait. Tacitement, ils avaient fait le même geste que leurs dirigeants. Francis écartait pour aujourd'hui la possibilité qu'ils avaient été influencés, qu'ils n'avaient fait que copier. Le geste était là. Un geste d'alliance. Le Français sentit les larmes couler et ne chercha plus à les arrêter quand Ludwig se tourna vers lui, essayant de sourire malgré ses yeux embués. Il existait des moments dans l'Histoire où les nations lavaient le droit de laisser parler leurs émotions, leur part humaine. *** Quand le président et le chancelier tournèrent le dos au monument qu'ils venaient d'honorer, leurs mains ne se tenaient plus. A l'inverse de la France et de l'Allemagne qui s'étaient à nouveau écartés de la foule, mais n'avaient nullement remarqué ce détail, tout entiers encore plongés dans l'émotion du moment. Ce fut Ludwig qui le remarque le premier. Il y eut de la gêne sur son visage, et dans sa voix quand il osa parler à son homologue. - Franz, je crois que... La fin de la phrase s'éteignit dans sa gorge à la vue de Francis le regardant, avec un sourire encore empreint des larmes versées tout à l'heure. Un sourire chaleureux, ouvert, confiant. Ludwig se tut, se ravisa de jeter un regard sur leurs mains unies. Il eut un sourire maladroit, lui qui ne savait pas exprimer ses sentiments. - Rien. Enfin, si. Je ne regrette pas d'être venu. Francis laissa un bref silence s'installer. Non il ne dirait rien lui aussi sur ces mains liées l'une à l'autre, mieux que ne l'auraient fait deux mariés. Ce serait un de ces secrets qui font tout le charme d'une relation. - Tu sais maintenant que ton peuple et toi serez toujours les bienvenus en France. Nous vous ouvrons grand les bras. Un silence encore. Un sourire. - Mon ami.
Dernière édition par Ludwig / Allemagne le Sam 18 Déc - 19:47, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Calepin abandonné Sam 18 Déc - 19:42 | |
| ....Wah. Mais juste wah. C'est très beau et très bien écrit, on sent bien l'ambiance et la scène est facile à imaginer. C'est quand même assez recherché et ça m'a touchée... (Par contre, j'ai vu 2 ou 3 petites fautes, mais rien de bien grave, par exemple 1ère ligne paragraphe 8, 'levant sur sur Ludwig' :'D) Bref, bravo pour cette belle fanfic |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Sam 18 Déc - 19:55 | |
| Merci de la remarque pour les fautes Luxembourg. J'ai corrigé celle que tu m'as relevée, je tâcherais de relire le texte à tête reposée pour voir les autres. (Parce que je suis encore trop plongée dans le texte, je n'ai pas le recul pour remarquer mes fautes)
Merci de ta lecture et de tes remarques, vraiment. ♥ Je suis vraiment contente que cette fic t'ai touchée à ce point. J'ai tâché de rédiger au mieux une fic pour cette commémoration qui ne peut pas laisser indifférent. Si tu n'as pas regarder la vidéo dont j'ai donné le lien au post précédent, fais-le, je te le conseille. Je me la suis regardée plusieurs fois avant d'oser rédiger cette fanfic, et elle mérite d'être vue une fois dans sa vie.
Merci encore d'avoir pris de ton temps pour me lire.
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| Sujet: Re: Calepin abandonné Sam 18 Déc - 21:55 | |
| Oui ne t'inquiète pas, j'ai bien regardé la vidéo ^^. Enfin quand j'ai dis 'imaginer la scène', je ne voulais pas vraiment dire la cérémonie avec les gens autours et les deux dirigeants se serrant la main, mais plutôt, genre, quand Francis et Ludwig se mettent à verser des larmes, ou même lorsqu'ils se prennent la main d'eux-même, c'est très bien décrit que ce n'est pas parce qu'ils recopiaient leur dirigeant mais que c'était bien un geste voulu, et c'est surtout ça qui m'a beaucoup plu et m'a touchée dans cette fic ! Enfin voilà voilà... |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mar 3 Mai - 22:10 | |
| Des mois que j'ai pas écrit, et j'ai repris la plume en tattônant. Avec l'idée d'écrire un peu sur un vieux projet qui renait doucement de ces cendres. Une réécriture des contes dans un contexte différent, un XIXe siècle steampunk (pour ceux dont le terme ne rappelle rien, pensez à Jules Verne et ses curieuses machines comme le Nautilus). Bon cet aspect-là on ne le voit pas vraiment dans le texte qui va suivre. Je voulais surtout écrire sur ma perception et réécriture des personnages d'Hansel et Gretel (tout le monde connait le conte, je pense).
Alors oui ce texte mérite d'être re-travailler. Mais si je le poste pas là, je le posterais jamais.
Alors alea jacta est. - Spoiler:
Gretel se disait qu'elle devait être particulièrement masochiste pour revenir ici. Surtout que rien ne l'obligeait, il existait bon nombre de vois menant à France. Même pour une mercenaire. Mais non, elle n'avait pas pu s'empêcher de revenir au pays natal. Au pays haï, détesté. Même si autour d'elle les sourires avaient fleuris, que le soleil baignait les habitants, Gretel détesterait toujours l'Allemagne. Car il y avait trop de mauvais souvenirs enfouis ici, et que l'enfant en elle continuait à gronder, à jeter des cailloux sur un monde qui avait tout fait pour l'éliminer. Sauf que la petite fille avait bien grandi, et que personne n'avait réussi à la manger. Trop de nerfs et de révolte couvaient en elle depuis sa naissance. Gretel tourna autour de la chaumière, observant les débris calcinés. Comment avait-elle pu confondre cette maisonnette avec un palais en sucre ? La faim. Quand on a plus rien dans le ventre, on se laisse facilement berner. Et l'imagination joue alors de biens vilains tours. Surtout si on mange de mauvais champignons. Pourtant, même à cette époque, Gretel savait quels étaient ceux à écraser et ceux à cueillir avec précaution. Mais quand on a faim, qu'un petit frère implore de l'aide, vous ne faites plus oeuvre de prudence. Vous cherchez simplement à faire taire cette bête qui vous lacère les entrailles. La jeune femme entra dans la chaumière. Les années étaient passées, plus d'odeur de cuisine n'était perceptible. Encore moins celle du corps calciné, pourtant si forte dans ses souvenirs. Une odeur qu'elle ne pouvait décrire, qu'elle n'associait qu'à un sentiment de parfaite justice. Même après avoir appris la vérité, cette vérité qu'elle cachait à son frère car elle continue à le préserver. Alors même qu'ils étaient devenus adultes, Gretel continue à traiter Hansel comme l'enfant apeuré qu'il était lors de leur fugue. - Et c'est ici que je l'ai brulé... Elle posa sa main sur la porte du four – il était toujours là – se remémorant l'instant où les flammes lui avaient léché la figure, où elle avait sentit qu'elle les contrôlait. Elle entendait distinctement la porte se refermer alors qu'elle la poussait de toutes ses forces. - … la sorcière. Non ce n'était pas une gentille vieille dame un peu solitaire. Non, ils ne l'avaient pas tué. Et puis, après tout... - Si c'est vrai, était-ce ma faute ? (Elle haussa les épaules, eut un rire) Ils ont jugé sans savoir, nous ont condamné sans voir nos souffrances. Gretel recula d'un pas. Elle était venue voir s'il restait quelque chose de la chaumière, mais il n'y avait plus rien à détruire, à effacer. La jeune femme avait fait le deuil de la vie qu'elle avait menée dans ce pays, elle avait su tirer un trait sur le passé. Et même sur son crime. Elle qui avait craint pendant des années de se retrouver face à cette chaumière, avait réussi à passer le cap. Preuve qu'elle avait fondamentalement changé. D'une pichenette la jeune femme referma le four, seul bien intact parmi les ruines. Le bruit ne lui arracha aucun frisson : elle venait juste de refermer la porte sur les démons du passé *** Hansel haïssait la neige, autant que sa soeur avait une sainte horreur des sucreries. Pour chacun, cela était associé à de mauvais souvenirs d'enfance. Depuis le temps le jeune homme n'avait que de vagues souvenirs de son passé en Allemagne : en même temps il avait tout fait pour oublier les années noires de son existence. Mais de leur fuite vers l'Est il en avait gardé des bribes pleines de sensations. Le froid surtout. Qui entrait en milliers d'épingles au point qu'il avait la sensation de ne plus avoir de corps. La seule chaleur présente venait de son coeur, battant à tout rompre. Un oiseau qui palpitait faiblement dans les bras de sa soeur. Ses bras étaient un nid où il s'endormait en toute quiétude. Car dans l'univers d'Hansel, l'amour et la confiance ne pouvaient venir que de Gretel. Les adultes n'apportaient que la crainte, la peur, la faim. C'était à cause d'eux qu'ils s'étaient retrouvés à fuir. S'ils étaient restés au pays, on les aurait envoyé en prison ou ramenés aux parents. Même encore les mentionner crispait Hansel. Les parents. Des démons. Pas de coeur. Ni de coups. Juste de l'indifférence. C'était encore pire que de recevoir des insultes. Hansel se demandait encore, parfois, lorsqu'il était seul et que la neige tombait dehors, s'il avait jamais existé en tant qu'être vivant pour ses parents. Sa mère même avait-elle eu la sensation d'abriter un semblable dans sa ventre ? Ou déjà niait-elle de le porter ? Possible, cela aurait expliqué bien des choses. De la main Hansel essuya la buée qu'il avait déposé sur la vitre. Les journées sont mornes en Russie. Surtout lorsqu'on est seul. Cette fois Gretel n'avait pas voulu qu'il l'accompagne. Client très pointilleux. S'ils étaient deux sur le contrat, la paye risquait d'être divisée. Et qu'ils le veuillent ou non, ils avaient besoin d'argent. Et Hansel était bien d'accord sur un point avec Gretel : plus jamais connaître la faim. Quand la porte s'ouvrit, le jeune homme eut un léger sursaut tout en portant immédiatement la main sur son pistolet. Sa soeur lui avait répété plusieurs fois de toujours garder cette arme sur lui. « On se trouve dans un pays glacé, avec des gens tout aussi accueillants et je te rappelle qu'en tant que mercenaires on est pas ami-ami avec tout le monde ». Donc gage de sécurité. Sauf qu'Hansel n'aurait pas à l'utiliser. La silhouette qui entrait dans la demeure était des plus familières. Silhouette qu'il embrassa alors que la neige déposée sur les bottes fondait, que l'eau imbibait le parquet. - C'est bon Hans' je suis entière. Il y avait du sourire et du soleil dans cette voix. Chose devenue rare chez Gretel depuis ce jour où elle avait coupé ses longues tresses, et qu'elle les avait brûlé dans la cheminée. « Je ne suis plus l'enfant d'un couple de bûcherons » avait-elle cru bon de préciser devant le regard médusé de son frère. L'adulte qu'il était devenu regrettait encore cette belle chevelure blonde. Il s'était fait à la nouvelle coiffure de sa soeur, mais la trouvait bien triste. Une femme n'avait pas à porter les cheveux courts. Hansel ne consentit à relâcher son étreinte que lorsqu'il sentit que sa soeur n'était plus aussi tendue qu'à son arrivée, qu'un peu de calme l'avait touché. Envoyant ses bottes dans la flaque de neige fondue, Gretel se laissa tomber sur l'unique fauteuil de la pièce. Celui-là même placé près de la fenêtre couverte de givre. Assise en tailleur, la jeune femme massa ses pieds douloureux. - Alors capitaine, quelles nouvelles ? Gretel eut un sourire devant cette formule consacrée qu'ils se lançaient chacun à leur tour. Un moyen de relâcher la pression, de pousser l'autre aux confidences. La jeune femme lança un coup de pied, manquant d'heurter le nez d'Hansel assis sur le tapis, face à elle. - Je suis allé voir ce fameux royaume de France. Poussiéreux. Plein de toiles d'araignées. Pas de ménage depuis un siècle, et leur marraine-fée n'a pas pensé à ajouter un petit sort « anti-âge ». - Tu veux dire que leur reine Ronce est toute ridée ? Avec plein de peau flasque d'avoir dormi pendant cent ans ? Gretel secoua la tête et tenta un nouveau coup de pied, à nouveau manqué. - Idiot. Je parlais sur l'aspect architectural, et ce que j'ai mentionné avant. Et on imagine pas la différence d'évolution en un siècle. Ils sont encore à voyager avec des chevaux... Je te le dis, nos automobiles sont bien plus pratiques et plus belles aussi que leurs carrosses. Puis, la meilleure ça a été quand un de leurs habitants a vu mon revolver. Il m'a demandé quel armurier me l'avait confectionné parce que « c'est bien là un curieux jouet pour vous, jeune homme ». Hansel eut un sourire amusé. Pour des gens encore enfermés dans l'époque du XVIIIe siècle il devait être curieux de découvrir des armes de poing possédant un barillet, et de curieux engrenages leur donnant des allures de pièces d'horlogerie. - Et il en a pensé quoi ton client ? - Que vu comment la reine s'embourbe à vouloir redresser le pays avec leur retard d'un siècle, lui-même et la Russie n'ont rien à craindre. Enfin qu'il compte pas sur moi pour participer à une guerre si c'est ça qu'il projette. - De toute façon on fera comme d'habitude. Si ça sent trop le brûlé, on change de pays. Le court silence qui s'ensuivit le fit croire qu'il avait prononcé un mot tabou. Gretel avait levé les yeux, observant le plafond d'un air neutre. Pour finir par hocher vaguement la tête. - Oui, exactement. Si j'ai bien un projet d'avenir c'est de vivre heureuse, longtemps... et ne pas avoir d'enfants. Et la guerre ne fait pas bon ménage avec ce projet. - Tu veux donc finir, interromps-moi si je me trompe, vieille fille, aigrie et associable ? Le coup de pied qu'Hansel reçu dans le nez lui apprit que la blague avait été allé trop loin. Gretel se leva, donnant des coups de poings sur la crâne de son frère. - J'ai déjà un homme à la maison. Deux à entretenir, bonjour les dégâts et les migraines. Et si tu émets l'hypothèse que la gent féminine m'intéresse sur un plan bien particulier, je t'enferme dehors Hansel. Menace accompagnée d'un ton taquin et d'un coup de poing bien placé dans l'épaule. La discussion entre adultes vira en un duel d'enfants qui n'avaient pas totalement grandi, et reconstruisaient l'enfance douce et naïve qu'ils n'avaient jamais pu connaître. Dehors la neige tombait inlassablement, isolant chaque habitant dans sa demeure et son coeur. Celle d'Hansel et Gretel était emplie de chaleur humaine, la diffusant même dans les rectangles de lumières dessinées par les fenêtres. La chaumière était un coeur brillant, brûlant d'amour, dans un désert de glace. A quelques pas, dans un palais tout de neige et de glace battait un coeur vide qui recherchait un peu de chaleur. Un coeur appartenant à un enfant au corps bleui par le froid, jouant avec des morceaux coupants comme du cristal. Ce garçon avait pour nom Kay.
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Arthur K. / Angleterre Pathetic ?
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mer 4 Mai - 17:55 | |
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Tu sais ce que je pense de la première partie ... Mais la deuxième est... Muuah ♥ Cette touche d'humour après la tension du premier texte ... ♥ Haha, bonne continuation ♪ |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Lun 30 Mai - 20:29 | |
| Après des mois de repos, je me remets lentement à Hetalia. Et pour l'occasion je réponds à une vieille demande concernant les marraines de guerre. De ce que j'ai pu trouver, le principe n'a existé qu'en France et a débuté durant la Première guerre mondiale. Mais je me suis dit qu'il devait bien y avoir un équivalent dans les autres pays donc il est possible que le texte qui suit soit en légère contradiction avec l'Histoire. Je m'en excuse. Au pire voyez-cela comme une légère uchronie.
Les marraines de l'espoir Fic Hetalia - Première guerre mondiale - Axé sur Ludwig et Feliciano - Citation :
- La distribution du courrier était toujours accompagnée de grands éclats de voix mués par l'espoir. Pour un temps on oubliait la faim, le froid et les éclats d'obus. Les doigts tremblaient non plus par manque de nourriture mais à cause de l'attente et de l'excitation quand une lettre venait s'y poser. Des lettres, il y en avait de toutes sortes. Avant même de les lire, on observait l'enveloppe qui les contenait. Sur certaines on avait accroché une fleur, défraichie par le voyage mais qui apportait un peu de printemps dans le coeur et les yeux du soldat. Et puis il y avait les colis qui apportaient de la chaleur aux ventres et qu'on partageait avec les copains avec l'air de partager une orange un soir de Noël.
Mais tout le monde n'avait pas de famille qui venait se rappeler à notre bon souvenir, qui envoyait des mots réconfortants et des cadeaux. Au sein des soldats il y avait toujours solitaire qui vit au jour le jour, et dont personne n'attend le retour. Et celui-là n'est pas forcément le jeune bleu tout juste recruté. Ça peut être un gradé, comme quoi avoir le pouvoir confine à la solitude.
C'était le cas de Ludwig. Il ne se plaignait pas de sa situation, mais il devait bien avouer qu'il se sentait toujours à l'écart lors de la distribution du courrier. Il en recevait parfois de son frère Gilbert, mais lui aussi était tout entier plongé dans la guerre, les bottes dans la boue et les mains gelées malgré les gants. Aucun des deux germaniques n'était capable de parler de soleil brûlant, de champs de fleurs ou même de repas digne de ce nom. Tout ceci appartenait à un autre temps et un autre monde que le leur.
Alors il se contentait de poser un regard presque paternel sur les soldats, qu'ils soient allemands ou italiens. Ces derniers étaient bien plus bruyants que les premiers, se laissant vite aller aux rires et clamant des noms de femmes qui sonnaient comme autant de fleurs exotiques. Feliciano n'en était pas en reste, se lançant même dans des éloges poétiques qui provoquaient convoitises et éclats de rire. Aujourd'hui l'Italien avait décidé de s'asseoir aux côtés de son coéquipier allemand, laissant ses soldats entre eux.
- Vee, Colomba a encore parfumé sa lettre. Elle est vraiment trop romantique. Pas comme Giuseppa. Elle, elle a le sang chaud de la veuve... - Parce que tu as plusieurs correspondantes ?
Feliciano remonta les épaules. Il connaissait ce ton de prêcheur de morale et il lui plaisait moyennement.
- Il faut bien satisfaire toutes ces marraines de guerre qui... - Marraines de guerre ? C'est quoi encore cette invention ? - Oh ça vient de France et...
Aïe. Feliciano crispa les dents alors que Ludwig avait froncé les sourcils adoptant le regard de celui à qui on parle d'un sujet haï. L'Italien avait oublié qu'il ne fallait surtout pas parler des Français à un Allemand, surtout en temps de guerre. Une haine viscérale liait les deux peuples et continuerait à s'étendre pendant des années. Mais sentant que la curiosité l'emportait chez Ludwig à l'envie de clore la discussion, Feliciano reprit la parole.
- La marraine de guerre soutient le moral d'un soldat, comme s'il faisait parti de sa famille. Elle lui écrit des lettres, parfois lui envoie des cadeaux. Ve, beaucoup de mes soldats ont en une. Tout le monde n'a pas un proche qui l'attend alors la marraine le remplace. Puis c'est toujours agréable de parler à une femme... Feliciano se laissa aller à sourire rêveusement. A quoi pouvaient bien ressembler Colomba et Giuseppa ? Il avait bien reçu de leur part des mèches de cheveux, quelques onces de parfum mais encore rien de tangible. Vivement la prochaine permission qu'il puisse se faire une meilleure idée de ces dames.
- Et, euh... Tu as repris l'idée et tu l'as établi en Italie ? - Si si, et ça s'est répandu aussi en Allemagne. Certains de tes soldats ont de gentilles marraines.
Là Feliciano sut qu'il avait frappé juste quand il vit l'éclat particulier qu'avait pris le regard soudainement fuyant de l'Allemand. C'était même la première fois qu'il voyait autre chose que de l'obstination sur le visage poussiéreux de son coéquipier. D'un geste fraternel Feliciano lui tapota l'épaule.
- Veee, je vais t'aider à rédiger ton annonce. Sinon tu vas effrayer toutes les candidates potentielles. - Mais j'ai jamais dit que... - Pas la peine de te cacher sous ta casquette Ludwig. Je sais ce que c'est qu'être timide. Vee, je vais aller chercher du papier !
L'Italien se leva avec précipitation et partit fouiller dans ses affaires à la recherche de quoi écrire. Ludwig rabaissa sa casquette, laissant échapper un soupir de résignation. Dans quelle galère s'était-il encore embarqué ?
*** - Jeune homme blond cherche marraine au coeur tendre. Aimable, élégant, affectueux. Saura vous répondre et n'attend de vous que sourires et bonheur. Lui écrire rapidement. - C'est pas un peu trop osé comme annonce ?
Feliciano eut un soupir de lassitude. Ils avaient déjà épuisé de nombreux papiers pour écrire une annonce potable et l'Italien commençait à être à court de support et de patience.
- Il y a plus de soldats que de marraines donc il faut te détacher du lot. Et je veux que mon ami allemand est une marraine digne de ce nom. J'ai déjà du effacer les mensurations... - C'était trop intime et hors de propos. - Masquer l'âge et j'ai souffert pour mettre l'accent sur tes bons côtés. D'ailleurs souris un peu plus sinon tu vas attraper des rides. Ludwig obéit, se décrispa légèrement mais ne put s'empêcher de lire au-dessus de l'épaule de l'Italien. Ce dernier finit par craquer et le poussa gentiment hors du petit habitacle qui servait de foyer aux soldats.
- Vee, va surveiller les troupes, je m'occupe de tout. De toute façon la séduction, ce n'est pas ton domaine.
*** - Herr Ludwig, une lettre pour vous !
La plupart des soldats alentours tournèrent leur regard vers le gradé allemand. Le soldat esseulé avait fini par trouver quelqu'un. Il y eut quelques sourires du côté italien : la nouvelle comme quoi l'Allemand avait cherché une marraine avait rapidement été ébruité. On ne fait pas plus bavard qu'un Italien. Feliciano s'empressa de suivre son compagnon, voulant savoir si son entreprise avait fonctionné au-delà de ses espérances.
- Alors, alors ? Elle s'appelle comment, ve ? Je te la piquerais pas, je suis pas très friand des Allemande. - Margaret... - Oh, bah elle te raconte quoi ? - C'est privé !
Ludwig cache vivement la lettre, la collant contre lui comme un bien précieux. Un sourire étira les lèvres de l'Italien qui hocha la tête d'un air entendu.
- Ve ve, je vois. Je ne vais pas te déranger plus longtemps. Je dois répondre à mes marraines de toute façon. Bonne lecture !
L'Allemand attendit que la silhouette italienne s'éloigne avant de rouvrir la lettre. Et sur le visage couvert de poussière et de déception, il y eut un sourire apaisé. Celui du blessé à qui on ôte enfin un poids immense. Celui du soldat qui ne voit que souffrances et à qui on parle d'un monde où le chant des oiseaux remplace celui des balles, où un feu de cheminée vient réchauffer les corps transi de froid. Une lettre où on parle de bonheurs simples qui manque tant quand on vit dans le Purgatoire perpétuel.
Ce fut la première lettre d'une longue série. Ludwig dut même reconnaître qu'il ne savait pas, jusqu'à présent, comment il avait pu vivre sans. Ne voir ne serait-ce que l'écriture, si reconnaissable, sur l'enveloppe lui apportait comme une goulée d'air frais. Il savourait chaque mot, relisant chaque phrase pour mieux s'en imprégner au point d'en connaître des passages entiers. Sans le savoir l'Allemand se conduisait comme un amant, répondant aux lettres le soir même et ne cessant de réclamer davantage de papier à sa marraine car il en dépensait plus qu'il n'en fallait.
Dans un coin de l'habitacle servant de foyer aux soldats, Feliciano jetait un regard vainqueur sur Ludwig. Maintenant ce dernier ne pourrait pas dire que l'Italien avait toujours de mauvaises idées.
*** Le jour de la permission les soldats étaient aussi fébriles que lors d'une inspection par un gradé. Sauf que la peur était remplacé par l'excitation pour beaucoup, et était d'une autre saveur pour d'autres. Ludwig faisait parti des seconds. Comme beaucoup d'autres soldats il profitait de la permission pour rencontrer sa marraine de guerre. Pour la voir, enfin, et donner chair à cette personne qu'il ne connaissait qu'à travers l'encre et le papier. Certains avaient déjà fait part de leurs propres rencontres avec cette dame qu'on idéalisait toujours. Il y en avait qui tombait sur la perle rare dont l'écriture était aussi jolie que la demoiselle et, de plus, ne portait aucune bague au doigt. D'autres qui rêvaient d'une bourgeoisie bien établie se retrouvaient devant une pauvrette qui se saignait aux quatre veines pour leur offrir un bout de pain pour améliorer l'ordinaire. Et il y avait les situations cocasses comme celle de ce vieux soldat à la barbe mal taillé qui avait fait face à une jeunette de douze ans alors qu'il se voyait déjà devant une belle demoiselle de vingt ans. Mais toutes ces situations n'avaient pas empêché le filleul de toujours aimer sa marraine, et réciproquement.
Sauf que ça ne rassurait pas du tout Ludwig. Il avait passé la veille à nettoyer sa tenue militaire du mieux qu'il pouvait et avait frotté ses bottes au point d'en avoir des ampoules. Comme tout filleul, il s'était forgé une image de sa marraine. Une jolie blonde avenante, la taille bien tourné qui comme lui était adepte des romans à l'eau de rose (ils s'échangeaient de nombreuses impressions sur leurs lectures respectives), souriante et exhalant un parfum de lavande. Une image trop fantasmée pour être vrai mais il s'y accrochait. On peut croire à n'importe quelle illusion pleine de candeur dans les temps difficiles.
La casquette sous le coude, le bouquet de fleurs dans la main, l'Allemand stressait tel un jouvenceau qui vient demander la main de son aimée au père de celle-ci. Et qui craint que le futur beau-père ne l'accueille avec le fusil. Ludwig se balançait d'un pied sur l'autre hésitant entre sonner ou tourner les talons. Il n'eut le temps de faire ni l'un, ni l'autre : la porte s'ouvrit et une vieille dame se montra. Le dos un peu vouté, les cheveux encore blonds bien coiffés et un parfum de lavande. Le même parfum émanant des lettres de la marraine.
- Mar-Margaret ?
Le ton est à la fois surpris et déçu. L'illusion n'a pas pris corps dans la réalité. Margaret a un sourire, amusé et triste, celui des vieilles personnes qui tâchent de prendre la vie du bon côté.
- Je me doute que vous vous attendiez à quelqu'un de plus jeune. Enfin, je suis quand même bien récompensé. J'ai un très beau filleul.
Il n'en fallait pas plus pour que Ludwig pique un fard. Même venant d'une personne âgée, le compliment avait de quoi gêner.
- On pourra dire que j'aurais quelque chose d'agréable à regarder. Ce qui n'est peut-être pas votre cas. Mais j'ai préparé des gâteaux, au moins ça vous remplira le ventre. - Hem, Margaret...
Un bouquet de fleurs fut tendu à la vieille dame qui, surprise, finit par le prendre avec une expression ravie. La tête baissée pour ne pas montrer son gêne, pourtant palpable dans le ton de sa voix,
- M-Merci pour les lettres et tout... tout ce que vous avez fait pour moi. Je ne sais pas si un jour je pourrais vous remercier comme il se doit, et je trouve très jolie malgré votre âge. Je ne veux pas dire que vous êtes vieille mais... - Allez mon petit, pas besoin de discours, j'ai compris. (Elle lui tapota la main, étant trop petite pour lui atteindre l'épaule) On va tâcher de passer une bonne journée, d'oublier cette fichue guerre et de causer romans. Qu'est-ce que tu en dis ? - J'en dis que c'est une excellente idée.
*** - Vee, j'aurais du m'y attendre pour Colomba. Ces fautes d'orthographe, cette candeur... Une petite fille qui n'avait même pas dix ans, tu peux le croire ça Ludwig ? Heureusement qu'il y avait Giuseppa. Jeune veuve encore fraiche et jolie comme un coeur, ve. Et toi, elle était comment ta Margaret ? - Comme dans ses lettres. Douce, gentille, patiente... - Physiquement je veux dire. Jeune, vieille ? - Quelle importance ? - Tu me désespère parfois. Je peux reprendre du gâteau qu'elle t'a donné ta Margaret ?
L'Allemand hocha la tête, laissant son coéquipier se goinfrer tandis qu'il repensait à cette journée chez la vieille dame. Aux confidences qu'elle lui avait fait sur son petit-fils tué à la guerre dont elle n'avait jamais su faire le deuil. « Quand je vous ai vu devant chez moi, j'ai cru le revoir. C'est idiot n'est-ce pas ? » C'était loin d'être idiot. Et maintenant Ludwig se mordait les doigts se demandant s'il avait bien fait de promettre à cette femme que la guerre se terminerait bientôt et que les lendemains seraient bien meilleurs. Peut-être avait-il tout faux. Mais il fallait bien espérer. Et il allait tout faire pour concrétiser cet espoir. Pour remplir sa promesse à Margaret. Pour ne pas réduire à néant l'effort des marraines de guerre. |
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Hermann/Germania Lapin Crétin. Plus lapin que crétin. Quoique.
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mar 31 Mai - 8:37 | |
| J'ai bien fait d'attendre deux ans pour cette fic ! Merci ♥ |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Dim 26 Juin - 22:24 | |
| Déjà un grand merci pour tous ceux qui m'ont donné leur avis sur la fic précédente. (Oui même un simple "J'aime" ça compte).
Encore une fic Hetalia dont la vague idée était née suite à une conversation avec la joueuse de Kiku/Mongolie. Le produit final est très différent de ce que j'avais prévu à la base, donc il est possible que ce soit un peu bancal, pas toujours juste. S'il y a des fautes, historiques ou autres, n'hésitez pas à me le signaler.
(Promis j'arrête les OS d'un kilomètre de long)
Statue de glace Fic Hetalia - Seconde guerre mondiale (plus retour sur l'entre-deux-guerres) - Axé sur l'Axe et la rencontre Allemagne/Japon - Spoiler:
- Dis Kiku... - Vargas-sama ce n'est pas parce que nous sommes alliés et que nous avons passé du temps ensemble que j'accepte de telles familiarités... - Comment vous vous êtes rencontrés toi et Ludwig ? Kiku haussa les sourcils, étonné. C'était bien la première fois que son homologue italien se préoccupait d'autre chose que de savoir quand aurait lieu le prochain repas. En même temps rares étaient les moments où ils se retrouvaient tous deux, loin de la présence allemande. Kiku se demandait encore pourquoi il avait suivi Feliciano qui fuyait l'entrainement au lieu de simplement faire part de son absence à Ludwig. En tout cas il s'en voulait déjà, craignant quelque supplice. Le peuple allemand n'était pas connu pour sa douceur, surtout envers les déserteurs. - Je peux bien raconter ça avant de mourir dans de longues souffrances... - Veee, aucune chance que Ludwig nous trouve ici. Tu as tout le temps pour raconter. Le Japonais préféra ne pas contredire son interlocuteur, et commença son récit. ***
Ludwig se sentait gauche, à l'étroit dans ce monde où chaque chose avait sa place sauf lui. Ce constat l'excédait, lui qui ne rêvait que d'expansion et de liberté de mouvement. Il rongeait donc son frein en silence, ne pouvant s'empêcher de se balancer sur ses pieds. Il se trouvait déjà bien conciliant d'avoir accepté de rencontrer le Japon dans un dojo, mais de là à attendre que ce dernier finisse son entrainement... La patience allemande avait des limites que même l'impression d'être dans un lieu hors du temps ne pouvait pas occulter. Ludwig n'avait aucun regard pour les mouvements exercés par Kiku où se sentaient l'expérience et un détachement incroyable. Il n'y voyait qu'une perte du temps et surtout que son homologue le snobait complètement. Le faisait passer après un futile entrainement qu'il pourrait exercer après son départ. - Herr Deutschland... Vous devriez attendre que Nihon-sama finisse avant de... Ludwig posa un regard glacial sur le traducteur qui l'avait accueilli et accompagné sur le sol nippon. Le pauvre homme recula de quelques pas, n'osant froisser l'invité de marque même si celui-ci enfreignait des règles de courtoisie. L'Allemand s'étonnait encore de ce à quel point les Japonais étaient si petits comparés au peuple allemand. - J'ai déjà bien assez attendu, et il est du devoir de l'hôte d'accueillir lui-même ses invités. Les pas allemands résonnèrent sous le toit du dojo avec un fracas épouvantable. Kiku stoppa soudainement, se figeant tel une statue. Ses mains demeuraient serrées autour du manche du katana, tandis que ses bras se relâchaient laissant la lame pointée vers le sol. Dos à l'Allemand il n'esquissait aucun mouvement en sa direction. Et ce dernier geste qui montrait un mépris total fut celui qui réduisit la patience allemande à un rien. Ludwig posa une main noire de cuir sur l'épaule du japonais. Instantanément il sentit le froid de l'acier sur sa gorge. La lame du katana traçait une ligne d'argent entre eux, une limite à ne pas franchir. Loin de l'inquiéter ce brusque changement de situation ne provoqua aucune réaction physique de la part de Ludwig. Pas même un sourcillement. Son visage demeurait de marbre tout comme celui de Kiku qui ne montrait que froideur et rejet. Tant d'animosité suintait de l'attitude nippone que toute autre personne se serait inclinée et faite toute petite. Ce que faisait présentement le traducteur, petit homme d'apparence tout à fait ordinaire pour un Japonais, qui tâchait de s'incliner le plus bas possible devant son pays. - Nihon-sama veuillez excuser le comportement d'Herr Deutschland. Il ne voulait pas vous offenser, mais il est venu d'Europe pour vous faire part de... - Je n'apprécie guère les Occidentaux. (En disant cela, Kiku appuya davantage la lame sur la chair allemande) En ces temps de guerre, je préfère œuvrer seul qu'avec une nation qui risque de devenir un ennemi futur. L'humain baissa le regard sur ses chaussures ce que Ludwig prit comme un geste l'invitant à lancer ses propres arguments. Il admirait le calme qui imprégnait le Japon, et sa façon bien particulière de vouloir dominer le jeu, de rester maître chez lui. Des talents indéniables pour un allié. - Il serait dommage de refuser une aide proposée spontanément. Vous voulez empêcher Ivan de vous prendre la Mandchourie. De notre côté nous voulons éviter toute expansion du communisme et donc de la Russie. Nos objectifs vont dans le même sens. Aucune réaction. Le regard de Kiku était devenu inexpressif, les prunelles ne formant plus que deux gouffres insondables. Ludwig tenta sa dernière carte. - De toute façon nos dirigeants ont déjà tout planifié. Je voulais surtout en parler avec vous que nous puissions nous rencontrer et savoir à quoi nous attendre. Ludwig au moins savait maintenant que le Japon n'était pas un individu à prendre avec des pincettes. Il avait l'impression de parler à quelqu'un se trouvant de l'autre côté d'un gouffre, vivant à l'extrême opposé et bourré de préceptes incompréhensibles. Autant dire que pour le comprendre il allait rencontrer bien des difficultés. Dans un glissement feutré la lame regagna son fourreau. Kiku posa son regard sombre sur son interlocuteur. Aucun éclat, rien que le regard insondable d'une statue datant d'un autre âge. - Cela ne m'empêchera pas de vous considérer tel qu'aujourd'hui. Un Occidental dont je dois me méfier. Qui sait peut-être même devrais-je me battre contre vous un jour. En ce cas j'espère que ce jour-là vous serez plus rapide qu'aujourd'hui. Vos réflexes laissent à... désirer.
Un imperceptible sourire se dessina sur le visage du Japonais tandis qu'il passait à côté de l'Allemand, quittant le dojo en lui tournant le dos. Le blond tourna la tête pour le suivre du regard. Il constata alors que quelque chose coulait le long de sa gorge. Il y porta la main. Sur le gant d'infimes gouttes de sang. Sûrement une façon propre aux Japonais de saluer les invités indésirables. *** Feliciano eut un petit cri étranglé et s'éloigna en crabe sous le regard circonspect de Kiku. - Tu voulais tuer Ludwig, ve ? - Juste le mettre en garde, corrigea le Japonais en haussant les épaules comme si tout ceci était parfaitement normal. Puis il n'avait eu aucun respect. J'aurais pu laver l'affront dans le sang. - Ve mais se battre c'est mal ! Puis Ludwig est tellement fort... Personne ne pourrait réussir à le battre. Le rire qui échappa à Kiku fit sursauter l'Italien. Il n'avait jamais entendu Kiku rire, lui qui était si calme et toujours maitre de ses sentiments. Le Japonais avait bien plaqué sa main contre sa bouche mais le mal était fait. Une lueur de malice luisait dans son regard tandis qu'il esquissait un sourire entendu. - Et si je te dis que j'ai déjà combattu contre Ludwig, et battu de surcroit ? - Impossible, impossible ve ! (Mais se rappelant que Kiku n'était pas du genre à faire de l'humour, il se ressaisit). Comment ça s'est passé ? - Oh c'était bien après le pacte contre l'URSS, en 1940...*** Le katana posé sur ses genoux, Kiku fixait son regard sur l'horizon. Ainsi il allait combattre aux côtés d'un Occidental. La nation passa ses doigts sur le fourreau de son katana comme on caresserait un objet précieux. Il devait obéir aux ordres de son dirigeant même s'il conservait une profonde méfiance envers les étranges venant de l'ouest. L'Allemand ne lui avait pas laissé un souvenir très réjouissant de sa visite. Même si ce dernier avait remporté de nombreuses batailles sur le continent européen, cela ne voulait pas dire qu'il était devenu plus civilisé aux yeux de Kiku. Les animaux se battent par instinct de survie, les hommes par convoitise. Et les nations ? La question demeura en suspens. Kiku venait d'entendre quelqu'un entrer. Se levant il inclina doucement la tête saluant l'invité. - Je constate que vous êtes toujours aussi discret. Quelques mots d'esprit dictés d'une voix posée. Tant qu'il serait chez lui, alliance ou non, il continuerait à dominer la conversation. Ludwig lui lança un sombre regard, sa bouche eut un pli boudeur. On dirait un enfant frustré de ne pas pouvoir jouer le rôle du capitaine. Trop à l'étroit dans son beau costume. - Je vois que vous êtes toujours aussi accueillant envers vos invités. - Vous vous y habituerez... (Il n'allait sûrement pas s'excuser) Alors comme cela nous allons combattre ensemble. Hiroto-sama, mon Empereur, que les Kamis le préservent, est peut-être revenu sur sa décision mais moi pas.
Kiku s'avança au centre du dojo là où il s'était trouvé quelques années plus tôt lors de la première visite de Ludwig chez lui. Le destin faisait si bien les choses. Lentement il sortit le katana de son fourreau, fit luire la lame. Il sentit plus qu'il ne vit l'Allemand se crisper, se demander ce qui lui préparait. - Avant de vous suivre je vous pose une condition. Vous battre contre moi. Je veux constater par moi-même si vous êtes un allié digne de ce nom. - Mais je n'ai pas... Kiku avait déjà tendu un autre katana et se plaça face à son adversaire. Il dut se mordre l'intérieur des joues pour ne pas rire au nez de l'Allemand. Sa position, sa façon d'agripper le katana, tout montrait qu'il n'était absolument pas à son aise dans une telle discipline. La suite affermit ses soupçons. Kiku paraît aisément les coups portés à son encontre : ils étaient pour lui lourds et prévisibles. Ludwig était peut-être un guerrier mais la voie du sabre n'entrait sûrement pas dans ses capacités militaires. En quelques coups, le Japonais fit voler le katana de sa main. La lame de sa propre épée se posa sur la gorge allemande. Ludwig ne baissa pas la tête pour montrer sa soumission, se contentant d'hausser les épaules. Fataliste et bon joueur. - Vous allez me saigner comme la dernière fois ? Kiku appuya légèrement la lame sur la gorge, puis finit par l'abaisser. - Si je vous abime, je risque de déclencher un incident diplomatique. Mieux vaut vous garder entier et en bonne santé. Mais si vous voulez un bon conseil : tâchez de devenir plus discret à l'avenir. Vous vous battez sans aucune grâce avec la pesanteur d'un ours. Et à voir c'est assez... comique.*** - Qu'est-ce que vous fichez là ? La voix de baryton de Ludwig fit sursauter les deux compères. Feliciano inondait d'excuse son supérieur tandis que Kiku continuait d'arborer le sourire nerveux qu'il ne le quittait plus depuis son second récit. Il revoyait l'Allemand se dandiner sur ses jambes tout en fouettant l'air de la pointe de son katana comme s'il voulait chasser les mouches avec. En croisant le regard inquisiteur de l'Allemand, Kiku s'autorisa un trait d'esprit. - Nous discutions souvenirs avec Feliciano. Je lui parlais de notre duel qui a scellé mon entrée dans l'Axe, vous vous en souvenez ? D'ailleurs je ne lui ai pas raconté la revanche quand je vous ai mis à terre et que... - Honda ! Cinquante tours de terrain ! Vargas, tu le suis ! Feliciano émit une plainte associée de pleurs qui auraient arraché une larme à une pierre. Kiku se tut, obéissant docilement aux ordres. Au moins il pouvait savourer le fait que l'orgueil allemand ne se remettait toujours pas d'une défaite vieille de quelques années.
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mar 15 Nov - 20:25 | |
| Pas d'Hetalia, pas de fanfiction. Juste une histoire originale qui me grignotait le cerveau depuis des jours. Je préviens que ce n'est pas joyeux, qu'on peut presque mettre un rating R-16. Non pas que ce soit gore ou trash, mais ça ne parle pas de choses drôles. Du fantasy avec des sirènes (et elles ressemblent pas à Ariel de Disney) - Spoiler:
« Elle mourra si elle ne pleure pas... » Contredisant cette phrase que s'étaient échangées les vieilles femmes au bord de la tombe vide, Maddy ne mourut pas de chagrin. Elle se redressa, et reprit la taverne qu'elle et son époux avaient établis aux abords des hautes falaises. John était mort, John ne viendrait plus. Un matin peut-être que la mer redevenue clémente lui apportera son corps afin de remplir la tombe. En attendant la vie devait continuer, Maddy devait nourrir la famille : un garçon qui n'avait comme souvenir du père qu'une casquette effilochée, et une fille bonne à marier mais qui avait décidé de rester auprès de sa mère pour la seconder. Les deux femmes étaient maîtresses à bord de la Sirène. On n'avait pas trouvé meilleure nom pour la taverne – et elle avait le mérite d'attirer le chaland avec sa peinture de sirène aux atouts avantageux. Maddy elle-même n'avait jamais vu une de ces créatures et ne comptait pas en croiser une de sitôt. Nombre de marins pouvaient en vanter la beauté et le chant, Maddy ne voyait en elles que la luxure et la débauche. Jalousie de femme oblige. Descendant aux aurores sur la grève comme elle en avait l'habitude pour cueillir coquillages et autres crustacés, ce fut ce jour-là que Maddy aperçut la créature. Au début, en voyant l'épaisse queue de poisson, elle crut qu'un de ces animaux s'était coincé dans les rochers qui bordaient l'extrémité de la grève. Un poisson était toujours synonyme de viande et par extension d'un copieux repas. Maddy sortit le couteau qu'elle mettait dans son panier afin de décoller les coquillages de la roche – voyant la queue palpiter comme un cœur tout juste arraché, elle se doutait qu'il faudrait achever l'animal. Ses pas se firent silencieux, sa progression lente. Qui sait si ce poisson n'allait pas avoir un soubresaut de survie et réussir à revenir dans la mer par on ne sait quel artifice ? La tavernière stoppa net quand ses yeux croisèrent un regard insondable, mares d'eau trouble où brillaient des lueurs volatiles. L'eau dégoulinait de l'épaisse chevelure aussi noire qu'une nuit sans étoiles. Le visage aurait pu être beau sans les écailles qui remplaçaient la peau et les dents, petites et pointues, propre aux carnivores. Le regard de Maddy glissa sur la poitrine qui, dépourvue d'écailles, dévoilait des rondeurs de jeune mariée, frôla la queue aux écailles luisantes d'eau qui frappait les rochers. - Tu cries pas « au secours », tu ne cours pas chercher quelqu'un pour m'achever ? J'te préviens : la chair de sirène est pas bonne pour les humaines, quoi qu'en dise les mauvaises langues. La sirène avait une voix de petite fille, stridente et passant rapidement aux aigus. Le malaise qui avait pris Maddy à la vue de la créature se renforça – c'était comme si cette chose avait dévoré un enfant et en avait pris la voix. La tavernière accentua la pression de ses doigts sur le manche du couteau. - J'pas besoin d'hommes pour t'tuer. J'vais t'arracher l'coeur et l'jeter aux crabes. La sirène se mit à rire – un rire de petite fille qui vient de se faire chatouiller par un camarade. - Quelle brave femme. Me tuer rien que ça. Avec ton petit couteau. Vider un poisson n'est pas la même chose que vider une sirène. Le poisson lui ne crie pas. Mutine, la sirène pencha la tête sur le côté. Maddy remarqua que ses pupilles étaient ternes, recouvertes d'une fine pellicule presque transparente. - Si tu me laisses en vie, j'accomplirais trois de tes vœux. Quels qu'ils soient. Il te suffira de dire « je souhaites... ». Rien de plus. Maddy s'était approchée de la sirène, lame du couteau tendue vers elle. Mais sa dernière phrase l'avait immobilisé. Les sirènes qui réalisent des vœux, tout le monde en avait déjà entendu parler dans le bourg. Un pêcheur avait ainsi gagné richesse et prospérité en libérant une sirène de son filet. Sauf que Maddy ne voulait pas la richesse. Elle souhaitait bien tout autre chose. - Est-ce qu'tu pourrais m'dire si mon John est mort ? - Ton époux, hein ? Oui je peux. C'était un espoir fou, mais il étreignait le cœur de Maddy au point de le faire éclater. Si John était en vie quelque part, cette sirène saurait le lui dire. Évidemment il y avait le risque que cette créature du diable lui joue un sale tour – mais Maddy était une femme réfléchie. - Je souhaites... que tu me montres mon mari. Après cela j'te remets à la mer. - Mais si tu veux que je te le montres ton époux, il faut que je puisses récupérer mes affaires. Libère-moi et je réaliserais ton souhait au plus vite. Si Maddy obéissait elle pouvait aussi bien perdre la possibilité de débarrasser le monde d'une sirène et savoir ce qui était advenu de son mari. Dans l'autre cas elle perdait toute chance de répondre à ses inquiétudes d'épouse et de continuer à pleurer une tombe vide. Ramenant le couteau de son panier afin d'avoir les mains libres, la tavernière dut surmonter son dégoût en prenant la sirène dans ses bras. Loin d'être lourde sa « peau » avait surtout une consistance désagréable – Maddy avait l'impression de manipuler un gigantesque poisson coiffé d'algues répugnantes. Dès que la sirène toucha l'eau, elle sombra dans les profondeurs en n'émettant pas une seule ride à la surface. Maddy n'eut pas le temps de prendre place sur un rocher pour attendre que les vagues laissèrent sur la grève un miroir. La femme s'en approcha, le saisit. Le sel n'en avait pas entamé le verre – du moins ce qu'elle prenait pour du verre, peut-être était-ce une gigantesque écaillé – et le cadre en était de bois flotté. - Avec ça, tu pourras voir ce que fait ton mari au moment précis où tu regarderas dans le miroir. La voix de fillette fit sursauter Maddy qui manqua d'en lâcher le miroir. Seule sa tête émergeant de l'eau, la sirène la regardait avec un sourire – moqueur ? Allez savoir. Craignant un piège, Maddy observa avec suspicion le miroir. Et vit l'inimaginable. Elle voyait son époux, son John – aussi exact que dans ses souvenirs, aussi réel que s'il s'était trouvé de l'autre côté d'une fenêtre. Instinctivement ses doigts se posèrent sur le verre du miroir, comme si celui-ci allait fondre et lui laisser toucher son mari. Il était vivant. Malgré son air morose, son regard lointain, il était en vie. Maddy distinguait mal le lieu où il se trouvait mais peu importait. Il était quelque part en vie, c'était déjà une chose. Elle aurait voulu demander un autre souhait à la sirène, mais celle-ci avait déjà disparue. A la vue du ciel orageux qui planait au-dessus d'elle, Maddy enfourna le miroir dans son panier et remonta jusqu'à chez elle. *** Le reste de la journée elle la passa dans sa chambre, à contempler ce que lui montrait le miroir. Aucun pleur ne traversait ses paupières, mais son cœur se vidait d'un poids. Pour mieux se remplir d'espoir. Ses mains caressaient le verre du miroir, touchaient la silhouette de l'homme qu'elle avait épousé. A son doigt brillait toujours la bague donnée le jour du mariage. - Je souhaiterais tant... une preuve que tu es encore en vie John. Peut-être que ces images sont une sorcellerie de cette si... Le bruit de l'impact la fit se retourner sur son tabouret. On aurait cru que quelque chose venait de tomber sur le plancher. Ce qui était étrangement le cas. Aux pieds de Maddy reposait une casquette, tannée par le soleil et le sel. La tavernière la saisit avec soin, la posa sur ses genoux. La retournant elle reconnut les lettres qu'elle avait cousues dans le revers – les initiales de John – afin de la distinguer de celle offerte à son fils, et au cas où si jamais, après un incident en mer, il ne restait cette casquette comme seule preuve de l'existence de John. Cette nuit-là, le lit conjugal parut moins froid pour Maddy. La casquette serrée contre son cœur, elle avait l'impression que John avait enfin repris sa place dans leur vie commune. *** Julia toqua contre la porte. Toujours pas de réponse. Cela commençait à bien faire. Une semaine au moins que sa mère n'était pas sortie de sa chambre – pas même pour se nourrir. Julia avait du travailler encore plus qu'habituellement, gérant la taverne et le rôle de mère auprès de son petit frère qui, toujours aussi peu loquace, semblait prendre les faits avec fatalisme. Julia ne l'avait plus entendu rire depuis la disparition de la père – comme il ne pouvait pas encore se rendre utile et jouer le rôle d'homme de la maison, il se faisait tout petit. Insignifiant, invisible. Mais trop c'était trop. Si tout le monde baissait les bras, jamais les choses ne changeraient. Julia avait fait une croix sur ses amours de jeunesse, ses désirs d'avenir dans la grande ville pour pouvoir s'occuper de sa mère et de son frère. Pas question qu'elle soit la seule à se sacrifier pour le bien-être des autres. Ramassant l'assiette qu'elle avait posé ce matin devant la porte, Julia poussa celle-ci. La chambre sentait l'humidité, le renfermé, le rance. Les yeux de Julia captèrent une lueur qui disparut dès que sa mère se tourna vers elle. Elle avait le cheveu gras et rebelle, les yeux brillants. Seigneur Dieu. Faites qu'elle ne soit pas folle. Les doigts de Julia esquissèrent la croix puis elle s'avança en prenant un air affable, souriant. Elle était passé maître de feindre d'être heureuse en présence des clients. - Mère, tu devrais prendre l'air. Le temps est bon, l'air marin te ferait du bien... - Je n'ai besoin de rien. Rien de ce que tu pourrais m'offrir. Julia ne pipa mot, se contentant d'ouvrir la fenêtre. L'air vif fit claquer les draps comme les voiles d'un bateau, les cris des mouettes saluèrent l'initiative de la jeune fille. Celle-ci se pencha au-dehors, huma l'air saturé de sel et d'iode. - Regardez comme la grève est belle aujourd'hui ! Puis je saurais m'occuper de la Sirène aujourd'hui, il n'y a pas beaucoup de cl... - La Sirène ? Le regard brillant de sa mère inquiétait de plus en plus Julia. Docile, maternelle, elle prit un châle qu'elle posa sur les épaules de la femme. Elle vit la main de celle-ci trembler tenant une vieille casquette toute élimée. Soudainement Maddy se leva, poussant sa fille et faisant tomber le châle. Sa main engouffra la casquette dans une des multiples poches que cachait sa robe, l'autre agrippa le panier qu'elle avait laissé choir – des jours plus tôt – au pied de son lit. - Je sors Julia. Ne m'attends pas pour dîner. La jeune fille ne put qu'hocher la tête tandis que la silhouette de sa mère disparaissait et que le bruit de ses pas s'éloignaient. Julia espéra que le comportement lunatique de sa mère allait finir par s'estomper. Rangeant et remettant en ordre la chambre, son regard finit par se poser sur un curieux objet posé sur la table de chevet. Julia s'en saisit, la retourna et ce qu'elle vit lui fit pousser un cri. *** - Je souhaites que tu me le ramènes. Ramène-moi John. - Entendu. Maddy regarda la tête de la sirène disparaître, ses cheveux s'étaler comme des tentacules avant de s'enfouir dans les profondeurs. La femme se nouait les doigts, faisait craquer ses articulations. Son dernier espoir se logeait dans cet ultime souhait qu'elle avait lancé comme une bouée à la mer. Jusqu'à présent la sirène avait réalisé chacun de ses vœux, mais le doute demeurait. Le doute demeurerait toujours. Comment peut-on faire totalement confiance à une telle créature, ni humaine, ni animale ? En voyant la sirène revenir, Maddy se haussa sur un rocher – comme si elle était prête à plonger pour prendre le corps de son homme, l'arracher de l'emprise de la sirène. L'eau gonfla, épousa la forme d'un visage que Maddy reconnut. Elle le vit – enfin – son époux, John. Et tandis que la sirène poussait le corps vers la grève, la femme vit la vérité. La peau bleuie et gonflée par l'eau, la respiration inexistante, les membres raidis. Elle vit tous ces détails, les empreintes bien connues de la mort en mer – nombreux étaient les corps gonflés trouvés près des rochers. Folle de douleur, l'espoir arraché à l'instant même où il brillait le plus fort, Maddy hurla. Ses ongles s'enfonçaient dans ses joues, son corps se cassait en deux. Il lui semblait que son corps se détruisait de l'intérieur, que tout fondait, que son cœur avait été arraché et que la sirène en faisait son délice. Elle entendait son rire de petite fille, ce rire strident qui vous donnait envie de vous arracher les oreilles pour ne plus l'entendre. - Vous aviez promis ! Maddy avait lancé la supplique, espérant blesser la créature, espérant se venger. Son regard fuyait le cadavre – elle ne voulait pas le voir. - Et j'ai respecté. Tu m'as dit « ramène-le ». Tu n'as pas précisé comment. (Et elle ajouta après un bref silence, remuant ce couteau qu'elle avait planté, retournant le couteau qu'on avait voulu lui plonger dans le corps) Son âme était à mes camarades et moi, et le demeurera à jamais. Je t'ai ramené son corps – tu peux désormais enterrer ton chagrin avec. Sans attendre de réponse la sirène s'en fut – sans un bruit, sans une ride sur l'eau. Laissant Maddy avec son chagrin et le cadavre. Les sanglots s'espacèrent ainsi que les malédictions lancées à l'encontre de la sirène. Le ciel s'éclaircissait, comme si le destin lui-même voulait ajouter de l'ironie à la scène. Une casquette fut posée sur le visage du noyé, recouvrant les yeux demeurés ouverts. Une ride brisa la surface de l'eau – signe qu'un corps y avait sombré. *** « Elle mourra si elle ne pleure pas... » La malédiction ne toucha pas Julia qui laissa éclater ses pleurs le jour de l'enterrement. Le vent s'y était invité, emmêlant les longs cheveux des femmes de l'assistance, leur donnant des allures de cordes. Il avait fallu plusieurs hommes pour arracher Julia de la tombe de ses parents. Entre deux pleurs elle hallucinait, parlant d'avoir vu le corps de son père dans un miroir. « Pauvre enfant, le malheur l'a rendu folle. » Les hommes et femmes restèrent longtemps auprès de Julia, veillant avec elle toute la nuit. Il fallut ensuite reprendre la vie comme avant – tenir la taverne, s'occuper du frère cadet toujours aussi muet. Enfermé dans ses pensées, se berçant d'illusions. Avec le temps la plaie de la perte se referma, ne laissant qu'une cicatrice. Julia laissa un des hommes du bourg l'approcher, lui parler – elle retrouva le parfum des amours de jeunesse. Et pendant que l’aînée se laissait aller dans les bras d'un homme, le cadet continuait ses promenades solitaires sur la grève. Et un jour, l'année de son entrée dans le monde des hommes, il la vit. Avec ses cheveux noirs comme la nuit sentant l'iode, ses yeux profonds comme le mystère. En le voyant, elle tendit une main blanche, ses yeux imploraient la pitié. - Voulez-vous bien m'aider ? En échange je réaliserai trois de tes souhaits. Il acquiesça, prit la main tendu. Et la sirène sourit de ses petites dents pointues.
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Calepin abandonné Mar 13 Mar - 21:45 | |
| J'avais déjà élaboré un vague texte sur cet univers mais j'ai repris les personnages, l'univers, tout remanié complètement. Pour l'univers en très gros : imaginez les personnages de contes dans un monde proche du XIXe siècle, une uchronie où la vapeur c'est ZE ressource, on a des bateaux volants, des fées chieuses pas comme deux (normal, ce sont des fées), des sorcières qui copinent parfois avec des scientifiques. Sans compter les conflits, les guerres, les révoltes parce que sinon c'est pas drôle. Univers très dense que je construis petit à petit, pas sûr que ça plaise mais autant partager. Chapitre 1 : La fille des bois Rating : PG-13 Notes : Mention de cross-dressing, d'homosexualité. Et désolé du long texte. - Spoiler:
Raiponce avait de longs et merveilleux cheveux qu'on eût dits de fils d'or. En entendant la voix de la sorcière, elle défaisait sa coiffure, attachait le haut de ses nattes à un crochet de la fenêtre et les laissait se dérouler jusqu'en bas, à vingt aunes au-dessous, si bien que la sorcière pouvait se hisser et entrer. Raiponce, Grimm. Ses pieds saignaient, ses jambes la suppliaient de s'arrêter mais Rapunzel n'avait pas le choix. Courir était sa seule chance de survie. Courir vers l'horizon, vers un lendemain encore inconnu. Rapunzel ne savait pas vers où elle se dirigeait, si elle quittait le pays ou ne faisait que s'y enfoncer plus profondément. N'importe quel endroit serait meilleur que ce qu'elle avait vécu jusqu'à présent. Les arbres se ressemblaient tous – elle avait cessé de chercher à distinguer la preuve qu'elle soit déjà passée ici. Peut-être tournait-elle en rond ou avançait-elle inlassablement, comment aurait-elle pu le savoir ? Rapunzel ne savait pas depuis quand elle courait ainsi, trébuchant par à-coups, épuisée et continuant pourtant sa marche. Si elle s'arrêtait, la sorcière l'attraperait – c'était ce qu'elle se disait pour ne pas fléchir. La jeune femme finit par perdre l'équilibre, son pied butant contre une racine. Son visage s'écrasa au sein des feuilles mortes, son nez inspira les effluves d'humus, l'odeur de la forêt après la pluie. Ses longs cheveux d'un roux flamboyant la recouvraient, comme voulant la cacher aux yeux du monde. D'un geste de la main, Rapunzel en repoussa les lourdes mèches et releva la tête. Son regard croisa celui d'un homme. Le regard dur la fixait d'un air résolu sous la visière du chapeau – on aurait dit deux fragments de métal prêt à lui trancher les membres. Rapunzel se crispa ; elle eut le réflexe de se replier sur elle-même, comme si elle avait le pouvoir de se fondre dans le paysage. De devenir invisible. Il émanait de l'inconnu une odeur de fer, de sang. N'était-elle donc faite que pour tomber de Charybde en Scylla ? Elle n'avait nullement confiance en cet homme vêtu d'habits sombres, au regard si inquiétant. — Qu'est-ce que tu fais là ?La question était si incongrue que Rapunzel ouvrit la bouche, puis la referma en se rendant compte qu'elle devait être ridicule. En quoi cela regardait-il un parfait inconnu de savoir le pourquoi de sa présence dans ces bois ? Mais de toute façon si elle avait répondu, son interlocuteur ne l'aurait pas écouté. Il venait de tourner la tête, tendant l'oreille. Ses sourcils se froncèrent, ses traits se plissèrent formant un masque de concentration. — Ils ont sûrement appeler la garde, fichus érudits... — Vous êtes en fuite ?
Rapunzel voulut rattraper les mots, les ravaler mais trop tard. Ils étaient sortis, avaient résonné dans l'air froid de la forêt. Quand l'homme se tourna vers elle, il n'y avait plus cet éclat froid dans ses yeux – il y avait même une esquisse de sourire sur son visage. Ses traits s'étaient détendus et Rapunzel remarqua combien ils étaient fins. Cet homme avait des airs de femme. — Je suppose que c'est ton cas aussi. Donne-moi la main.Les mots sonnaient davantage comme une invitation que comme un ordre. Rapunzel prit la main de l'inconnu – la paume calleuse lui rappelait l'état de ses propres pieds. La bouche de l'homme se crispa à la vue du sang suintant des plaies de la jeune fille. — Tu peux marcher ?Rapunzel hocha la tête. — Il faudra peut-être même courir. Et crois-moi il faudra que tu y arrives. Si tu me ralentis trop, je serais obligé de te laisser derrière moi. — Je ne vous ralentirais pas.
Quelle folie commettait-elle là ? Elle s'en remettait à quelqu'un qu'elle ne connaissait nullement, quelqu'un en fuite et qui était sûrement peu recommandable. Mais c'était cela ou risquer de retrouver la sorcière, et ça Rapunzel ne voulait surtout pas. Le souvenir du sous-sol empli de plantes et de leurs parfums étouffants lui glaçait l'échine. Elle ne voulait plus chercher un bout de ciel derrière des barreaux. L'homme hocha la tête, et tenant la main de Rapunzel, la mena à sa suite. La jeune fille le suivait, espérant, souhaitant, qu'ils partent le plus loin possible de l'Allemagne. Et de la sorcière. *** Le café avait du avoir un nom auparavant, quelque chose comme « Au joyeux voyageur ». Un de ces titres fantasques, colorés, créés spécialement pour attirer le client, le voyageur de passage. Le nom s'était perdu, ne restait pas même une pancarte, une gravure quelconque sur le bois de la devanture. L'établissement avait donc pris le nom de sa tenancière, Baba Yaga – vieille femme sans âge qui, malgré sa tendance à se ratatiner sur elle-même avait encore toute sa jugeote. Et assez de force pour renvoyer les indélicats à coups de cannes dans le derrière. Hansel pouvait en témoigner. Il fréquentait le café dès qu'il le pouvait. Il appréciait l'ambiance cossue du lieu, havre de chaleur dans ce pays de glace qu'est la Russie. Et puis il en devait une belle à la Baba Yaga et il s'en sentait redevable. Jusqu'à la mort. Profitant du peu de monde en cette journée, la gérante avait pris place sur un haut tabouret de l'autre côté du comptoir. Avec sa petite taille, cette propension à s'enrouler sur elle-même, Baba Yaga ressemblait à une pomme ridée qu'on avait abandonné là. Grattant son nez, un nez proéminent en forme de bec que surmontait un regard aigu, toujours alerte derrière les lunettes rondes, la vieille femme hocha le menton en direction d'Hansel. Juste assis en face d'elle. — T'accompagnes pas ta sœur c'te fois ? — Pas besoin mission de routine, précisa Hansel en prenant le verre que lui tendait une des serveuses – jeune fille d'une blancheur de neige jusqu'aux cheveux. Piquer des papiers à des érudits, c'est pas sorcier. — Bon duo de sacripants. Un jour ça vous tuera une de vos petites frasques de mercenaires. (Hansel secoua la tête, habitué par les remontrances de la vieille femme) J'suis pas votre mère j'le sais mais c'est tout comme, sans moi vous seriez morts. Que des os dans la neige.Hansel ne pouvait que lui accorder ce point. Il s'en souviendrait toujours de cette marche longue et pénible, cette avancée dans la neige qui semblait prêt à les engloutir lui et sa sœur. Comment deux gamins rachitiques, au bord de la faim, avaient réussi à marcher aussi longtemps ? Mystère. Sûrement la peur qui les avait aidés à tenir, sans compter qu'ils étaient ensemble. Deux gamins couverts de poussière, un frère et une sœur se soutenant mutuellement. Mais ils étaient avant tout des enfants, avec leurs propres faiblesses. L'épuisement, la faim avaient eu raison d'eux – surtout d'Hansel qui s'était laisser tomber dans la neige avec une seule envie : dormir, pour ne plus sentir ses pieds en sang, les crispations dans son ventre. Et tandis que ses paupières s'abaissaient, sa sœur le couvrait de sa chaleur, les paumes rendues presque brûlantes par les flammes qui baignaient ses mains. — Qu'est-ce que tu ramènes 'core Gretel ?Hansel leva la tête de son verre, et eut le temps de voir Baba Yaga bondir de son tabouret comme une balle de jongleur. La canne à la main pour l'aider à marcher, la vielle femme fronça le nez devant les nouveaux arrivants. Pour une fois Gretel était on ne peut plus présentable – si on omettait évidemment qu'elle portait des vêtements d'homme (attitude inconvenante qui, si elle était connue d'autres personnes, lui vaudrait une bonne correction en prison pour outrage des mœurs). Mais la physionomie même de la jeune femme, l'absence de rondeurs là où toute femme se doit d'en exhiber, entretenait l'illusion. Avec son corps sec, et malgré quelques traits encore un peu doux au visage, Gretel pouvait facilement passer pour un jeune homme un peu candide – attitude qui plaisait à nombre de femmes. Ce qui poussait la vieille femme à plisser ainsi la bouche ce n'était pas la tenue de Gretel, mais de la jeune femme qui l'accompagnait. — Tu l'as ramassé dans un fossé ? Regardez-moi ces pieds ! T'aurais pu les bander, la pauvre p'tiote. (La ville femme leva la tête, croisa le regard de Gretel) Ah oui j'comprends mieux. Tu t'dis que la Yaga, elle va pouvoir soigner le 'tit oiseau que t'as trouvé. Duo de sacripants...La suite de la phrase se transforma en un marmonnement que Baba Yaga s'adressait avant tout à elle-même. Pendant toute la scène, l'inconnue n'avait pas dit un mot, gardant les yeux baissés, mains derrière le dos. Elle avait tout de la jeune fille partie en fuite. La robe – simple, de tissu grossier – démontrait déjà qu'elle devait être pas plus qu'une servante. Déchirée là où les ronces s'étaient accrochés, elle dévoilait une peau marquée par les ecchymoses, blessée parfois jusqu'au sang. Du sang qu'y se voyait encore sur la lèvre là où elle avait du se mordre. Toutefois malgré les blessures – sommes toutes bénignes, égratignures qui ne laisseraient guère de traces – les cheveux attiraient toute l'attention. D'un roux flamboyant, semblable aux feuilles d'automnes, ils brillaient presque sous l'éclairage du café. Désespérément longs, ils recouvraient presque l'inconnue – elle en aurait pu aisément s'en draper comme dans une cape ou un manteau, s'y fondre et s'y cacher. Jamais Hansel n'avait vu une femme avec une chevelure aussi grandiose. — Allez viens. (La voix de Baba Yaga s'était adoucie, reprenant les accents d'une grand-mère en qui on pouvait encore confiance) On va te soigner tout ça, et te trouver un habit plus convenable.L'inconnue leva la tête – des yeux d'un bleu délavé se posèrent craintivement sur la vieille femme, se tournèrent vers Gretel cherchant un appui. Un hochement de tête de cette dernière finit par résoudre la demoiselle à suivre Baba Yaga à l'arrière du café, à disparaître derrière la porte. Gretel se laissa choir sur un tabouret du comptoir aux côtés de son frère qui affichait un sourire goguenard. — Les filles du bordel te plaisaient plus, et donc t'as décidé d'aller te chercher une belle allemande ? Bizarre pourtant, je croyais que t'aimais les fortes poitrines et de ce que j'ai vu, elle se situe dans la moyenne.Hansel esquiva le coup de coude qui devait le frapper aux côtes. Néanmoins le sourire que sa sœur tâchait de retenir lui présageait de folles histoires sur cette mission qui devait être de routine. — J'ai toujours eu un faible pour les animaux blessés. (Sans transition, elle prit le verre d'Hansel, le vida d'un coup) Elle était là toute craintive, apeurée et elle me regardait comme si j'allais la manger. — Ce qui n'était pas totalement faux. — Je mange les demoiselles que si elles sont consentantes. Et lavées. Pas envie de m'attraper une de ces maladies. (Ça la faisait doucement sourire de dire cela. A son frère – et quelques personnes – elle pouvait user de ces mots, montrer son attirance pour les femmes. Envers les autres, elle devait s'en cacher ou feindre d'être un homme. Elle tenait à la vie, Gretel, et ce serait bête de la perdre pour si peu.) Et c'est pas pour ça que je l'ai recueilli. Je... (Elle déglutit) Elle me rappelait nous deux, à l'époque.Nul besoin de précisions, Hansel savait très bien ce qu'elle mentionnait par « à l'époque ». Leur fuite de la maison familiale jusqu'à se perdre dans les bois, à gratter la terre pour trouver de quoi se nourrir – racines, champignons, vers, peu importait. Hansel posa sa main sur celle de sa sœur, s'étonna encore de pouvoir désormais la tenir dans sa paume – alors qu'avant, bien avant, c'était lui le gamin faiblard, presque maladif. Désormais adulte, et ce depuis quelques années, il était devenu plus grand que son aînée. Un homme aux larges épaules, cheveux aussi blonds que sa sœur – qui tâchait de les porter courts (heureusement encore que beaucoup la prenaient pour un homme). Main emprisonnant toujours celle de sa sœur, il gratta de l'autre la barbe mal rasé – picots d'un blond terne – qui lui ornait le menton. — Et tu t'es dis « elle va pas survivre comme nous, faut que je l'aide ». (Hochement de tête de Gretel) C'est louable comme acte, je te dirais pas le contraire mais... vivre avec des mercenaires, est-ce que c'est le mieux pour elle ? — Du peu qu'elle m'a dit, avant elle était avec une sorcière. (Hansel grimaça – les sorcières mieux valaient ne jamais se les mettre à dos) Sorcière, mercenaire... Je pense pas qu'on soit pire qu'une femme de cette trempe, puis on a des principes.Elle n'avait pas tort. Certes ils acceptaient des missions pas toujours glorifiants – ni très attrayants. Mais ceux consistant à tuer, ils tâchaient de les éviter – avoir du sang sur les mains, surtout d'innocents non merci. Gretel plus que tout autre répugnait à prendre la vie. Et quand cela advenait (car parfois l'argent, le manque mettaient les principes en arrière) elle en tremblait pendant des jours, vidait son estomac auprès du cadavre dont l'odeur restait à jamais imprégnée dans sa mémoire. — Donc je suppose qu'il va falloir trouver une place pour la nouvelle. (Hansel avait abdiqué, en haussant les épaules – lui aussi était trop bon, surtout envers sa sœur) Tu sais au moins son nom ?Gretel n'eut pas le temps de répondre, à peine d'ouvrir la bouche quand Baba Yaga reparut avec l'inconnue. La robe simple, mais d'une propreté plus impeccable que la précédente, montrait une silhouette fine, déliée – telle une plante qui doucement tente de se développer. La chevelure épaisse, avait été nouée en une tresse grossière qui n'empêchait pourtant pas les cheveux d'atteindre le sol. À se demander comment la jeune femme pouvait marcher sans avoir la nuque rompue par une telle masse. Ses yeux, toujours agités prêt à se cacher derrière des paupières closes, croisèrent ceux de Gretel. Avec des gestes lents, craintifs, la jeune femme s'approcha de Gretel, inclina la tête. — M-Merci. Je... si je peux vous remercier en quoi que ce soit... — Tout à l'heure, elle disait pas un mot, commenta à Baba Yaga s'adressant à Hansel après avoir repris place sur son tabouret. Après, faut dire que je sais pas bien causer votre langue barbare d'allemand, juste le minimum. — Vous avez du l'effrayer. (Imaginer la vieille femme baragouiner un allemand de cuisine était si cocasse, qu'Hansel dut se mordre la lèvre pour ne pas rire) Oh et en ce qui concerne de remercier ma sœur (continua-t-il en se tournant vers la jeune femme) ne t'inquiète pas, elle ne te demandera rien de... douloureux.Les yeux bleus s'agrandirent, la jeune femme posa sa main sur ses lèvres, regarda alternativement Hansel et Gretel. — Votre... sœur ?Gretel lança un coup d'oeil à son frère qui haussa les épaules. Pas besoin de le regarder ainsi avec une telle haine – ce secret serait devenu celui d'un polichinelle. Puisque la demoiselle allait vivre avec eux, autant lui apprendre quelques arcanes de leur vie. Plutôt que de la laisser sous le choc après avoir croisé Gretel en déshabillé au détour d'un couloir. — Disons que... (Gretel cherchait les mots, ceux qui sauraient la sauver des mauvais jugements) Se faire passer pour un homme permet d'ouvrir certaines portes interdites aux femmes. Enfin, je t'expliquerais en temps voulu. (Là, la fatigue du voyage, sans compter tout ce que l'arrivée de cette inconnue amenait, lui mettait les nerfs en bouillie) Sinon, tu as un nom ? — Rapunzel, Mons-Mademoiselle.
La pauvre était si confuse qu'elle en avait les joues rougis, le regard brillant. Gretel lui fit signe de prendre place sur un tabouret – Rapunzel obéit, elle semblait vouloir complaire à celle qui l'avait aidé et ne pas la décevoir. Par peur d'être abandonnée aux mains de cette sorcière dont elle n'avait dit que quelques mots ? Sans doute. — Pas de mademoiselle, Gretel suffira. Tout comme Hansel pour le grand blond. (Gretel commanda un nouveau verre à Baba Yaga – elle avait bien besoin d'une bonne gorgée d'alcool pour se remettre) Si tu nous en racontais plus sur ta sorcière ?Les tremblements qui prirent Rapunzel au nom de « sorcière » firent comprendre à Gretel qu'elle aurait peut-être dû, pour une fois, ignorer l'animal blessé et le laisser dans sa forêt. Mais il était trop tard pour retourner en arrière.
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| Sujet: Re: Calepin abandonné | |
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