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 (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]

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(Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Vide
MessageSujet: (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]   (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Icon_minitimeDim 7 Mar - 15:01

Chut !

On racontait des choses…Des paroles, des murmures dans le vent…
Quelque chose que soufflait la brise à travers les champs, les rendant vivants, les transformant en une grande mer dorée ruisselante de secrets. A travers les épis de blés, des silhouettes courbées, fauchant, ramassant, dans un geste uniforme, instinctif, supportant le soleil qui projetait ses rayons immaculés sur toute la terre. Ils travaillaient dur – à peu près comme ils avaient travaillé depuis des centaines d’années. C’était comme ça qu’était né un peuple, travaillant calmement et assidûment, construisant pierre par pierre, et attendant patiemment que la plante germe. Oui, des années et des années de tranquillité, et puis…

« Ha—pff-- ! Monsieur Lukasie--- attendez ! »

« Hi hi hi ! Tu ne m’attraperaaaas pas-euh ! ♪ »

Dans la grande mer dorée, il semblait qu’une petite vaguelette bougeait plus que les autres ; un petit bout d’or, volant à travers les jupes et à travers les grandes tiges. Oui, il était difficile de distinguer cette petite tête blonde…oui, blonde comme les blés du reste ; le soleil lui donnait autant d’éclat et…oui, cette petite silhouette n’arrivait encore qu’au ras du plus grand épi. La seule manière de le détecter ? Un petit rire malicieux, une soudaine bouffée d’air frais dans cet après-midi étouffant. Et puis derrière, une tempête grondant, ignorant les sourires et les murmures qui fusent dans son sillage (Tu as vu le nouveau ? Haha ! Tu penses qu’il durera combien de temps ?)

« Królestwo Polskie ! Voulez-vous bien venir ! On demande à vous voir !» Le jeune homme essuya son front ruisselant de sueur, se maudissant d’avoir accepté de s’occuper de la jeune nation, et maudissant son manque d’autorité. Silence aux alentours. « S’il vous plaît ?»

« Hmm…Très sérieusement ? Je sais paaas… <3 »

Un sursaut du pauvre homme, alors que la voix espiègle venant de derrière lui, et…d’en haut ? Son regard alla vers les plus basses branches du grand arbre ; des petites jambes se balançant, en avant en arrière, en avant en arrière… Petite silhouette vêtue d’une longue tunique blanche et d’un pantalon court rouge – tous les deux assidûment tâchés évidemment, comme les habits de tout gamin turbulent qui se respecte. Et puis, dans ses cheveux blonds, dont les extrémités frôlaient ses épaules, une petite fleur blanche accrochée. Sa petite main pâle la faisait tournoyer avec une certaine coquetterie ; quelqu’un avait dû lui dire que cela lui allait très bien, et il se gonflait de cet orgueil sans trop chercher plus loin. A son âge, on ne se posait pas trop de—mais, quel âge avait-il, au fait ? Ce petit visage rond avec ses grands yeux verts scintillant de curiosité enfantine, ces joues roses d’avoir couru…Non, il ne devait pas être au-dessus d’une dizaine d’années…

"A chaque fois que je suis là, tout le monde se dispute sur qui aura quel territoire, et qui succèdera…des tas de choses compliquées…" Il croisa le regard du jeune garçon, et y vit un éclair insolent de lucidité. Petit air de défiance. (Rumeurs, rumeurs, voletant dans l’air. Un duc mort – assassiné ? un autre en disparu – exilé ? l’un se battant avec l’autre…Sous le regard du « roi » qui vieillissait sur son trône…Quelque chose de pourri dans le royaume de Pologne…) Non. Plus âgé que cela. Même s’il tentait de le cacher. Pouvait-on grandir aussi vite ?

« Et on dit d’autres choses, aussi…d’autres rumeurs… » Sautant de l’arbre dans un geste souple, enlevant dans un geste nonchalant les feuilles et brindilles de ses cheveux et de ses épaules.

(Ils arrivent.)

« Des paroles, des murmures dans le vent… » Sa petite tête regardait subitement à gauche, à droite. Curiosité obstinée, contagieuse.

« Monsieur… ? »

(De l’Ouest…)

Clignant ses grands yeux d’un air perplexe, fronçant légèrement les sourcils et plissant le bout du nez. Et puis, soudainement, tirant la langue et lui tournant autour et courant dans les prés en un éclair.

« Attrape-moi si tu peux ! »

(Chez moi…)



*


Feliks s’adossa contre la paroi de pierre, sentant le froid l’envahir. Sensation apaisante, après la course et les rires. On avait abandonné la chasse au Feliks, après moult cris et soupirs, et il était revenu quelques heures plus tard avec un sourire satisfait aux lèvres. Et ces gens qui s’occupaient de lui soupiraient, mais ne s’attendaient vraiment pas à autre chose. Ces temps-ci, le jeune monsieur Pologne était de plus en plus capricieux et turbulent…(pouvait-on le blâmer ?) Et on le laissa savourer un moment de tranquillité, sachant qu’il était bien mieux de l’accommoder plutôt que de le contraindre à quoi que ce soit. Le jeune enfant savait déjà bien diriger son monde.

Il sentit en même temps la lumière chauffant son visage, laissant sa fleur tournoyer entre ses mains dans le soleil. Juste assis dans l’herbe, devant sa maison. Celle que toutes sortes de gens habitaient et venaient visiter et où ils venaient se disputer la place d’honneur…mais oui, c’était chez lui. Ce petit sanctuaire en pierre, campé solidement sur ses pieds au milieu des prairies verdoyantes. Depuis combien de temps était-elle ici… ? Il ne savait pas…les premiers souvenirs étaient flous…Il ne se souvenait que de ces grandes plaines qui s’étendaient à l’infini. Les grandes portes de bois se tenaient là, immenses et imposantes, et au-dessus d’elles, ce blason. Cet aigle blanc, ailes déployées, sur un fond rouge comme un coucher de soleil. Il le regarda avec un intérêt passager, et puis fouilla dans la manche de sa tunique et en sortit une autre relique du passé. Plus ancienne que l’aigle blanc. Un petit crucifix, taillé avec assiduité dans le bois accrochée comme un pendentif sur une simple lanière en cuir. Il tomba sur le dos dans l’herbe, laissant les tiges chatouiller son visage et fit jouer et tournoyer cette petite chose entre ses mains, avec un léger rire.

Des bruits…des sons…quelque chose…
Ses grands yeux verts s’ouvrirent bien grand, et il reste bien immobile dans l’herbe. Ecoutant le bruissement des feuilles dans les arbres, le murmure à travers ce tapis de verdure, frôlant les pétales.

Son souffle coupé pendant un moment, une étrange sensation faisant battre son petit cœur plus rapidement.

(Des mouvements, des ombres, des murmures. Quelque chose…quelqu’un qui est là et qui se cache…)

(Je le sais…!)

(Qui es-tu ?)

Chut… !


Spoiler:
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Netsah / Israël


Netsah / Israël

Le sale gosse de la Synagogue


Poissons
Messages : 485
Age : 33
Double Comptes : l'autre bièrophile bavarois

RPs en Cours : 1.la malédiction du golem. Autriche
2.Le discours de Jéricho. Tunisie
3.Petit air de paradis... Pologne
4.Le carnaval de Venise. Italie.
5.1er Avril 2010 : Asile de corruption. Liechtenstein
6.La ballerine et le musicien. Autriche et Ukraine
7. Et d'autres...

Of blood and tears
Relations Internationales:
Many Faces of A Nation:

(Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Vide
MessageSujet: Re: (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]   (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Icon_minitimeSam 13 Mar - 15:10

Chut… !

Il fallait partir, c’était une certitude. Il fallait partir, s’enfuir et se terrer. La cause du départ, il ne la comprenait pas bien, on avait dû lui expliquer pourtant. Oui, mais il n’avait pas voulu entendre, pas voulu comprendre. Là-bas, des gens allaient conquérir le pays où il avait vu le jour, reprendre ce qu’ils croyaient être leur ville sainte, leur Possession. Leur Jérusalem. Alors, ils partaient, vêtus d’armures et brandissant des armes, des épées. Et lui devait fuir, car certains ne voulaient pas le voir ici. « Pourquoi s’acharner sur les Infidèles là-bas, alors que d’autres habitent ici ? ». Quelqu’un avait dit cela, son nom lui demeurait inconnu, vague. Comme les souvenirs d’un énième départ, qui se confondait avec les autres, dans un maelström d’empressement, de soin, de peur aussi, un peu. Toujours, on le rassurait, toujours, il lisait de la peur dans le regard des siens. Alors, il préférait lire ou se perdre dans les bras d’un des membre de son peuple, fermant les yeux pour que la peur n’apparaisse plus, pour qu’il ne sentit plus que la chaleur des bras, les battements de cœur et le souffle du vent.

Chut, ne fais pas de bruit… !

La route s’étendait devant lui, long serpent fait de pierre et de rocaille, présage d’aventure et de nouvelles découvertes (ou d’autres choses moins drôles dans le pire des cas, mais l’enfant était sans doute trop petit pour y penser). Le vent soufflait sur les plaines ce jour-là, murmurant des choses, sentant les fleurs et l’herbe, l’air frais et le soleil. Ce soleil qui rayonnait si fort, si fort que Netsah lui sourit. Comme on souriait à un ami, un frère. De l’espoir brillait dans les grands yeux bleus qui lui mangeaient le visage, rond et enfantin. Pourtant, on voulait le cacher, encore. Au cas où ce nouveau monde ne voudrait pas de lui, pas d’eux. Alors, l’enfant boudait dans son coin, ne touchant pas un livre, un plat, fomentant en secret un plan qui le faisait doucement sourire. Personne n’y prêtât attention sur le moment et tous attendait avec anxiété l’heure de l’arrivée, l’heure où les gens d’ici leur diraient si oui ou non, ils étaient admis.

Ne t’en vas pas si loin… Reviens !

Et il partit. L’herbe était fraiche sous ses pieds, glissante aussi lorsqu’il tomba, dévalant sans se blesser la pente d’un vert clair, comme dénué d’ombre. Il courut donc, les brins verts foulant ses petites chevilles, menaçant de le dépasser si jamais il s’accroupissait, s’il courbait les genoux pour vouloir s’y fondre. Des fleurs étaient écloses ici et là, formant le plus bel des arcs en ciel à admirer, ce que l’enfant fit, jouant tout seul à contourner les fleurs, en cueillir une pour prendre les pétales et les jeter au vent, ou préférant avancer en ligner droite, soudain indifférent aux sorts de celles ci. Inconscient qu’il était, insouciant et peu attentif, il ne vit pas qu’il s’écartait dangereusement des sentiers battus, qu’en fuyant les voix de ses protecteurs, il risquait de se perdre, de ne jamais retrouver ceux qu’il aimait tant.

Reviens !

Un souffle dans le vent, un cri qui se muait en murmure, rendue inaudible par la comptine que murmurait (à dessein ?) l’enfant. Un chant doux et lent qu’il chantait haut et fort, laissant le vent emporter les paroles, guider ses pas.

Sur la route est un arbre,
II est tout courbé.
Tous les oiseaux de cet arbre
Se sont envolés.

Oyfn veg shteyt a boym,
Ayngeboygn,
Feygl funem boym
Zaynen tsefloygn.


Des oiseaux, il en aperçut ce jour-là, qui s’en allèrent dans un bruissement d’aile, mais si un arbre fut courbé, ce n’était que sous le poids des feuilles, des mots aussi, peut-être…. Qui sait ce qu’il se murmurait entre les branches, comme disaient certains adultes. Bruit sur leur passage, vague de curiosité ou tempête de rage, cela restait encore à voir. Cependant, est-ce que cela perturbait ou inquiétait ce petit garçon vêtu d’une tunique bleue et d’un pantalon brun ? Sans doute pas. Il continuait à chanter, ne se rendant pas encore compte de sa situation.

Trois vers l'est, trois vers l'ouest
Et les autres - vers le sud.
Et l'arbre, abandonné, seul,
Est livré à la tempête.

Dray keyn mayrev, dray keyn mizrekh,
Un der resht - keyn dorem,
Un der boym gelozt aleyn
Hefker far dem shturem.


Un chant si doux, si triste. Oui, Netsah aimait cette langue, ce chant. Ou peut-être était-ce la présence des communautés déjà existantes qui l’influençait ainsi ? Car si à l’Ouest (ou Sud Ouest ?), il était Séfarade, au Sud Mizrahi, ici il était Ashkénaze. Celui de l’Est et du Centre de cette Europe encore jeune en ce temps-là.

Ne m'empêche surtout pas !
Je vais, maman, et une et deux,
Devenir oiseau...
J'irai sur l'arbre
Et je le bercerai,
Par delà l'hiver,

Zolst mir nor nit shtern ;
Vel ikh, mame, eyns, tsvey
Bald a foygl vern…
Zitsn oyfn boym
Un vel farvign
Mit a sheynem nign.


Il finit brusquement de chanter. Ce n’était que le premier couplet, pourtant, que le début de l’histoire. Comme tous les enfants restés trop longtemps seuls, il voulait revenir sur ses pas, rejoindre ce qui lui servait de famille, de peuple. Alors, il oublia son hardiesse, la chanson et le reste, cherchant les siens là où ils n’étaient pas. Cependant, où que portait son regard, il n’y avait qu’une vaste étendue d’herbe, quelques arbres dont les ombres semblaient s’allonger et des oiseaux qui s’envolaient de temps à autres. L’angoisse commença alors à naitre et grandir.

Où suis-je ? Où sont les autres ? Ils sont partis ? Non, c’est moi qui suis parti, qui me suis…

Perdu. Loin, très loin de tous ceux qui connaissait, loin de tout.

Alors, il courut de nouveau, mais cette fois sans allégresse, sans insouciance, ses yeux scrutant les moindres recoins du paysage. Il commençait à trembler sous le souffle du vent, ne sachant où aller, il fonçait à l’aveuglette parmi les arbres, les buissons.

Et soudain, il le vit.

Netsah s’arrêtât aussitôt. Son cœur se cognant contre sa petite poitrine, ne cessant de faire du bruit, battant avec une insistance presque idiote. Après tout, l’inconnu ne risquait-il pas de … d’être comme les autres … ? Netsah s’agenouilla entre les buissons, se cachant de son mieux, résistant à l’envie d’éternuer alors que les feuilles s’agitaient sous son petit nez, le taquinant doucement, très doucement.

Étendu, l’inconnu jouait, jouait dans l’herbe, dans sa main levée vers le ciel, une croix. Une croix. Netsah se rappela en avoir vu, beaucoup trop parfois. L’un de ses plus vieux souvenirs en comportait. Une croix et un poisson dessinés précautionneusement par un enfant de dos, ses cheveux noirs luisant sous le soleil d’Italie, une robe blanche couvrant la majorité de son corps et une chanson s’échappant de ses lèvres. Puis, l’enfant se retourna, défiant du regard Netsah alors, un peu plus petit, l’accusant du bout des lèvres d’un crime qu’il ne comprenait pas. Et une main l’attrapa, doucement et fermement à la fois, comme si un danger le menaçait, pourtant, il n’y avait que son frère. N’est-ce pas ?

Viens, viens …

La main l’entraîna loin de la croix, de son frère et un bruit le ramena au présent. L’inconnu bougea, ses cheveux clairs presque blancs sous la lumière du soleil, ses grands yeux verts éclatants. Il n’était pas si effrayant son inconnu, ressemblant presque à un enfant normal, à ceci près qu’il n’était pas « normal ». Le petit Ashkénaze sentait quelque chose remuant en lui, une voix encore incapable de formuler correctement des mots, une impression vague et étrange. Il n’était pas humain, cet enfant aux joues rondes et aux vêtements souillés de poussière, tenant dans ses mains la croix et la fleur blanche.

Viens, viens…

La main qui l’emmenait loin de Fabrizio, elle appartenait aussi à un enfant de quelques années plus âgé que lui. Une croix se balançait aussi à son cou, même si son regard n’était pas aussi noir que celui du futur Vatican. Lorsque les yeux bleus croisèrent les yeux bruns de son « sauveur », ils ne reconnurent pas la colère qui hantait le regard du premier des chrétiens.

Comme lorsque l’enfant le découvrit, écartant les feuilles vertes, son regard n’exprimait aucune ni ressentiment, ni haine. Juste une curiosité bien compréhensive. Que faisait cet enfant inconnu ici à se fourrer dans les buissons plutôt que de rejoindre les maisons de bois ? Ses vêtements étaient étranges, venait-il d’un autre pays ? Pourquoi ses yeux s’agrandissaient ainsi ?

Et Netsah se releva, chancela un instant sous le regard d’un polonais bien surpris. L’enfant recula, recula si bien qu’il tomba de nouveau à terre, s’étant pris ses petits pieds dans un entrecroisement de racines.

« Ouille, ouille… »

Il redressa son dos, se massant la tête douloureuse sous le choc, fermant un instant les yeux, priant pour que l’enfant en face ne lui fasse pas de mal, ne se mette pas en colère. Il était des gens qui n’aimaient pas qu’il se fasse remarquer, des gens qui ne l’aimaient pas simplement. D’autres se mettaient si facilement en colère, pour des futilités selon l’enfant.

« Qui… qui es tu ? » Formula maladroitement le petit brun en osant finalement regarder son interlocuteur en face, les mains et les jambes toujours sur l’herbe, gênant sans doute quelques fleurs.

« Vous… habitez ici ? » Demanda encore l’enfant en se relevant, époussetant ses habits, se frottant les joues. Tout petit déjà, sa mère (la toute première, celle qui l’avait tenue dans les bras dès les premiers jours) lui avait appris l’importance de la propreté, de l’hygiène. Il ne devait pas se salir, ou très peu et devait toujours se laver les mains avant de manger et prier. Depuis, sa mère l’avait quittée, partant un soir après l’avoir emmené chez un certain romain, le lui confiant et serrant son fils dans les bras avant le dernier au revoir.

« … C’est drôlement beau ici… mais j’ai un peu peur… »

Il baissa la tête, petite moue d’enfant perdu et sans défense, ne pensant pas à cacher sa tenue. Cette tenue que d’autres choisissaient pour lui, tantôt un chapeau qui piquait un peu parfois, tantôt un simple rond tout jaune, ou bien rouge, ou un costume bleu. Ce costume qui dit ce qu’il est avant qu’il ne puisse prononcer un mot, jeter un regard.

« Vous savez… je ne suis pas d’ici… et je … je me suis perdu… »

Craintif, il l’avait toujours été, timide et un peu peureux aussi. Pourtant, l’autre ne se mettait pas encore en colère, le regardant simplement avec ces grands yeux clairs. Penchant inconsciemment la tête vers la gauche, Netsah observa la tenue de son vis-à-vis, le blanc de la tunique, le rouge du pantalon. C’était nouveau pour lui. Était-ce un costume traditionnel ou lui aussi n’avait pas le droit de choisir ses habits ? Le brun était certes craintif, mais aussi curieux, après tout, même si à cet instant, Netsah était plus préoccupé par sa situation un peu problématique. Il était loin des gens qui devaient s’occuper de lui, dans un pays qu’il ne connaissait ni d’Adam ni d’Eve et s’adressait à un inconnu qui ne devait pas être plus âgé que lui et qui…

Oh non et si le garçon ne le comprenait pas justement, qu’est ce qu’il fallait faire dans ce cas là ?

« S’il vous plait… est-ce que vous pouvez me parler ? Je… je commence vraiment à avoir peur… »

Un nœud noua sa gorge, faisant trembler sa voix, la rendant plus faible et enfantine. La voix d’un enfant qui appelle ses parents après avoir fait un cauchemar. Malgré le soleil, malgré les parfums de fleurs, les odeurs chaudes, le froid commençait à s’insinuer en lui. Soudainement, quelque chose grogna. Baissant la tête, Netsah regarda son ventre, mettant l’une de ses mains sur lui. Oui, il commençait à avoir faim. Lentement, il s’avança vers l’inconnu, qui sembla reculer, mais l’enfant n’en était pas certain. Netsah désigna son ventre :

« J’ai faim… faim… »

Il leva une de ses mains. Un geste simple, presque banal. S’agrippant à la manche de l’inconnu, il murmura ses mots, plusieurs fois, dans toutes les langues qu’il devait plus ou moins connaitre :

« J’ai faim… Je suis perdu, j’ai peur… »

’Aidez-moi s’il vous plait. Je vous promets d’être sage, de vous aider ou de partir ensuite, mais aidez-moi.’ Disaient ses grands yeux bleus. Pendant un moment, Netsah prononça ses mots, sans relâche. Il suffisait que le polonais fasse un geste brusque, un regard mauvais pour que l’enfant reparte, cours de nouveau de peur d’avoir fait une bêtise et d’être puni.

Une fois, il avait retenu une personne ainsi et pas n'importe laquelle, l’Empire Romain en personne. Le grand Caesar retenu par la toge par un petit garçon qui avait tellement de mal avec le latin, qui s’embrouillait parfois avec les mots, avec les gens. Le romain l’avait regardé, avec un mélange de sérieux et de curiosité. Puis, l’homme avait ri lorsque finalement la question fatidique arriva (un « tu m’aimes ? » posé avec une gravité presque comique par un enfant boudeur) et lui avait ébouriffé les cheveux, tandis que le petit Feliciano arrivait et embrassait son jeune frère. Connaissant les italiens, le geste aurait pu être d’une banalité sans nom (surtout connaissant Feliciano), pourtant, Netsah n’oubliera jamais. Ni le sourire romain, ni le bisou italien. Jamais.

Et sans doute que si cet enfant faisait aussi quelque chose de bon, un geste ou une parole tendre, Netsah ne l’oublierais jamais, peu importe ce qu’il arriverait ensuite. Peu importe l’avenir…
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(Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Vide
MessageSujet: Re: (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]   (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Icon_minitimeMer 31 Mar - 18:17

(Hé ! Voisin ! Re…re garde ce que j’ai!)
(Oh…c’est très joli…euh…Feliks ? C’est…c’est bien ça ?)

(Alors toi aussi, maintenant…tu es--)

Tournoie, tournoie dans le soleil. Juste un bout de bois sculptée d’une manière particulière et accrochée à une lanière de cuir si vielle et sèche qu’elle tenait encore par quelque opération du (Saint Esprit.) Mais cela voulait dire quelque chose. Pour lui. Quelque chose que ses mots enfantins ne pouvaient pas réellement exprimer correctement encore – et même, est-ce que ce genre de choses s’exprimait vraiment ? – mais quelque chose de particulier scintillait dans ses yeux verts débordant de vie. Une flamme douce et étrangement calme…Une petite île de stabilité, dans une tempête fracassante. Quelle tempête… ! Mais il y avait un refuge. Un petit refuge, là, qui tenait tout juste dans le creux de sa main…

(Je vois. Alors…prends-en bien soin. Cela t’apportera beaucoup)
(de force…)

Sa main l’entoura lentement, comme l’aile d’une mère oiseau enserrant son oisillon. Geste protecteur et tendre. Et il se leva doucement, un frisson lui parcourant l’échine, mêlé de curiosité et d’une certaine appréhension. Les deux combattirent quelques instants alors que le jeune garçon s’épousseta machinalement de quelques brins d’herbe. Elles tombaient silencieusement au sol, et déjà la curiosité avait vaincu. Les traits de son visage étaient calmes, concentrés, comme quelqu’un qui se retient de rire, ou de hurler. Oh, quelle envie il avait… ! De hurler « Qui es-tu ?! » De crier « Ca faisait si longtemps ! » « Si longtemps que j’attendais te de trouver ! » De se jeter dans les buissons avec un rire enfantin mais…

Quelque chose l’en retenait, ses joues rougissant. Sa main se resserrant davantage. Alors qu’il faisait quelques pas en avant, il sentait que ses jambes tremblaient…très, oui quand même, très légèrement.

A force de rester si longtemps dans l’herbe. Oui, sans doute ça.
Pas parce qu’il sentait qu’il verrait enfin…
Quelqu’un…qu’il connaissait mais ne connaissait pas.
Un étranger…connu…Oui, dans les murmures du vent, dans les bruissements du chemin, ne le connaissait-il pas déjà un peu ? Un tout petit peu ?

(Mouais…t-toi, tu as pas l’air s-super fort ! M-même…si t’es plus vieux que moi !)
(Fhh fhh…)
(Ne rigole pas c-comme ça ! C’est bizarre !)

Ses mains semblaient se diriger d’elles-mêmes, écartant les branchages – sentant vivement la présence réprimée, tentant de se faire oublier, le silence forcé de quelque chose – quelqu’un – dans le foisonnement habituel de la nature…Feliks écarta le mur de verdure qui les séparaient, le vit aussitôt.
Leurs regards se rencontrèrent, et le jeune polonais l’observa, le grava dans sa mémoire dans quelques instants rapides, comme une esquisse fluide et élégante sur le coin d’un carnet ; tentative de capture d’un être en quelques traits déliés.

Un petit garçon, à peine plus âgé que lui. Cheveux sombres, dans la clarté verdoyante…et des yeux d’un bleu perçant. De grands yeux se levant vers lui, le fixant. (Il l’avait déjà observé depuis un petit moment…il le sentait.) Des yeux qui s’agrandissaient de surprise, à l’image des siens, et…et puis…
D’une peur soudaine, vive, cet éclat d'alarme jaillissant comme le sang d’une ancienne blessure. D’une très ancienne blessure. Le polonais eut le temps de ressentir cela avant…avant que…
(Mais…pourquoi est-ce ce que tu recules… ?) (Attends!)
Mais il demeurait silencieux, alors que son petit inconnu recula vivement, et (Attention !)
Pouf ! Une racine l’amena au sol, durement. (Oh ! Est-ce que…)
Mais non. Ses jambes ne pouvaient pas bouger, les interjections diverses s’accumulaient dans sa gorge et s’éteignaient sur le bout de sa langue.

Le garçon laissa échapper quelques interjections à lui ; il s’était fait mal. Feliks ressentit quelque mouvement de sympathie vague, lointaine, comme si le cœur qui les ressentait avait été balancé à quelques mètres de là et manifestait encore sa présence un peu faiblement, en sourdine.
Une expression de douleur dans ces yeux bleus…puis, ceux-ci se fermèrent et Feliks sentit cette fois, distinctement, presque douloureusement, un sentiment de panique. (Il s’est vraiment blessé oh non qu’est-ce que je fais qu’est-ce que je fais ahh ! Seigneur) Mais non, il le regarda et…vit une expression de calme concentré, fervent, sur son visage. Quel était le sentiment maintenant, qui venait lui percer le cœur ?

Il…priait.

(Tu n’es pas…catholique, voisin ? Mais--)
(Ha ha…Ne me fais pas cette tête…)
(C’est toujours la même croix…)
(Le même--)

Mais il n’avait pas de croix, cet enfant.
Son esprit enfantin essaya d’associer ces deux choses qui semblaient maintenant avoir un lien logique de cause à effet. Sa surprise se fit plus grande encore.

«Qui…Qui es-tu ? »Une voix enfantine éparpillant pour l’instant ses pensées. Le garçon avait rouvert les yeux, et leur éclat d’un bleu profond le firent presque sursauter. Presque. Mais pas uniquement pour…pour cela. Ces mots…il savait qu’ils n’étaient pas de sa langue. Même…ils avaient quelque chose qui les éloignaient du dialecte de ses voisins. Une note de l’étranger, de là-bas…(De l’Ouest ? Est ? Nord ? Sud ?) Mais il percevait leur sens ; ces paroles tombaient dans son esprit aussi limpides que des larmes de cristal…
Qui es-tu ? N’est-ce pas à moi de te le demander, si tu es ici dans ma propre terre ? D’où viens-tu ? (Mais les mots ne pouvaient sortir. Et il fallait bien, ces questions, que quelqu’un se les pose.) Il se releva, s’époussettent d’un geste spontané, comme une coutume inscrite dans les gestes de ses mains. « Vous…habitez ici ? »

Il était craintif, timide, se dit Feliks…même…méfiant. Soutenir son regard devait demander un effort bien courageux… « C’est drôlement beau ici…mais j’ai un peu peur… » Voix mal assuré, petite et enfantine ; voix de petit enfant perdu. Pourquoi ? Pourquoi as-tu peur ?
Perdu…
Dans une terre qui n’était pas la sienne…
Feliks détailla dans sa tête ses traits – ses vêtements. D’ailleurs…et pourtant familiers. Ces vêtements qui disaient, en un éclair…Quelque chose serra son cœur, et le tirailla cruellement. Un moment d’hésitation. Et son regard vert, vif et scintillant, s’agrandissait un peu plus, devant cet étranger…ce…(le mot s’esquissant dans sa gorge, sans jamais voir le jour.)

Car c’était bien ce qu’il était, n’est-ce pas ?

Des choses qui se disaient…des paroles dans le vent. « Eux », « ils », « ces gens-là… »…c’était étrange, comment ils semblaient être la source de toute conversation alors que l’on tentait de les mettre sur le rebord. « Ils. » Les autres. La petite nation entendait ces choses, somnolant près du feu alors qu’on le croyait endormi. Les précautions vagues de son précepteur. Un livre à la main, ou ouvert. Le Livre. Lui citant un passage avec une ardeur sombre et dédaigneuse.

« Vous savez…je ne suis pas d’ici et je…je me suis perdu… »

Chasser. Eradiquer. Exiler. Oui, il avait entendu ces choses. De la bouche des siens, parfois. De la bouche d’étrangers. De la bouche de…oui, de la bouche de cet havre de paix et d’harmonie, loin de là à Rome, du siège de la Vérité sur terre, de la bouche de cet homme vêtu de blanc et de rouge (comme lui.)…Tant de paroles sombres et amères…
Et son roi à lui restait sur son trône, et soupira, de son air calme et droit.
Ce genre de paroles n’était pas prononcé à la Cour.
Mais son souffle demeurait dans les murs, dans les champs, dans le vent.
Résonnant dans ses oreilles.
(vérité ?) (calomnie ?)

Il resta là, silencieux, serrant doucement ce qui était dans sa main. Elle contenait encore les rayons de soleil d’il y a quelques instants…il sentait leur chaleur contre sa peau.

« S’il vous plaît…est-ce que vous pouvez me parler ? Je…je commence vraiment à avoir peur… »

Consonances étrangères ; leur sens lui venant par quelque moyen qu’il ignorait. C’était ainsi qu’il parlait…à ses semblables. Les autres nations. Quand on entendait, et que l’on voulait comprendre. Et se faire comprendre…

Ce petit garçon…lui aussi. Oui. Il en était conscient dans un coin de son cœur, depuis l’instant même où il l’avait vu. Lui, à l’image de tout un peuple.
Perdu. Effrayé. Le regardant avec une crainte innée. Crainte qui n’était pas dirigée contre sa personne, mais contre l’Autre ; contre ces Autres qui avaient dû faire…tant de…
Son petit cœur battant s’enserrant encore davantage, un arrière-goût de colère à ce qui avait été fait. Et de peur à ce qu’il...serait sur le point de faire…

Mais...pourquoi ? Pourquoi aurais-je... ?
(Personne ne me dit quoi faire, voisin ! Je suis...)
Moi, Pologne.

Un grognement sourd, soudain, qui n’avait pas besoin de se faire traduire par des mots. Qui traduisait juste l’urgence.
Et un geste.
La petite nation, perdue et tremblante, avança vers lui...Quelques pas hésitants, indécis, comme s’il craignait à tout instant de reculer suite à un danger. Mais la réalité jaillit vers Feliks, violente et irrévocable.

Nulle part.
Il n’avait nulle part d’autre à aller.
Juste...vers lui.
Une main sur son ventre, une main tendue vers lui...Un mot associé au geste...
« J’ai faim...faim... »

Le petit polonais tressaillit, mais son regard demeura stable.
Il avait déjà décidé. Oui. (En es-tu sûr ? Qu’est-ce qu’ils diront ? Les autres ? Et…pire…les TIENS ? TES gens?)

(Non non il aura toujours autre part où aller il trouvera toujours en chemin avant de fuir de nouveau il est condamné à errer et puis pourquoi toi pourquoi tu devrais pas ton problème pas ton problème recule)

Oui, il sentait son corps...reculer. Mouvement imperceptible de retrait, même si ses jambes n’avaient pas bougé.

(oui c’est ça continue continue et puis détourne le regard et cours cours ! laisse-le)

Non.

(pas de tes affaires c’est mal c’est juste un)

NON.

(c’est rien qu’un)

La main levée, vers lui, suppliante, cherchant...

(Hé...ne pars pas en courant comme ça ! Petit voisin !)
(C’est Feliks ! Fe-liks Lu-ka-sie-wicz, monsieur l’Orthodoxe!)
(Et toi alors…petit Catholique...Tu ne voudrais pas plutôt m’appeler

Ivan
?)

(Je fais ce que je veux !)

Oui...

Lui, regardant la main ; regardant ce regard bleu, troublé par les souffrances et pourtant limpide, si limpide…
(c’est le livre qui l’a dit)
C’est faux...
(les autres qui le)
Ils ont tort !
(raison)
Je...je...
J’ai...NON, J’AI...

Cette main, touchant sa manche, balbutiant encore et toujours les mêmes mots. Comme une prière.

(non)
SI ! J’AI RAISON !

Des mots qui ne voulaient pas sortir auparavant, maintenant...d’autres paroles, différentes, qui n’attendaient qu’un instant pour sortir. Mais là, juste maintenant.
Un geste.
Doucement, lentement, il toucha cette main ; se posa simplement sur la sienne. Et la deuxième. Prenant cette main tremblante, d’un geste simple, si simple...

« N-n’aie pas peur…n’aie pas peur… » Mots volant de sa bouche, comme un murmure, comme une berceuse. Comme une prière. Priant pour qu’il le comprenne, qu’il comprenne qu’il ne lui voulait aucun mal. Il sentit à quel point ce petit corps était fragile. Et fatigué. Regardant cette petite main fragile, et puis regardant ces yeux bleus, remplis d’un nouveau sentiment. La peur s‘estompant légèrement, avec hésitation, prête à revenir au grand galop. Mais non. Ca devait...devait changer. Un sourire se dessina sur le visage de Feliks, léger et vivace comme un bruissement d’ailes. Légèrement tremblant, ce sourire. C’est qu’il n’avait jamais vraiment fait ça…à qui que ce soit. Quel étrange sentiment. S’écartant un peu pour le considérer, avec un sourire ravi. Les battements de son cœur ralentissant petit à petit. Je peux le faire. Je peux le faire. Je peux l’accueillir ! Et même si je ne peux pas… Il observa la fleur glissée entre deux doigts de sa main gauche, la prit délicatement, et la plaça doucement entre quelques mèches de cheveux sombres du petit. Voilà. C’était vraiment parfait.

« …Je sentais que tu allais venir…je t’attendais. Tu…tu es le bienvenu ici.» Sa voix murmurée, tremblante, avait repris un peu de ses couleurs habituelles ; un petit air joyeux illuminant ses yeux verts et ses pommettes. Il regarda de nouveau cette petite bouille toute brune, et sourit un peu plus. Résistant à l’envie soudaine de le serrer dans ses bras. Il avait encore l’air…un peu surpris. Feliks avait l’impression que le moindre mouvement brusque le ferait battre en retraite.

Petite voix défiante résonnant dans sa tête, la voix insolente et enfantine du garnement qui montait aux arbres pour embêter ses précepteurs.
Je fais ce que je veux !

« Je suis Pologne…Et ça » (grand geste) « c’est mon royaume ! Tu aimes bien, c’est joli non ?...Mais tu peux aussi m’appeler Feliks, et toi ? Comment est-ce que tu t’appelles ?» Etaient-ce des éclats de voix qu’il entendait au loin ? Quelqu’un l’appelant ? Ah non… ! Il venait de rencontrer quelqu’un ! Ses voisins étaient…occupés, ou l’ignoraient ou alors au contraire le surveillaient de près, prêts à attaquer. Ou alors se baladaient en chantonnant avec des fleurs plein les bras et un air triste, mais ça, c’était un cas à part. Il sourit, et prit la main du petit garçon dans la sienne, commençant à marcher dans le champ, vers le château. « …et tu veux sans doute un truc à manger, non ? Allons chercher ça ! » Air pendant un instant soucieux ; était-ce une bonne idée de l’amener près du château ? Et si… ? « Tu…tu veux venir ? Je peux y aller et te ramener quelque chose mais…» Un air sérieux dans son regard, un air légèrement inquiet, mais sûr de lui, et stable.

« Mais moi, j’aimerais que tu viennes… » dit-il avec un sourire résolu. Le sourire fier du garçon ravi qui ramenait un nouvel ami à la maison. Le sourire du garçon qui savait bien ce qu’il risquait ce jour-là si jamais un émissaire du Pape passait par là ou si le roi était de mauvaise humeur, ou alors s’il y avait encore une dispute…


« Tu viens ? »Mais il n’avait pas envie de rester là. Ou de reculer. Juste d’avancer, avec rien d’autre à perdre.
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Netsah / Israël


Netsah / Israël

Le sale gosse de la Synagogue


Poissons
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2.Le discours de Jéricho. Tunisie
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4.Le carnaval de Venise. Italie.
5.1er Avril 2010 : Asile de corruption. Liechtenstein
6.La ballerine et le musicien. Autriche et Ukraine
7. Et d'autres...

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(Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Vide
MessageSujet: Re: (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]   (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Icon_minitimeDim 25 Avr - 15:58

Attentif, le petit brun observait le moindre geste, la moindre parole de son vis-à-vis, oubliant les odeurs des fleurs, le soleil réchauffant son visage, la douceur de l’herbe sous ses petits pieds. Les yeux grands ouverts, ce petit modèle de chaperon rouge perdu scrutait avec anxiété son hôte. Tiens, se disaient entre elles les femmes, que ce chaperon sans rouge était parfois adorable avec sa petite bouille implorante qui faisait fondre la plupart des grands-mères. Il suffirait d’un panier et de quelques victuailles pour que le conte prenne réellement forme. Cependant, nul besoin de chercher le loup, il rôdait toujours, voulant croquer cet enfant aux yeux si clairs, si grands.

Sir Loup prenant la forme des tempêtes de rage, interdiction, haut mur et grillage, interdit et outrage. Là, point de chasseur encore, si ce n’était l’espoir. Alors, il fallait fuir sans se retourner, sans pleurer. Car ce qui régnait encore un peu dans ses yeux bleus, outre la peur, c’était l’espoir, la volonté de retrouve un paradis perdu, une maison, un repos.

Loin du fracas des loups, loin des hurlements et de cette lune en forme de croix sous laquelle la plupart des loups commençait à se rassembler en meute, hurlant sur son passage, essayant de mordre ses jambes et de le jeter au sol pour qu’il parte vite. Toujours plus vite et loin.

Vers l’est, vers le soleil qui se lève, vers l’aube rose et jaune teintée de nuages si pâles et frêles, comme le corps du garçon.

Petit chaperon brun aux grands yeux bleus, dénué de rouge. Pour autant qu’on s’en souvienne, cette jeune Europe en faisait assez couler sans qu’il ait besoin de souiller un vêtement avec cette couleur parfois si agressive, si violente. Trop dure pour un enfant qui paraissait si jeune alors, les joues pleines des rondeurs enfantines, loin des formes presque adolescentes de l’enfant du conte.

« Je n’ai pas peur… » Aurait-il voulu dire, cet enfant sans terre et maintenant, sans peuple, ni famille. Pourtant, cette phrase bien que brave était fausse et, longtemps, le mensonge avait été prohibé chez lui, puni de quelques claques sur la nuque, de quelques remontrances aussi. Loin du rose et de l’or clinquant, c’était dans l’autorité et la sévérité qu’il devait vivre. Mensonge interdit, car dangereux, dangereux de mentir aux grands, de se croire plus futés que ceux-ci. Les Pierre qui pensaient ainsi avaient vite fini par désenchanter, leurs corps brûlant dans les gueules ouvertes des loups qui disaient racheter leur âme en agissant ainsi. Mensonge, mauvais présage, pêché, car leur Dieu avait pour nom vérité. Pourtant, loin de nier ce paradoxe, on insistait bien sur le fait que nul ne devait dire de vérité trop dure, surtout en ces temps où la solidarité du peuple se devait d’être grande.

Loin de s’intéresser à ce paradoxe, l’enfant remua les pensées qui germaient lentement dans son crâne de cheveux noirs ébouriffés. Comme les ailes sombres d’un corbeau du nord avec lesquelles le vent jouait, comme des racines entremêlées. Comme la surprise et la peur, ainsi que le secret espoir qui se mélangeaient. Puisqu’auparavant la main de l’inconnu avait touché la sienne, non pas pour la rejeter avec dégoût comme certains l’avaient fait avant, dont son propre frère qui n’avait pas daigné prononcer son nom. Cette main inconnue avait pris la sienne, geste simple et doux, qui surprenait autant Netsah qu’il le réjouissait. Un peu, juste un peu. Car qui savait encore si derrière les airs de doux chasseur à la blondeur des anges ne se cachaient pas un autre loup qui le croquerait sans hésitation. Pourtant, le petit chaperon brun sentait l’espoir, voulant y croire. Car, qu’avait-il sinon ?

Rien.

Rien, mis à part ce mensonge qu’il n’osait pas dire, baissant un instant son regard bleuté, nuancé de zone d’ombre et de honte. Puis, il sentit un poids plume se poser sur lui. Netsah toucha de ses deux mains ses mèches brunes et sentit la fleur, petit flocon clair et fragile sur masse de cheveux noires. Plus belle qu’une lune demandant aux loups de se lever sous l’étendard d’un Dieu jaloux qui ressemble au sien, plus brillante qu’une étoile qui n’exhausse jamais les souhaits. Brillante, comme cette journée, le soleil en haut qui réchauffait sans rien brûler.

Car, il savait que là-bas, des choses… et plus loin, dans cette ville que tous voulaient sans songer à la partager, on brûlait, combattait, tuait. Dans cette ville dont le nom devait évoquer la paix. Jérusalem. Murmure dans le vent, souvenir d’un moment de veuille dans les bras d’un homme le croyant endormi, capture de parole d’un enfant ne pouvait pas toutes saisir, toutes comprendre. Mais était-il vraiment enfant, ce petit chaperon brun avec ce visage maintenant qu’une surprise grave était gravée sur sa figure chétive ?

Doucement, le polonais s’écarta de lui. Eut-il était moins surpris, anxieux, moins terrifié par l’étrangeté de la situation, Netsah se serait précipité vers lui, l’aurait enjoins à ne pas le quitter. Là, il ne pouvait que rester figer, ressemblant à l’ancêtre d’un Bêta, l’air tout aussi béat. Que préparait maintenant l’énergumène blond derrière ses yeux brillants et le sourire qui naissait peu à peu sur son visage ?

« …Je sentais que tu allais venir…je t’attendais. Tu…tu es le bienvenu ici.»

La surprise fit grossir les prunelles bleutées, les faisant passer pour deux yeux globuleux d’un crapaud sur le point d’être capturé par un Francis affamé. Ces mots, étaient-ce la vérité ou un autre mensonge ? C’était… trop beau. Presque comme un rêve. Un vœu qui se réalise enfin. Son cœur s’agita, entamant un duo avec son estomac qui, inconscient de son indiscrétion continuait de gronder. Sa petite bouche s’agita, mélangeant les mots pour mieux rester close ensuite. Il ne savait pas quels mots choisir, ni dans quel but. C’était nouveau pour lui, ces mots, ce sourire d’un plus si inconnu que ça…

« Je suis Pologne…Et ça » (grand geste) « c’est mon royaume ! Tu aimes bien, c’est joli non ?...Mais tu peux aussi m’appeler Feliks, et toi ? Comment est-ce que tu t’appelles ?»

« Pol…Fel » Commença à prononcer l’enfant encore un peu intimité, avant de se rétracter. Non, il ne devait pas faire cela, il devait se présenter. C’était impoli de ne pas se présenter et s’il était impoli, il allait être grondé.

« Netsah, mon nom est Netsah… » Murmura-t-il, les joues rougies, les yeux allant de ses petits pieds à son interlocuteur. Il ne pouvait pas en dire plus, trop de timidité encore. Et ses petites mains maladroites, qui ne savaient pas où se terraient, où se perdre, ces mains aucun risque qu’elles puissent oser serrer l’inconnu. Du moins, pour l’instant. Brisant son silence, son estomac grogna de nouveau, encore plus fort que l’orque colérique d’un compositeur qui deviendra sourd et dont on doutera toujours de sa nationalité germanique (« Beethoven est allemand ! » « Autrichien ! »). Prêtant attention à la cacophonie qui troubla la scène, Feliks dit aussitôt :

« …et tu veux sans doute un truc à manger, non ? Allons chercher ça ! »

« Euh… bah… d’accord, enfin, merci, euh… »

Petit chaperon brun qui se trouvait incapable de faire une phrase complète, incapable de savoir que dire ou faire. Pour l’instant, il écoutait, dévorant des yeux ce nouvel ami qui voulait l’aider, non le fuir ou le chasser.

« Tu…tu veux venir ? Je peux y aller et te ramener quelque chose mais…»

L’enfant brun balbutia, des mots, des paroles, tressaillant au « je peux y aller ». Et si… et s’il avait changé d’avis et s’il en revenait pas ? Et si en chemin, il l’oubliait, petit enfant dans son propre monde, son propre conte, laissant soin au loup de dévorer le chaperon rouge perdu.

« Mais moi, j’aimerais que tu viennes… »

Il y a des mots qui vous font tellement de bien, vous procure tellement de soulagement qu’ils vous rendent muet, vous nouent la gorge et font sourire. En même temps. Petit enfant perdu qui, lassé de ne pas savoir, de cette masturbation intellectuelle qui lui donnait mal à la tête, Netsah avança, lentement, mais avec un sourire qui naissait au coin des lèvres.

« Tu viens ? »

En réponse, Feliks reçu une bombe brune aux yeux bleus, le serrant à la taille, ne voulant pas le lâcher. Sous aucun prétexte. Non, aucun loup derrière les yeux verts, derrière le sourire. Aucune lune tueuse, ni de cris ou de vague de rage. Seulement un enfant qui en serre un autre, à peine conscient des petites larmes qui commençaient à luire près de ses yeux.

« Oui ! »

Il s’accrocha de nouveau à la tunique, non plus avec le désespoir d’un enfant qui pleure, mais avec la naïveté et l’espièglerie propre à son âge apparent. Il redit plusieurs fois sa réponse, avec malice, avant de se détacher de son interlocuteur. Se baissant, il cueillit une fleur (toute bleue) et, à l’image de Feliks quelques instants plus tôt, essaya de la mettre dans les cheveux blonds, se hissant sur ses petits pieds de toutes ses forces. Finalement, ce fut le polonais qui baissa la tête, recevant une fleur d’un bleu pâle dans ses cheveux clairs. Comme les blés se mouvant sous la brise, comme le…

« Vos cheveux, on dirait le soleil, c’est tout brillant, brillant… »

Il toucha les cheveux pâles, doucement, prêt à retirer ses mains malhabiles si jamais le polonais en venait à se plaindre. Ce qu’il ne fit pas, laissant le petit toucher ses oreilles dissimulées sous la masse de cheveux doux. Netsah ne resta pas longtemps, enfant élevé dans un milieu parfois réservé, il y avait certaines choses qu’il pouvait se permettre. A condition que cela fusse court.

« Pardon… » Bafouilla le petit brun, avant de reprendre son sourire joyeux de calamité ambulante doublé d’enfant lunatique aux joues rougies.

« Dites, monsieur Feliks, est-ce que je peux vous tutoyer ? Rabbi, il dit qu’on peut tutoyer les goyim, mais à condition de les aimer très fort. Alors, dites, je peux, je peux ? »

Son ventre le ramena à la réalité, loin des préoccupations d’ordre orale. Il prit la main de son nouvel ami et demanda en désignant les maisons au loin :

« C’est là où vous habitez ? C’est beau… (Nouveau grondement de ventre) j’ai faim, très faim… Je mangerais même du porc, même si ce n’est pas bien. Parce que le porc, ce n’est pas casher, vous comprenez. Si je mange du porc, eh ben, Azrael, il va venir me chatouiller les pieds dans mon sommeil avant de m’emporter chez lui ! »

Il s’agita, mimant un démon emportant une pauvre âme punie pour avoir mangé du porc ou du lait et de la viande dans un même repas. Bien entendu, son imitation était brouillonne ressemblant plus à un jeu d’enfant qu’à une scène de punition surnaturelle. Netsah n’était pas Molière et sa scène n’avait rien à voir avec la fin d’un Don Juan pêcheur et donc condamné à l’enfer. Pris dans son élan, il chuta encore une fois, pris de maladresse, mais la douleur fut moins forte et lorsque Feliks le rejoignit, il le contourna pour jouer, se plaçant derrière lui en lui demandant d’un ton gamin :

« Je peux monter sur le dos ? Je peux, je peux ? »

Et tandis qu’il essaya de grimper sur le dos de son polonais préféré de tous les temps (comment ça, il ne connaissait que celui-là ?), un homme arriva, tout essoufflé d’avoir couru, regardant d’abord un Pologne au sourire moins grand, puis, lui.

En voyant son regard, Netsah se cacha derrière Feliks, tâchant de se dissimuler du mieux qu’il le pouvait.

« C’est qui le monsieur… ? Fais peur… »

A peine sa phrase achevée qu’il colla son visage sur la tunique blanche, sur le dos de Pologne, sa petite main allant tenir celle du polonais, fort, très fort. Pour ne pas le perdre. Puis, Feliks commença à marcher, suivant l’homme. Tout en ne lâchant pas Netsah qui se colla davantage contre lui. Tant et si bien que le blond s’arrêta, s’agenouilla à terre, permettant à Netsah de grimper sur son dos, laissant ses bras maigres entourés le cou du jeune garçon, ses jambes elles, étaient tenues par Feliks. De loin, on les aurait pris pour deux frères, le grand aidant le petit, sous le regard impénétrable d’un tuteur lassé de devoir toujours courir après les deux garnements. Des frères s’aidant et s’aimant, l’un protégeant l’autre. Voilà de quoi ils avaient l’air, à se sourire mutuellement, comme si ne rien n’était. Voilà ce que serait maintenant Feliks pour Netsah. Tout en espérant que cela fusse pareil pour le polonais.

Spoiler:
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(Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Vide
MessageSujet: Re: (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]   (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Icon_minitimeLun 26 Juil - 19:59

Tu viens… ? La question qui ne permettait plus de reculer, plus d’hésiter…Cette main, c’était lui qui l’avançait, qui prenait le pas en avant…Mais à quel prix ? La conscience de ce qu’il faisait l’engloutit comme un coup de poing en plein estomac, comme si on avait, pendant quelques instants, coupé sa respiration et il venait d’inspirer de nouveau, sentant l’oxygène glacial brûler en inondant ses poumons. Mais il n’avait pas peur. Non. Même si ce qu’il était en train de faire allait…allait peut-être…

Pas peur ! Parce que là, ce qu’il faisait, ça ne revenait qu’à lui, ne concernait que lui !
Tendre la main, à une nation nomade, au Dieu différent…aux sonorités étrangères qui faisaient écho dans les parois de sa tête.

Netsah…C’était un beau prénom…aux sonorités qui semblaient douces et fluides comme le lait et le miel…
C’était un nom qui semblait aller loin, très loin, bien au-delà de ses propres frontières, de toutes les frontières.
Le garçon avait eu du mal à prononcer le prénom du polonais ; peut-être plus sous l’effet de la timidité et de la peur qu’autre chose. Feliks en était fier, de ce nom. Il était d’origine latine, ce qui, dans son esprit d’enfant encore tout récemment converti, voulait dire que c’était un bon nom. Un bon nom, pour un bon chrétien. Enfin. Il espérait. Il se demandait encore s’il ne serait pas foudroyé sur place pour son arrogance, sa défiance, son…
…Hospitalité ?

Feliks se demandait si c’était déjà réellement le terme à utiliser…Car lorsque, à ces mots, le petit brun avança avec un grand sourire naissant aux lèvres, comme un papillon écartant pour la première fois ses ailes, le polonais ne fut s’empêcher de penser qu’il y avait là bien plus que la simple charité…
Non…c’était bien plus, déjà…Déjà, par ces mots s’envolant de lui de manière impromptue, il savait qu’il avait commencé quelque chose.
Un ami…
Etait-ce bien cela ?


Pologne n’eut pas le temps de méditer davantage dans sa petite tête d’enfant. Car Netsah ne lui laissa pas le temps. Il se jeta sur lui tel un boulet de canon, manquant de le faire tomber à la renverse. Il lâcha un souffle surpris, ébranlé, ses yeux verts clignant sous le choc. Il sentit des petits bras le serrer fort…très fort…comme si il était un rocher dans une tempête et qu’il ne fallait surtout, surtout pas le lâcher. Feliks resta un moment interdit devant cette réaction soudaine. Réaction enfantine, pleine d’amour et de bonheur.
C’était tout. C’était tout ce qui lui fallait pour se dire…
Oui. C’est bien cela.
Le polonais sentit une boule dans sa gorge, en laissant Netsah se serrer contre lui. Personne ne l’avait foudroyé. La nature continuait à s’agiter doucement autour d’eux. Il laissa échapper un petit rire, doux et tintant, le sentant vibrer dans son corps, le remplissant le lumière, de légèreté. Une main sur la tête de Netsah, un sourire calme aux lèvres, et le regard, bien au-delà, au-delà du ciel.

Rien.
Je ne regrette absolument rien.

"Oui !"

L’intonation enfantine et espiègle le fit baisser les yeux vers Netsah, qui s’agrippait à sa tunique, un air malicieux dans le creux de ses joues. Oui. Oui. Oui. La réponse, maintes fois répétées par Netsah, maintes fois entendue par Feliks…Ou est-ce qu’elle était juste en train de repasser cent fois dans sa tête ?
Puis, doucement, il se sépara de lui ; le polonais allait le retenir d’un geste de la main, mais s’en retint juste à temps ; le rouge lui monta aux joues, devant cet instinct possessif. Comme un grand frère qui veillait sur le plus petit. Pourquoi ? Il y a quelques instants, c’était visiblement Netsah qui craignait d’être séparé de lui et dépendait de lui. Mais lui…Il regarda en silence la petite frimousse d’enfant, sa petite silhouette qui cherchait quelque chose dans l’herbe. Il avait déjà l’air un peu…différent. Comme un enfant de son âge devrait être.
La cause de ce changement subtil le frappa.
Il n’a plus de raison d’avoir peur.

Feliks regarda la fleur bleue cueillie entre ces petites mains encore toute potelées par l’âge.

Le petit frère imite le grand frère.
Oh ! Non. Lui ne l’avait jamais connu…Il n’avait jamais eu de ‘famille’ à proprement parler. Dans la grande famille des slaves, il venait d’une branche éloignée de celle de ses voisins.
Il l’avait juste vu. De loin. Observant les habitants de son pays, du haut de son arbre. Le petit qui marchait encore avec un peu d’instabilité, essayant d’imiter la démarche du plus grand, avec un petit air fier. Cela lui faisait toujours rire, en le regardant trébucher et vaciller mais continuant avec un air déterminé.
Il n’avait plus envie d’en rire, en voyant le même petit air déterminé alors que Netsah essayait de lui mettre la belle fleur dans ses cheveux. D’un azur pâle et délicat, comme le ciel du matin, léger comme un songe. Comme son regard.

Le même geste. Etrange…vraiment étrange…quand maintenant, c’est ça qui lui arrivait…à lui… !
Mais il était encore trop petit, et se mettait sur la pointe des pieds pour l’atteindre.
Feliks sentit la boule dans sa gorge être remplacé par une furieuse envie de rire, tant les efforts du petit l’amusaient. Pas de manière moqueuse, comique…mais il faisait juste tellement plaisir à voir ainsi. Le petit polonais avait soudainement envie de le serrer à son tour dans ses bras en riant ; or, d’un air à la fois légèrement espiègle et doucement solennel il baissa la tête afin de laisser Netsah le couronner.
Oui, c’était comme un couronnement, alors qu’il sentait les pétales légères effleurer ses cheveux…

« Vos cheveux, on dirait le soleil, c’est tout brillant, brillant… »

Levant les yeux sous les rideaux de cheveux soyeux tombant sur son visage, il vit le regard fasciné du jeune enfant, alors qu’il caressait la surface lisse et soyeuse. Cela ne gênait pas Feliks…bien au contraire, cela avait un rythme apaisant…Comme le soleil… ? On lui avait souvent dit qu’il avait une chevelure d’ange. Il faisait tout pour ; le garçon aimait bien prendre soin de son apparence…Il était déjà un peu coquet pour son âge…et adorait les compliments ! Les plus nombreux et les plus élaborés, le mieux.
Mais le compliment en soi, cette fois, ne lui était pas précieux. C’était la voix qui le prononçait.
Les petites mains touchèrent ses oreilles, le chatouillant ; puis, se retirant d’une manière hâtive, pudique.

« Pardon… » Même cette bouille timide, aux joues rouges, était agréable à regarder ! Feliks frôla d’une main délicate la fleur dans ses cheveux, et eut un grand sourire. Eclat de fierté. Elle lui allait très bien. Il dévisagea Netsah d’un air surpris.

« Il n’y a rien à pardonner. » Posant sa main sur sa tête et le frottant affectueusement, quelques instants. «Merci. Elle est très belle ! »

Quelques instants, juste le temps de voir le petit quitter son air gêné et arborer une frimousse des plus espiègles…La peur et la timidité passée, il était en réalité bien actif ! Tournoyant et turbulent, les mots sortant allègrement de sa bouche d’enfant.

« Dites, monsieur Feliks, est-ce que je peux vous tutoyer ? Rabbi, il dit qu’on peut tutoyer les goyim, mais à condition de les aimer très fort. Alors, dites, je peux, je peux ? »

Son cœur se serra un peu. Goyim. Ce mot étrange lui rappelait à quel point leurs cultures étaient différentes. Et avec un autre serrement, cette fois au ventre, Feliks s’aperçut qu’il ne s’était même oas posé la question, en ce qui concernait vouvoyer ou tutoyer le garçon. Certes, il ne tutoierait peut-être pas quelqu’un ayant quelques années de moins que lui…Mais il avait la désagréable impression que si Netsah avait été l’aîné, son vouvoiement serait le même. Parce qu’il était un…goyim. Feliks ne connaissait pas le mot, mais comprenait tout de suite le sens. Une colère coupable l’envahit. Lui, petite nation, se faire vouvoyer par un plus jeune parce qu’il était chrétien ? Non. C’était autre chose. Car il était étranger. Etranger à la culture, à la société de Netsah…Le vouvoiement n’était pas que le respect imposé. C’était la distance.
Etait-ce possible ? D’écarter cette distance ?

A condition de les aimer très fort…

Feliks n’eut pas le temps de répondre qu’un grognement sourd, celui d’un estomac affamé, provoqua de nouveau les paroles de Netsah, lui prenant la main, montrant du doigt des toits familiers.

« C’est là où vous habitez ? C’est beau… (Nouveau grondement de ventre) j’ai faim, très faim… Je mangerais même du porc, même si ce n’est pas bien. Parce que le porc, ce n’est pas casher, vous comprenez. Si je mange du porc, eh ben, Azrael, il va venir me chatouiller les pieds dans mon sommeil avant de m’emporter chez lui ! »

« Oui…?»

Non, il ne comprenait absolument pas. En réalité.
Goyim…casher…Azrael…
Ces mots étrangers qu’il essayait d’absorber, d’un air un peu ébahi…Le regardant faire le fou en silence, pendant quelques moments.
Ces mots qui lui disaient : tu vas devoir t’y adapter ! Tu ne peux pas le plier à ta manière de voir.
Est-ce que tu en est capable ? De l’accepter, sans le changer ?
D’assimiler sa culture, sans l’annihiler ?
Mais est-ce qu’il en était tout simplement capable ?

Il pensa distraitement, en essayant de décrypter clairement la saynète « Azrael emporte un pêcheur », Et le poisson ? Il aime le poisson ? Et les autres viandes ? J’espère que ça ne lui posera pas de problème quand il reste chez moi.

S’il peut rester.
Cette dernière pensée, murmurée dans sa tête par une petite voix perfide, le glaça.
Puis, soudain, Netsah trébucha et chuta et Feliks n’y accorda plus une pensée, accourant vers lui avec un air inquiet. Ouf, non, il n’avait rien.
La petite voix revint. Tu vois…ça va être compliqué.
Une responsabilité en plus.

« Le diable ne va pas te chatouiller. Ca, je m’en chargerai très bien tout seul, déjà ! » déclara-t-il en marchant vers lui d’un pas plus lent, avec un sourire malicieux sur sa figure d’ange, ses yeux verts scintillant d’un air expressément diabolique. Il eut à peine le temps de le rejoindre, cependant, lorsque Netsah le devança et alla derrière lui, rapide comme l’éclair.

« Je peux monter sur le dos ? Je peux, je peux ? »

Le ton enfantin et joueur fit encore sourire Feliks. Ma parole, il tenait en place autant que lui…donc, absolument pas du tout!

« Mais quel petit chenapan tu fais ! D’accord, d’accooord…quelques tours, hein ? » souffla-t-il avec un air faussement épuisé, les mains écartées en signe de défaite. « Mais tu dois absolument me tutoyer ! Si tu m’aimes très fort... Tu ne peux pas monter sur mon dos ET t’adresser à moi comme à un grand seigneur !»

Il décida d’attendre encore un peu avant de s’accroupir pour le laisser monter, tant ses efforts l’amusaient ; riant devant ses efforts inébranlables, décidé à partir au pas de course jusqu’au fond de la plaine, puis de faire semblant de tomber pour lui faire une grosse frayeur (ce qui lui vaudrait sans doute un tourment sans fin de la part du petit chenapan hyperactif sur son dos) et puis ensuite il faudrait quand même retourner au château et…et…Son sourire s’effaça, petit à petit, alors qu’une silhouette familière se profilait à l’horizon. Son tuteur se dirigea devant lui d’un pas décidé ; mais son regard désapprobateur était fixé autant sur lui que sur Netsah. A mesure qu’il s’approchait, son expression semblait empirer. Feliks se tourna vers lui ; il pouvait à peine le voir, emmitouflé comme il était dans les pans de sa tunique.


« C’est qui le monsieur… ? Fais peur… »

Il pouvait à peine entendre cette petite voix apeurée ; le polonais le sentit fourrer son visage dans le dos de sa tunique, cherchant à tout prix à se cacher. Pologne haussa légèrement un sourcil, un sourire revenant sur son visage ; celui-ci ressemblait plus à un rictus diabolique qu’au sourire bienheureux qu’il affichait tout à l’heure. Sourire se voulant moqueur et audacieux, mais les grands yeux verts qui fixaient le précepteur étaient devenus plus froids. Par contre, ses joues le brûlaient, arborant une teinte écarlate.

« Oh…ça, c’est un rabat-joie qui est parfois censé s’occuper de moi. Ne t’inquiète pas,» dit-il d’une voix nonchalante au petit juif, avec un rire au fond de sa gorge.

Mais il glissa sa main dans celle de Netsah rapidement, et la serra peut-être un peu plus fort que nécessaire. Et cette voix tremblait un peu…un tout petit peu.

« Monsieur Lukasiewicz, n’empirez pas votre cas. »

« Et ça, c’est mon nom, Netsah… ! Ah, tu ne m’as pas dit ton nom ! »

L’homme regarda Netsah, à peine visible et semblait prêt à s’enrouler dans un coin en se mettant la tête entre les mains. « Vous n’allez quand même pas l’—«

« Si! » coupa Feliks, devinant la fin de la phrase et sachant bien que ce n’était pas censé être une question. S’ensuit une série de menaces en mime, de phrases prononcées dans un dialecte polonais incompréhensible et plusieurs grimaces (celles-ci venant surtout de Feliks). Ils se mirent enfin à marcher. Le tuteur se contenta de jeter des regards noirs derrière lui, puis de soupirer. Feliks avait aussi envie de soupirer. Ses pas lui semblaient lourds. Trop lourds. Comme s’il se traînait dans la boue. Sachant qu’il ne faisait que gagner un peu de temps…

Il déploya des efforts surhumains afin de maintenir un ton qui, lui, était aérien et futile.

« Nous avons vraiment faim ! Qu’est-ce qu’il y a à manger ? Du poisson ? J’adore le poisson ! Hein ? Ca fait longtemps qu’on n’en a pas eu !»

« Je pensais que c’était le porc, votre viande préfér-- »

« Bah oui, aussi ! Mais pas tous les jours ! Netsah, tu préfèrerais du poisson toi non ? »

Il ne répondait pas, encore impressionné.
Lourd. Trop lourd. Netsah s’agrippait à lui et l’effort en plus de le traîner derrière lui lui donnait l’impression d’un boulet de canon…
Responsabilité. C’était bien ça ?

« Arrêtez…» Sa voix sortit en un souffle, s’arrêtant d’un coup. Le tuteur se retourna, intrigué.

« Tu ne voulais pas que Netsah marche derrière moi c’est ça ? Alors…» Il eut une mine de martyre. « Je n’ai pas le choix ! » L’aîné n’osait à peine y croire, joignant les mains avec une expression de béatitude. Feliks tira soudainement la langue. « Hé ben oui ! Il va monter sur mon dos à la place! »

Tandis que son gardien se remit à maudire ceux qui l’avaient mis en charge d’un pareil garnement, Feliks s’agenouilla doucement, retirant calmement sa main de celle de Netsah afin de lui permettre de grimper sur son dos. Il était quand même bien lourd pour lui ! mais Feliks ne dit rien, agrippant fermement les deux petites jambes et laissant les bras enserrer son cou. Puis, une lueur de malice illuminant de nouveau son visage, alors qu’il se jeta en avant, courant aussi vite qu’il le pouvait, sentant le vent siffler contre ses oreilles, entendant un cri à la fois apeuré et émerveillé derrière lui, les bras se serrant plus fort. Le blondinet tourna légèrement la tête et lui offrit un grand sourire.
Plus léger.

« Accroche-tooi, je vais plus vite ! »

Le gardien courut après eux, déjà bien essoufflé. Feliks avait la respiration un peu saccadée déjà, les joues toutes rouges et les cheveux en bataille, mais il n’en avait rien à faire.
Il avait également conscience de s’approcher de plus en plus rapidement de ce qui allait peut-être signifier…se séparer de lui. L’étau se resserra autour de son coeur, prêt à le faire éclater.
Mais cela ne servait à rien de fuir.
Il fallait l’affronter…non?

Des sentiers en terre battue, ils arrivaient aux rues pavées, et le polonais ralentit tentativement. Son supposé protecteur le rattrapa et le dépassa, marchant devant. Il entendit son murmure en passant. ‘C’est maintenant ou jamais.’ Il regarda Netsah, effaçant l’expression un peu inquiète qui était apparue sur son visage.

« Mmm ! Je sens la nourriture d’ici ! Pas toi ? »

Il aurait tant voulu lui tenir la main, mais en lui tenant les jambes, c’était impossible…Il ne pouvait pas à la fois le soutenir et le rassurer ainsi.

« Dis-moi quand tu veux descendre. Mais… » Il hésita, et son ton se fit plus féroce qu’il n’aurait voulu. « Mais ne me lâche pas. Reste bien à côté de moi ! » Non, il ne pouvait pas entièrement cacher l’inquiétude dans sa voix ; lui-même la sentit, et lui donna un sourire qu’il espérait rassurant. Le tremblement dans ses mains…est-ce que le petit brun pouvait le sentir ?

Est-ce que j’ai fait une erreur ?

Est-ce que je devrais…le cacher ?
Mais non…on ne peut pas vivre ainsi…
Il eut une vague de nausée.
C’est comme ça qu’il a dû vivre. Beaucoup.

Quelque chose le fit lever la tête, fièrement, un air de défiance brûlant dans ses yeux verts. Et il suivit l’homme calmement à travers la ville. Ne manquant pas de sourire son plus beau et adorable sourire aux gens qu’il croisait. Ceux-ci semblaient éblouis par sa prestance angélique ; leurs regards étaient plus intrigués qu’hostiles, en posant leur regard sur Netsah. Feliks était lentement en train d’étouffer tant celui-ci s’aggripait fortement, mais n’en dit rien. Il ne savait que ressentit – l’amener ainsi le rendait coupable de l’exposer aux autres, mais…il s’en serait voulu de le cacher dans un coin, comme un être honteux.

« Tu…vas voir…ma maison est vraiment magnifique ! Oh ! Elle est déjà là ! Regarde !»

La grande bâtisse en pierre se dressa en effet devant eux, resplendissante et fière découpée contre le ciel clair…Sa beauté simple et solennelle lui firent presque oublier toutes ses anxiétés, oublier la responsabilité et la culpabilité lui tordant le ventre. Oh ! Et il y avait, devant la porte, parlant avec son gardien, le prêtre de la chapelle…Il lui fit un signe de main, tout content. A ce moment une nouvelle tension palpable dans le corps de celui qu’il transportait lui rappela soudain dans quelle genre de situation il s’était fourré.
Il ne voulait pas fuir devant un homme d’Eglise !
Mais…Netsah avait l’air apeuré…
Aah ! Que faire ?

Il avait l’impression d’avoir l’esprit vide. Réfléchis, prends une décision !
C’est toi qui es censé être le grand frère, là !
Cette pensée le réveilla quelque peu et c’est avec un grand sourire qu’il continua à avancer vers la porte, les saluant de loin, puis à la dernière minute bifurqua vers une petite allée. Contournant le mur, ils furent bientôt accueillis par le bruit des volailles picorant dans la basse-cour du château. La petite porte en bois était grande ouverte. Feliks fit descendre son ami et le tint fermement par la main, se glissant à l’intérieur. Ce n’était qu’une salle annexe à la grande cuisine, et il s’avérait être l’heure du repas, donc elle était, à son grand soulagement, déserte. Le polonais faufila jusqu’à un placard en bois et se mit à en sortir quelques miches de pain, différents types de viande préparés sur un plateau en bois…Manifestement, grignoter dans la cuisine était plus selon ses habitudes que les banquets solennels.

« Bien ! Préparons-nous un petit festin, avant toute chose ! » dit-il d’un air exagérément ravi, comme s’il n’avait pas mangé devant trois jours. Ce qui, il se dit soudain, était peut-être le cas de Netsah…Non, pas trois jours mais…assez longtemps pour être affamé. Ce n’était qu’un enfant. « On visitera le château après ! » Il y avait une petite niche en pierre dans le mur juste assez grande pour eux deux et il s’assit d’un coup. Il se mit à prier silencieusement avant de manger, les yeux fermés, ses sourcils froncés dans une attitude concentrée. S’apercevant avec un sursaut qu’il tenait encore d’instinct la main de Netsah et se demandant si ce n’était pas une mauvaise chose de tenir la main à un juif en…Bon. Au point où il en était…Dieu devait déjà l’avoir foudroyé environ une vingtaine de fois. Mais ne l'avait pas fait. Il tripota la croix en bois autour de son cou et ouvrit les yeux. Est-ce qu’il entendait des bruits de pas ? Non. C’était juste l’agitation habituelle du château. Même si on ne tarderait sans doute pas à le retrouver. Et alors…alors quoi ? Il serra doucement contre lui. Sa tête encore légèrement inclinée alors qu’il avait fini de prier faisait tomber ses cheveux, cascade claire cachant son visage. La fleur bleue demeura là, sereine…

« Tu as du avoir très peur...je suis…désolé…» Sa voix semblait à bout de souffle. Mais relevant d’un coup la tête, il lui donna un sourire aussi éclatant que s’ils étaient encore en train de jouer, à eux deux, sans le monde compliqué des adultes pour les embêter.
Bien. Ne pas l’inquiéter avec ça. Changer de sujet.

« Hé ! Mange donc ! Je n’ai pas mis de porc. Heu…le poulet, c’est ash…ca…ca-sherr ? Je vais te couper du pain !» Feliks s’affaira autour du plat de Netsah, et lui aurait fourré lui-même des grands morceaux dans la bouche s’il n’était pas certain de ce que le petit juif avait le droit de manger ou non. Dans ce petit intervalle béni, intervalle de tranquillité à l’abri des regards, Feliks développait bien à son insu une attitude de maman poule. Il ne savait si ce moment pourrait durer bien longtemps. Tôt ou tard, il faudrait ouvrir cette porte donnant sur le grand hall. A moins que l’on les débusque d’abord.

Mais il ne voulait pas livrer Netsah à ces regards étrangers…pas s’il n’était pas lui-même prêt à les confronter. Feliks se rendit compte de la grande naïveté dont il avait fait preuve. Mais à chaque fois que cette émotion arrivait, elle était submergée par une vague de défiance.

J’ai raison.
Dieu est avec moi
Et Netsah.
Et pour l’instant, c’était tout ce qui comptait à ses yeux.
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Netsah / Israël


Netsah / Israël

Le sale gosse de la Synagogue


Poissons
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RPs en Cours : 1.la malédiction du golem. Autriche
2.Le discours de Jéricho. Tunisie
3.Petit air de paradis... Pologne
4.Le carnaval de Venise. Italie.
5.1er Avril 2010 : Asile de corruption. Liechtenstein
6.La ballerine et le musicien. Autriche et Ukraine
7. Et d'autres...

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(Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Vide
MessageSujet: Re: (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]   (Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah] Icon_minitimeJeu 23 Sep - 18:54

Peur. Malgré les paroles, les gestes, la lueur dans les grands yeux verts, sa plus vielle compagne tordait encore son ventre, lui susurrant des phrases pleines de fiels, lui rappelant sans arrêt ce qu’on lui avait fait, les traces sur son corps qu’il gardait bien à l’abri. C’était un secret, se disait-il, c’était un secret qu’il pouvait ressentir la douleur des vivants, un secret qu’il se rappelait de chaque parole dure, de chaque geste violent accompagnant des regards haineux. Et cette voix en lui qui disait toujours qu’il n’aurait jamais de chez lui, jamais…

Pourtant, Netsah désirait croire, s’accrochant tant bien que mal, gardant dans sa main la chaleur que les autres lui donnaient de temps à autre, sans même penser à la lâcher une seconde. La main de Pologne, il aurait voulu la tenir jusqu’à la fin et lorsque Feliks le hissa sur son dos, l’enfant se cramponna au cou du polonais comme surpris, oubliant que c’était lui qui avait demandé à s’y installer, à l’image des autres frères. Pourtant, le petit blond ne dit rien et couru, ce qui donna à l’enfant l’impression fugace que quelque chose en lui remontait de ses tripes, allant jusqu’à ses lèvres sèches, quelque chose qui se transforma en cri.

Cependant, ce n’était pas un cri pour exprimer sa peur, non, c’était… de la joie. Les pieds du polonais foulaient l’herbe, foulaient les pavés. Les regards braqués sur lui se firent sentir et Netsah ferma les yeux. Il ne voulait pas voir, ne voulait plus sentir la morsure des regards. L’enfant voulait continuer à croire que Feliks et lui… qu’il pouvait...

Et avant de savoir correctement assembler les mots, il reçut un coup en plein cœur, coup qui lui paru si fort sans être vraiment froid ou douloureux.

Ne me lâche surtout pas.

C’était à la fois une demande et un ordre. Lorsque l’enfant le reçut, il hésita un instant avant de murmurer un « D’accord » timide, ses yeux à demi-fermés. Il n’y avait pas de haine, ni de rancœur dans cet ordre à peine voilé venant d’un étranger qui n’avait plus d’étranger que le nom et le costume blanc et rouge. Pour l’instant, Netsah ne voulait pas descendre et encore moins s’éloigner

Ne me lâche pas. Cela ressemblait presque à « reste avec moi ». L’enfant eut envie de sourire, envie de pleurer, hurler comme cette voix qu’il sentait au fond de lui sans pouvoir clairement la définir. Il baissa un instant les yeux, les fermant de nouveau, le vent le frappant trop fort et pendant un bref moment, il eut le tournis. Tout allait trop vite, il se sentait fatigué tout à coup. Ce qui l’obligeait à s’agripper davantage au jeune bond, comme un petit bébé à sa maman.

Reste avec moi.

Ces mots là, Feliks les lui avait presque dit, presque…

Avec un sourire, il le sentait en réécoutant la voix dans ses souvenirs… un sourire…

« Tu…vas voir…ma maison est vraiment magnifique ! Oh ! Elle est déjà là ! Regarde !»

La petite tête brune se releva, les yeux bleutés s’ouvrirent brusquement, comme pour mieux observer, les lèvres remuèrent sur le coup de la surprise.

« Oh ? Ah… c’est ça, ta… ? »

Commença Netsah en désignant la grande maison en pierre sans finir, se coupant soi-même dans son propre élan. Il ne devait pas poser de question stupide, il ne devait pas, sinon Feliks allait le gronder, sans doute aussi le punir. Cependant, elle était si grande sa maison, si belle aussi en quelque sorte. Pourtant, il en avait vu des maisons, celle-ci avait quelque chose de spécial qu’il ne savait pas définir. Quelque chose que n’avaient jamais eu les autres. Celles qu’il n’avait pas le droit d’y aller, pas le droit d’y habiter.

« Est-ce que je pourrais vivre a… aah !»

Sans le faire exprès, son « avec toi » se mua en une exclamation craintive, en un instant de panique totale. Là devant eux, devant la bâtisse se tenaient deux hommes. L’un était le tuteur de Pologne, l’autre, Netsah le connaissait sans l’avoir vu une seule fois. Il n’en avait pas besoin, non, il n’avait pas besoin de connaitre un de ces hommes en noir ou rouge et blanc pour savoir qu’ils portaient la croix, pour savoir les mots qu’ils pouvaient lui cracher aux visages. Les sanctions, les réprimandes, le fer et le feu sur sa nuque qui lui paraissaient si proches, si proches tout à coup.

Lorsqu’il avait fuit à l’est, c’était pour ne plus en voir, pour ne plus supporter les clameurs d’une croisade, la montée de la haine, les crises de rage qui le laissaient sans voix, tout en lui apportant peur et douleur. Alors, pourquoi… ?

« Oh non… pas ça, pas ça… » Psalmodiait-il en tremblant, en s’enfouissant le visage contre Feliks, sentant le cou, sentant les cheveux sans se sentir rassurer, se retenant presque de respirer, d’éternuer, de simplement ouvrir les yeux. Non, il ne fallait pas les ouvrir, pas tant que l’autre serait là. Cet homme qui le détestait sans le connaitre, rien que pour ce qu’il représentait pour lui.

« Veux pas…veux pas… »

Mots jetés au vent, mots qu’il glissait sans y prendre garde à l’oreille du polonais, n’hésitant pas à serrer son cou fort, si fort qu’il aurait pu facilement l’étouffer. Il avait si peur, si froid. Ses membres tremblaient et un étau serra sa gorge, comme une envie de pleurer.

Veux pas, veux pas…

C’était presque une prière, une parole qui lui venait parfois, souvent ces temps-ci, le tourmentant lorsqu’il sentait venir les nuages noirs, la peine et le feu. Cette lune en forme de croix qui appelait les loups à le mordre. Cette croix portée par un frère, par Feliks aussi, même si Netsah n’avait pas fait le lien et ne voulait pas le faire, parce qu’il ne voulait pas perdre ce qu’il venait à peine de recevoir.

Loin de laisser sa prière de côté en rejoignant le prêtre, Feliks changea de direction. Netsah le sentit clairement : le mouvement brusque failli le faire basculer en arrière tout en lui arrachant un vague cri. Il ne s’y attendait pas, alors, il releva rapidement sa bouille brune, observant la scène, le paysage. Devant lui, les poules picoraient le sol, les poussins, une basse cour, le gris des pierres, le brun du bois et aucun homme qui lui voulait du mal. Aucune croix. Hormis celle entourant le cou de Feliks et dont Netsah ne souhaitait pas penser.

L’enfant lâcha un peu prise, conscient d’être en sécurité (Feliks était là, Feliks ne l’avait pas abandonné…). Il regarda autour de lui, puis se frotta les yeux avec ses petites mains, des pellicules de poussière s’y étaient faufilés, les piquants un peu. Et le vent qui ne cessait pas de le taquiner en lui caressant le visage, les joues comme un voleur emportant ce qu’il avait sur le cœur. Tel Feliks lui faisant oublier la peur. Doucement, le polonais le fit descendre de son dos, doucement pour qu’il ne se blesse pas. Une fois à terre, Netsah suivit Feliks, main dans la main, pour préserver un lien aussi tenu que récent. Fragile petite flamme dans le noir.

Lentement, Feliks ouvrit la porte qui les mena à une pièce déserte. Pourtant, le premier réflexe que le petit brun eut fut de se mettre derrière son ainé, comme si une personne allait franchir la porte d’en face pour mieux hurler, frapper et briser ce rêve inespéré.

« … Il n’y a personne, vraiment ? Je veux dire… personne ne va… »

Quelques mots balbutiés avec effort, mouvements encore trop raidis par la peur. C’en était presque gênant parce que Feliks ne semblait pas effrayé, il semblait à l’aise. Alors, une fois de plus, Netsah resta bouche close devant son ami en train de préparer un repas, sortant miches et viandes du placard sur plateau en bois. Ce qui réveilla son ventre pourtant endormi quelques instants auparavant, faisant des bruits qui l’obligea à y poser sa main. Des mots s’échappèrent de ses lèvres :

« M… Feliks… »

Comme s’il avait entendu son appel, le garçon blond se retourna, lui offrant son plus beau sourire tout en disant avec une joie manifeste : « Bien ! Préparons-nous un petit festin, avant toute chose ! » Netsah répondit par un instant de silence surpris qui explosa bientôt en un cri simple et ravi : « Oui ! Oui ! J’ai faim, j’ai faim ! »

Il leva les bras sautant autour de Feliks, tapant dans ses mains en répétant encore et encore « Oui ! Oui ». C’était un enfant, vêtu de brun et de bleu, les cheveux ébouriffés, les joues rouges à force de parler, de rougir, de bouger. Les yeux vifs et joyeux, son rire comme une étincelle qui ne s’étendrait jamais. Le polonais le calma, lui désignant une niche en pierre où Netsah s’installa. Petit diablotin faisant acte d’obéissance, avant de recommencer à faire des bêtises, à s’amuser. Le sourire encore sur ses lèvres, les yeux braqués sur Feliks qui recommença à parler.

« On visitera le château après ! »

« Oui, oui ! » S’exclama l’enfant avant de se taire, de repenser au prêtre, à la croix, à ces regards qui l’avaient dévisagés, au tuteur qui l’avait froidement regardé. Comment réagirait le roi, celui de Feliks et des autres ? Comment réagirait-il ce roi d’un royaume où une seule personne avait voulu lui tendre la main, lui donner une fleur, des sourires, une chance ?

Et si tous réagissaient de même, devrait-il à nouveau parcourir les routes ? Il était si loin des siens… que ferait-il seul ? Comment pourrait-il survivre tout seul alors qu’il avait déjà bien du mal à le faire entouré des personnes qu’il aimait ? Lentement, Netsah baissa la tête, croisant et décroissant les jambes. Assis sur la niche, il ne touchait pas le sol tant il était petit, si petit à cette époque, si menu aussi. Pas assez de nourriture, pas assez de sommeil parfois, souvent malade, fiévreux. Parce que la douleur des uns et des autres le touchaient et qu’elle avait des conséquences sur lui, son corps, son âme.

Comme conscient de sa tristesse, Feliks s’asseyait à ses côtés, lui reprenant la main comme tout à l’heure, ce qui eut pour effet d’attirer le regard de l’enfant, de chasser les idées noires. Non, il ne devait pas être triste, pas maintenant qu’il avait Feliks, qu’il allait bientôt manger. Puis, le polonais ferma les yeux, fronça les sourcils, sa main libre esquissant un signe que Netsah connaissait que trop bien. La croix, encore elle. Un autre, il s’en serait écarter, il aurait fuit, fuit jusqu’à être assez loin à son goût pour pouvoir de nouveau respirer, loin du danger et des autres.

Mais… se disait-il, c’était Feliks. Feliks qui ne l’avait pas encore abandonné. Pourquoi voudrait-il le laisser maintenant ?

Alors, Netsah fronça à son tour les sourcils, essayant de prier lui aussi. C’était un étrange spectacle de ces deux enfants réunis qui priaient un dieu différent et si semblable à la fois. Paisiblement, Netsah murmura les prières habituelles, celles où il remerciait son dieu pour le repas, pour la vie qu’il lui avait offerte. Tout en ajoutant un autre merci, celui pour lui avoir fait rencontrer Feliks, lui demandant même de le protéger. Lui qui lui avait tendu la main, Netsah lui devait bien ça. Et son Dieu si bon ne pouvait n’être que d’accord avec lui… n’est-ce pas ?

« S’il te plait Seigneur, Feliks est si gentil avec moi… protège-le s’il te plait. » Termina-il dans une langue que lui seul pouvait comprendre, cet hébreu qu’il avait parfois du mal à prononcer, la langue que lui avait appris sa mère dès qu’il fut en âge de parler.

En ouvrant les yeux, il jeta un œil à Feliks qui touchait sa croix, regardant autour de lui, l’air un peu troublé. Ses prières l’auraient-elles dérangé ? Se demandait-il si Netsah parlait à quelqu’un ? A une entité qui lui voulait du mal. S’il savait, mais bon sang s’il savait le vœu que Netsah venait de faire. Il voulu le lui dire, lui faire comprendre qu’il ne voulait pas lui faire de mal, puis se ravisa. Peut-être que Feliks avait juste entendu un bruit. Netsah en entendant bien à l’instant, bruissement d’ailes, bruits de pas furtifs, coups éloignés, comme des touches de pinceau faits à la hâte, sans aucune réflexion préalable.

« On dirait des pas de fourmis… » Observa laconiquement l’enfant « Des gens marchent partout, sans nous regarder et on se demande même si on existe. Cela fait plic et ploc, comme des gouttes de pluies, sauf que les gouttes, elles ne font pas exprès de regarder de toutes les directions pour mieux ne pas nous voir. Alors, moi, je dis que ce sont des fourmis, des fourmis pas très gentilles parfois, mais qui sont si pressées qu’elles n’ont pas de temps pour nous faire du mal. »

Petite réflexion de chaperon brun, petite réflexion d’enfant perdu. Souvenir d’un jour de pluie où les mots s’étaient formés, comme une douce mélodie cherchant à chasser l’amertume d’un jour de plus à être méprisé. Il ne savait pas ce qui était le pire : être ignoré ou chassé ? Cependant, à force d’être dans son monde, ce petit aux yeux un peu plus sombres n’allait pas se faire comprendre de son ainé, celui-ci se rapprocha de lui, abaissant sa tête, parlant d’une voix affligé. Comme si tout était de sa faute alors que c’était les autres qui lui jetaient des pierres, des insultes, des crachats, eux qui le rejetaient, le faisant sentir médiocre, plus bas que terre.

« Tu as dû avoir très peur...je suis…désolé…»

Cela ressemblait à une berceuse, un murmure plein d’un sentiment amer à peine voilé. Soudainement, Netsah eut envie de le prendre dans ses bras, de lui faire relever sa tête, de revoir une fois encore les yeux vertes pétillant à présent cachés par les mèches dorées. C’était étrange pour lui de ressentir cela, puisque d’ordinaire, c’était lui que l’on prenait dans les bras pour mieux sécher les pleurs. Ce sentiment ne dura pas longtemps, puisque brusquement, le polonais relava sa tête blonde, lui adressant un autre sourire. En un sens, c’était dommage, puisque Netsah aurait voulu lui dire, lui avouer, lui hurler que ce n’était pas de sa faute, que ce n’était pas sa croix qui était méchante, mais celle des autres. Il n’osa pas, sans savoir pourquoi.

« Hé ! Mange donc ! Je n’ai pas mis de porc. Heu…le poulet, c’est ash…ca…ca-sherr ? Je vais te couper du pain !»

Il lui donna un plat, lui mettant des bouts de pain, de viandes, de poisson avec énergie. Netsah n’avait pas le temps de parler, de réfléchir. Maman Feliks s’attelait à nourrir son poussin noir aux yeux bleus et nul doute que si elle aurait su ce qui était bon pour lui, Feliks lui aurait donné lui-même la becquée. Il était adorable, il était aimant et cela perturba un peu Netsah, le faisant presque rire. Le rendant heureux, sans savoir pourquoi. D’un mouvement, Feliks s’arrêta, le regardant fixement, l’air presque inquiet de quelqu’un qui le découvre en pleine réflexion.

« Le poulet est casher, le beauf aussi… l’agneau aussi, mais je n’aime pas trop. Euh… et le poisson, j’adore le poisson et c’est casher ! »

Expliqua sans attendre l’enfant, tout en fourrant les bouts de pain et de viande, de poisson dans sa bouche, les dévorant goulument sans rien attendre, sans rien demander. C’était si bon de manger, de sentir les différentes saveurs sur sa langue, de ne pas avoir un temps limité pour pouvoir reprendre des forces. Quelques minutes plus tard, il releva ses yeux sur Feliks, des miettes sur autour de la bouche et des joues, formant une constellation sur son visage, petites étoiles perdues que le petit brun essuya avec sa manche, sous le regard amusé d’un polonais sans doute ravi et pas le moins du monde offusqué.

Offusqué, Netsah fit semblant de l’être, gonflant les joues, fronçant les sourcils à l’excès, caricature non déguisé de ses tuteurs excédés par son comportement, ses gamineries. Imitant leur ton colérique, il déclara faussement énervé « Y a pas de quoi rire, na ! ». Un instant passa, moment de silence où les enfants se regardèrent avant d’éclater en même temps de rire. Rire qui se répéta en écho, contrastant avec le silence antérieur de la pièce vide. Ailleurs, on devait sans doute manger ou chercher le polonais. Cela, les enfants n’en étaient pas conscients, encore dans leur monde, les doigts encore liés.

« Je… merci Feliks, de… prendre soin de moi. »

Chuchota timidement Netsah en baissant un peu la tête, les joues un peu rougies. C’était étrange pour lui de dire ces mots, de les prononcer à voix haute, alors, il préféra les murmurer à voix basse, comme un secret, une promesse ou un serment.

Des ombres erraient ici et là dans son regard bleu, contrastant avec la lueur qui naissait peu à peu dans son regard (il voulait croire, il voulait y croire, il le voulait tellement), ce sourire qui s’accrochait à ses lèvres comme sa main qui tenait celle du polonais, son corps qui ne tremblait plus, son cœur qui battait doucement, calmement.

Petit tambour entouré de chair et de tissu, petite chose qui semblait si aisée à briser que parfois, cela faisait peur à son propriétaire ou aux tuteurs de celui-ci. Un jour, il y aura la blessure de trop, un jour, il n’y survivra pas. Pourtant, là, juste là, il se sentait si fort, si fort. Pour cela, il battait gaiment ce petit tambour. Netsah aussi se sentait un peu plus fort que d’habitude. Parce que deux yeux verts étaient posés sur lui, parce qu’il avait un ami.

Ils étaient seuls tous les deux, les bruits à l’extérieur n’étaient plus rien, des choses furtives, des petits détails. La lumière traversait la pièce, les entourant comme d’un halo, dessinant deux ombres sur les dalles de pierre. Doucement, Netsah chassa les dernières miettes sur son visage, les laissant tomber par terre, comme de minuscules étoiles filantes.

« Ils ne sont pas beaucoup à le faire, pas lorsqu’ils n’ont pas besoin d’aide. Et après, les gens se lassent, comme les femmes disent mes tuteurs, comme ceux qui portent les croix... »

Silence. Il sentait à peine son compagnon se raidir, presque cesser de respirer. Il n’avait pas eu l’attention de blesser, non, il n’en avait pas eu l’intention. Seulement, la blessure était encore fraiche, encore profonde, presque lancinante, comme celles qui jetaient un froid dans l’âme, faisant naitre une quantité infinie de cauchemars.

« Ils ne sont pas tous méchants, mais ils disent que j’ai… que nous avons fait… des trucs horribles, des choses qui ne se font pas. Et alors, même quand on fait rien, ils deviennent violents, ils font mal. Alors, on s’enfuit, loin, très loin à l’est. Parce que… ils ont trop de croix, alors, ils veulent en mettre partout, surtout dans Jérusalem… et surtout, ils ne veulent plus nous voir. »

Il les avaient vus au loin, les navires qui partaient, les gens autour, les clameurs. Oh non, il n’était pas invité, exclu. On pouvait même dire qu’on avait dû l’empêcher d’y aller, de peur que cela ne dégénère, que le petit se prenne un coup, une épée, des injures.

« Pourquoi ils font ça ? Pourquoi ils font si mal, Feliks ? Ils ne s’en rendent pas compte ? Ils se disent que je ne ressens rien ? Ils croient vraiment que j’ai… fais toutes ces choses ? Dis-moi… » Il fixa Feliks, sa bouche remuant un moment, avant de faire une pause, pour mieux reprendre, pour mieux oser « Est-ce que… »

Toi aussi, tu penseras comme eux ? Tu diras que je suis un monstre ?

Cependant, il n’osa pas le dire. Non, non, il ne devait pas penser à cela, pas maintenant. Pas après avoir réussi à remercier Feliks de la main tendue. Il ne fallait pas qu’il pense à ce qui pourrait arriver de pire alors que le meilleur allait sans doute commencer.

« … Tu veux bien que je… reste ? Cela me ferait… super plaisir. »

Remplacer des mots de crainte par des mots d’amitié, des mots d’espoir. Quelque chose de plus joyeux, ce scintillement dans les yeux bleus, l’éclat de plus en plus grand d’un nouveau sourire. Cette sensation qui le prenait de nouveau, renaissant de ses cendres comme l’espoir, comme le phénix, comme cette relation, ce lien entre eux qui malgré les pogroms, les guerres, les disputes, les séparations ne saura jamais mourir entièrement, jamais se consumer. Cela avait commencé simplement dans une pièce toute simple, après quelques paroles, après quelques rires. Cela ne finira sans doute jamais.

« C’est la première fois que je me sens bien avec quelqu’un tout en le rencontrant pour la première fois. Je suis content, je suis vraiment content… de t’avoir rencontré, Feliks. »

Déclara en souriant l’enfant, simplement, les bras le long de son corps, le polonais devant lui qui semblait un peu étonné de sa réaction. Etait-ce pour lui aussi quelque chose de nouveau ?

Cette sensation, ce besoin d’être aimé, d’être reconnu, enfin vu par quelqu’un, par un semblable…ce vœu… enfin réalisé… était-ce quelque chose de nouveau pour le jeune et encore petit polonais ?

« Je ne veux plus être de nouveau seul. Est-ce que… c’est aussi le cas pour toi ? »

Question, prière et souhait côtoyant les indiscrétions, le tout avec une franchise étonnante et spontanée, comme s’il ne voulait jamais réfléchir avant de parler, avant de s’exprimer. De peur qu’on lui en interdît l’usage avant qu’il pu faire entendre sa voix. Celle qui avait à l’instant des intonations tristes, avant de reprendre des couleurs plus vives, des intonations plus joyeuses.

« Hé Feliks, dis, maintenant qu’on a fini de manger, on peut visiter ton château ? S’il te plait, s’il te plait ! Je serais sage, promis, je ne ferais pas de bruit. On peut le visiter maintenant ? Tiens, au fait… Feliks, s’il y a un château, il y a un roi, non ? Il est comment ton roi... gentil ? Mais il doit forcément l’être, puisque c’est le tien, non ? Vous ne choisissez pas vos rois ? C’est ça ? Alors, le château, on peut le visiter, s’il te plait ?»

Trépignant d’impatience, il s’était levé d’un bond, sautillant presque devant Feliks, lui tenant toujours les mains, le regardant avec des yeux ronds, comme un enfant impatient de recevoir son cadeau d’anniversaire. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas sourit en présence de quelqu’un qui n’était pas de son peuple. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas sentit aussi proche d’un de ses semblables, qu’une Nation le regardait non pas comme un parasite, mais tout simplement comme Netsah.
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(Pologne, 1098) Petit air de paradis... [Netsah]

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