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Auteur | Message |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 16:30 | |
| J'ai du relire ton commentaire plusieurs fois, autant par vanité que par peur. Franchement, Alexander, je ne sais pas du tout comment te répondre, quoi te répondre. Je risque de t'écrire du vide, alors pardon d'avance mais non, franchement je ne sais pas...
Mince, tu as pris le temps de tout lire depuis le début, quoi ! Avec des textes qui effectivement ne pouvaient pas ter parler.... et tu as vraiment tout lu, absolument d'après tes commentaires. Non, je sais pas quoi dire devant ça, là c'est moi qui suis émue. J'ai même envie de pleurer parce qu'en plus, tu as la gentillesse de commenter. Au moins tu peux être sûre d'une chose, je suis vraiment touchée.
Et je sais toujours pas quoi dire en fait.... même si c'est pas l'envie qui m'en manque. Je sais pas comment te remercier, c'est tout bête, c'est comme ça.
Merci d'avoir pris 4 heures (ciel, quatre heures quoi!) de ton temps pour me lire.... c'est...wah quoi... et merci d'avoir apprécié, j'en suis heureuse comme tout :)
Merci beaucoup ! |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 16:35 | |
| J'aime bien ton texte original :p C'est agréable à lire, on s'immisce bien dans l'histoire sans aucune difficulté. Et les personnages sont intéressants dans l'ensemble, alors que du bon !
Je suis curieuse de voir ce que ça va donner par la suite (j'ai du mal à me prononcer en fait, mais ça a de fortes chances d'être bien ♥) |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 16:54 | |
| - Francis Bonnefoy / France a écrit:
Je suis curieuse de voir ce que ça va donner par la suite moi aussi mais ce méchant texte refuse de s'écrire tout seul... Allez, j'ose mettre le chapitre deux ! Chapitre 2 : - Spoiler:
Ténèbres et Fumées
La pluie les avait surpris alors qu’ils chevauchaient au milieu de nulle part. Très vite, le chemin ne fut plus que boue nauséabonde. Transi de froid, Adec crut sa dernière heure venue. Il tentait vainement de réchauffer ses doigts en les tortillant dans les crins dégoulinants de son cheval. Oui, vainement. Le jeune homme se sentait gagné par un tel sentiment de désespoir, qu’il hésita à fondre en larmes, songeant à sa mère si loin, au château à l’abri de la pluie, aux feux de cheminées…Mais il devait se montrer mature et endurer tout cela en silence. Il coula un regard rapide vers l’autre cavalier. Drain n’était plus qu’une silhouette cassée, pliée en deux sur le dos de son cheval. Sa blessure le torturait depuis la nuit dernière, Adec redoutait à chaque instant de voir le sang s’en écouler, de la voir se rouvrir, mais le chevalier refusait la moindre pause, le moindre arrêt et, il était hors de question de lui parler de médecin. Cela faisait environ une semaine qu’ils avaient prit la route. Jamais encore, les deux hommes n’avaient discuté de leur but, entre eux. Peut-être cela était-il préférable ? De temps en temps, Drain jetait un regard derrière eux. Au début Adec s’imagina qu’il vérifiait simplement s’ils n’étaient pas suivis. Puis, il remarqua la tristesse dans les yeux de son aîné. Alors il comprit : l’homme attendait quelqu’un. Quelqu’un qui jamais ne viendrait. Il regardait également ses propres regrets. Regrets de qui, de quoi ? Adec ne le savait pas. Il avait chassé de ses pensées le souvenir de la princesse, fantôme vivant et désespéré, par un soir brumeux, alors que leur roi venait de mourir.
« -Est-ce que tout cela a un sens ? » Le jeune homme ne comprit qu’il avait parlé à haute voix, que lorsqu’un grognement lui répondit. Stupides pensées vagabondes !
« -Bien plus que ce foutu chemin qu’on suit, garçon. Eperonne ton cheval, tu ralentis, il est facile de se perdre sous une pluie pareille… »
Il était facile d’y mourir également, mais Adec préféra taire sa pensée et se contenta d’obéir, la mort n’avait pas à apparaître maintenant. Pas du tout. Mais, jamais on ne voit femme plus capricieuse que celle-là. Aussi, lorsqu’un son de flûte, entrecoupé par celui d’un tambour, leur parvint, les deux hommes dégainèrent leur épée. La mélodie avait quelque chose de sournois et inquiétant. Elle traversait le bruit de la pluie, portée par les battements réguliers du tambour. Quel présage était-ce là ? Drain émit un sifflement de rage tout en plissant des yeux, pour tenter d’apercevoir quelque chose à travers ce nuage de gouttes, mélangé au paysage campagnard. Si quelque chose avait pour but de les attaquer, alors qu’elle le fasse directement ! Le chevalier n’était pas homme à attendre, encore moins lorsqu’il était de très mauvaise humeur comme maintenant. Les chevaux, eux, restaient calme en dehors des frissons qui les secouaient. Adec étouffa soudain un cri en sentant une main lui effleurer l’épaule. Et le son de flûte ne cessait de croitre… S’il tournait la tête, ne serait-ce qu’un peu, que verrait-il ? Les battements de son cœur ne semblaient pas vouloir cesser d’accélérer et, manquant presque totalement d’air, le jeune garçon eu la certitude qu’il allait défaillir. Il n’en fut rien. Juste le silence. Quelque chose d’au-delà des mots, au-delà de tout. Comme une voix pour l’appeler. La voix d’une mère, d’une sœur, d’une épouse, la voix d’une femme qui l’aime et qu’il aime. Une femme dont il ne connaît ni le corps, ni le visage mais dont il sait que pour elle, mille morts seraient un bien tendre délice à offrir… Plus de pluie, plus de boue. Juste la plus pure des lumières. Plus de cheval non plus. La solitude. Un mur dans cette immensité blanche. Une ombre dessus. Une ombre de femme… Adec ne peut que distinguer les courbes de son corps. Tant de désir en lui, tant de passion… Il veut tendre la main mais l’ombre rit…
« -Nous nous retrouverons, si tu sais me reconnaître, évidemment.. »
« -Adec ! »
Il fait si froid, si noir à présent. Et toute cette pluie… Le jeune homme crut avoir oublié à qui appartenait cette voix qui venait de l‘appeler. Même son nom ne voulait plus rien dire. Souffrance et amertume.
La chute…
***
C’était il y a sept jours. Trois hommes dans sa chambre à la regarder. C’était il y a presque une éternité. Chacun tenait quelque chose dans ses bras. Et leurs yeux, leurs yeux posés sur elle. Comme un viol lorsque ils lui demandèrent d’enlever ses habits. Elle devait revêtir la robe grise que tenait le moustachu. Iset essaya de rester calme, de rester droite, de rester fière. Ils ne l’aideraient pas. Elle n’avait pas le droit d’être touchée. Ses mains tremblaient, tandis qu’elle défaisait lentement son corsage. Ne pas paraître maladroite…. Lorsque le tissu glissa, son corps se révéla alors, mince et fragile, mais cela n’avait aucune importance. Car ils ne la voyaient pas. Car elle n’était plus rien. Une ombre, un sacrifice… On lui tendit la robe. Elle s’en saisit, prenant bien garde de ne pas effleurer leurs doigts… Elle n’existait pas. Iset inspira profondément. Elle ne devait pas craquer. Pour rien au monde. Ils la craignaient, cela se voyait et, tant qu’elle resterait ainsi, fière et silencieuse, cela continuerait. Jamais une pauvre chose pitoyable, il lui fallait résister ! Et pourtant, pourtant la jeune femme tremblait de chacun de ses membres. Le second homme lui tendit alors une chaîne sertie d’une pierre blanche, qu’elle attacha par des gestes gauches et malhabiles à son cou. Le contact de la pierre sur sa peau nue la fit frissonner. Si le bijou était d’un tel blanc, ce n’était que pour se souiller du noir de la saleté pour l’éternité que représenterait maintenant la vie dans sa cellule. Lorsque, morte, on viendrait le rechercher à son cou, le roi qui serait alors sur le trône –jamais elle ne connaîtrait son nom, coupée du monde- la briserait lui-même d’un coup de marteau rituel. Un acte de violence, la symbolique de la purification de toutes leurs fautes au prix du malheur et de la mort d’une seule personne. Iset décida soudainement de regarder droit dans les yeux, les trois hommes. Parce qu’ils seraient les derniers visages qu’elle ne verrait jamais. Il y avait Vamel, Gaeros et Welf. Les trois conseillers de son père. Si Vamel et Gaeros étaient d’obèses vieillards, Welf se distinguaient d’eux par un visage osseux et encore séduisant. Avec ses cinquante années, il était de loin le plus jeune du groupe. C’était lui qui tenait le masque. Le masque de fer pour cacher entièrement son visage… La princesse eut envie d’hurler, de pleurer. Mais qu’est-ce que cela changerait ? Elle pouvait également, avec ses mains aussi rapides que des oiseaux fous, se planter les ongles dans les yeux pour se suicider…. Seulement, jamais elle n’en aurait le courage. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était continuer à vouloir être fière alors qu’elle n’en devait être que plus ridicule…
Respirer, tendre les bras… Il ne lui resterait plus qu’à mettre le masque. Après, tout serait fini… Boire le calice maudit… Une boisson spéciale pour l’anesthésier, lui enlever toute envie combattive –en avait-elle jamais eu ?- afin que, dans sa prison, elle vive, elle se nourrisse, elle souffre, mais ça, tout le monde s’en foutait. Elle devait juste survivre le plus longtemps possible. Ne même plus avoir tous ses esprits… La jeune femme sentit alors tout son monde d’idéaux de résistance et d’héroïsme face à ce qu’elle allait endurer, s’écrouler en prenant conscience des larmes sur ses joues. Elle pleurait. Elle pleurait comme une enfant, bien incapable de s’arrêter. Et sa gorge, décorée du bijou, se soulevait encore et encore sous la violence de ses sanglots. Elle n’allait pas pouvoir porter le masque jusque à son visage, toutes forces la quittaient, elle allait s’évanouir ! La princesse n’était qu’un vilain crapaud, au fond, se dit-elle tandis qu’elle se tordait violemment la bouche pour étouffer un gémissement de bête à l’agonie. On lui plaqua alors violemment le masque sur le visage, sans la toucher. La jeune femme sentit le goût du sang sur sa lèvre éclatée. Elle ne voyait rien, ses yeux étaient bien trop brouillés de larmes, et le masque réduisait sa visibilité. L’odeur du fer fit monter une nausée en elle, elle se retint. Il lui fallait se reprendre. Iset comprit alors qu’elle ne pouvait même plus s’enorgueillir d’attirer la pitié, jamais personne n’avait éprouvé la moindre chose pour elle. Ses doigts gourds nouèrent avec difficulté les boucles de cuir pour retenir le masque. Voilà, tout était fini, elle avait terminé de mourir socialement… Une main s’avança alors dans son champ de vision réduit, tenant le gobelet avec la boisson droguée. Celle qui signifierait la perte de sa conscience. Le liquide brûlant avait un léger goût de menthe, cela la réconforta. Comme c’était idiot…
Tout cela, c’était il y a une semaine. Son sens du temps avait perduré. En fait, la drogue ne semblait pas avoir eu beaucoup d’effet passé les douze premières heures. La jeune femme aurait pourtant pensé qu’ils en glisseraient dans sa nourriture afin de continuer à l’abrutir…
Maintenant, dans cette cellule emmurée, Iset ne pouvait plus que se souvenir. Parfois, elle pleurait. Après tout, la dignité ne comptait plus, maintenant. Elle prenait sa couverture rêche et allait se blottir dans un coin sombre, étouffant le bruit de ses sanglots en mordant son poing jusque au sang. Au début, elle avait essayé de faire une grève de la faim, prenant le non-fonctionnement de la drogue comme un signe du Dieu, mais il y eu les rats… Ces affreux rats qui, attirés par l’odeur de la nourriture, accouraient en couinant, se jetaient sur le plateau, glissé par la petite ouverture, et dévoraient son contenu dans d’abominables mouvement de mâchoires. Après, ils la mordaient, elle. Souvent jusque au sang. Les premières fois, la jeune femme avait hurlé jusqu’à ce que sa voix se casse. Personne ne l’avait entendu. Elle était dans la tour la plus éloignée, enfermée, seule. Iset avait comprit la leçon. Elle engloutissait le plateau dès qu’il apparaissait. Les rats restaient cachés. Finalement, il n’y avait plus besoin de drogue pour la maintenir en vie… Et, lorsque épuisée et misérable, elle se laissait aller aux ténèbres du sommeil, ses rêves étaient peuplés de l’image de son propre corps dévoré petit à petit. Iset se demandait combien de temps il lui faudrait avant de sombrer dans la folie la plus totale. Prostrée à même le sol nu, elle imaginait une montre. Une montre aux lourdes aiguilles qui tournaient, qui tournaient… Parfois, aussi, elle pensait à Drain. Alors sa gorge se serrait douloureusement tandis qu’à nouveau, elle pleurait. A croire que sa vie se réduisait à ses larmes, désormais. La jeune femme n’avait connu que peu de temps, l’étreinte du chevalier. Juste le temps qu’il s’amuse, au fond… mais cela avait suffi à faire s’enrouler autour de son cœur, le serpent de la haine. Pourtant, elle avait aimé cet homme, les mains qui caressaient son corps, avide de contact et de tendresse, la force qui irradiait de lui alors qu’elle se sentait presque écrasée sous son poids tandis qu’il la prenait. Elle qui jamais n’aurait du être touché. La première fois, après l’amour, Iset lui avait demandé s’ils pouvaient fuir ensemble, tous les deux. Prendre un cheval dans la nuit et galoper, galoper sans jamais s’arrêter, traverser les montagnes et s’exiler dans un pays lointain, là où elle n’aurait plus à redouter l’obscurité éternelle qui l’attendait. Drain avait alors éclaté de rire et lui avait attrapé le menton de ses doigts, lui pinçant presque la peau.
« - Ce serait un péché… »
La princesse avait cru qu’il plaisantait, évidemment, mais il ne cessait pas de rire. Humiliée, elle se sentit rougir violemment tandis qu’elle détournait le visage. Elle avait alors attrapé ses vêtements et, blessée dans son orgueil, n’avait même pas pensé à le traiter de monstre. Elle était partie tête baissée. Cela ne l’avait pas empêché, lui, de la reprendre dans ses bras. Mais cela ne restait qu’une étreinte éphémère, Iset se demanda si elle avait le droit de penser à lui comme à une ordure, alors que le chevalier avait toute la confiance du roi, son père, et avait plus d’une fois résolu des conflits avec brio en menant ses soldats. Perdue au milieu des ténèbres, de ses ténèbres, la jeune femme ne pouvait rien faire d’autre que se souvenir…
*** L’odeur de fumée lui frappa les narines. Adec s’entendit lui-même pousser un léger gémissement, pareil à celui d’un chien. Il n’avait pas envie d’ouvrir les yeux, ayant peur que la nausée l’attrape dès qu’il le ferait. Il se sentait malade, fiévreux. Ses pensées lui échappaient, que s’était-il passé, où était-il ? La dernière chose dont le jeune homme arrivait à se souvenir, c’était Drain criant son nom c’était sa chute également… Une douleur aigüe lui transperça soudain le bras. Il cria, ouvrant enfin les paupières, pour découvrir le chevalier qui le regardait avec lassitude.
« -Pourquoi m’avez-vous pincé ?! »
« -Parce que tu étais réveillé …»
Etrangement, malgré ce qu’il avait cru, aucune migraine ne lui martelait le crâne. Adec soupira et tenta de se redresser. Drain l’avait couché à-même la terre battue d’une petite cabane de bûcheron abandonnée. Il avait également réussi à allumer un semblant de feu, qui malheureusement avait un peu trop tendance à juste devenir un mince filet de fumée si l’on n’y prenait pas garde. Le chevalier avait déplié la carte du pays et cherchait à s’y retrouver. Adec frissonna, grattant sur sa joue les croutes de boues séchées, sûrement venues s’y coller lors de sa chute. Le jeune homme avait la mélancolie d’un bain chaud…
« -Si nous continuons un peu plus à l’ouest, nous arriverons au village de F’talie, les bières et les lits de l’auberge nous aiderons à nous remettre de nos émotions… »
La carte fut repliée. D’une légère tape derrière la tête, le chevalier fit comprendre à son cadet qu’ils devaient se lever. Les chevaux les attendaient dehors, la pluie avait cessé de tomber. Tout semblait presque irréel. Vers l’ouest… Adec se tourna alors vers l’homme à nouveau silencieux, à ses côtés.
« -Pourquoi devons-nous chercher quelque chose qui n’existe pas ? »
Le roi, depuis les affres de son agonie, lui avait demandé d’aller chercher la pierre. La pierre sacrée de l’Eglise aux Brumes, cet édifice légendaire où l’Aveugle s’était arraché les yeux. On raconte qu’une pierre se fendit de douleur pour le Dieu alors que lui-même n’avait laissé échapper aucune plainte. Un pieux moine apporta un fragment de la pierre au roi qui régnait alors et celui-ci la fit sertir dans sa couronne. Elle devint un emblème de l’amour divin que portait l’Aveugle à la famille royale et à ses héritiers mâles, bergers avisés suivant ses lois. On raconte aussi que, dès que la couronne fut décorée du morceau de pierre, les brumes engloutirent l’église pour la dissimuler aux yeux des simples mortels, cachant ainsi la pierre brisée. Celle qui, disait-on, pourrait détruire le monde. Voilà ce qu’un vieillard leur avait ordonné : courir après une légende. Et Drain était prêt à le faire, cela se voyait dans ses yeux. Ce n’était pas de la foi, lui que le Dieu avait déjà bien éprouvé, non. C’était de l’amour pour son roi et un désir de repentir. Mais Adec, lui, était jeune, n’avait encore rien à se faire pardonner, alors il ne comprenait pas…
« -Nous sommes sur la route de la forêt des Confins. Là bas, quelqu’un aura la sagesse de nous guider, il y a pleins d’ermites, tu le sais bien… »
De sorciers aussi, songea le jeune homme. D’ailleurs, n’était-ce pas là, la raison qui poussait Drain à y aller, plutôt que dans un haut lieu sacré, à demander conseil à un illustre théologien ? Le chevalier avait soif de vengeance. Venger la mort du roi mais également venger sa propre blessure qui jamais semblait ne vouloir se refermer complètement. Folie… Sa jambe l’élança tandis qu’il enfourchait son cheval. Adec grimaça, songeant au beau bleu qui devait la décorer. A nouveau, Drain était silencieux, une ride unique lui plissait le front, faisant encore plus ressortir la peau pâle de sa cicatrice au visage. A quoi donc pensait cet esprit tourmenté ? L’homme, jusque à maintenant, avait presque été une figure légendaire de la cour d’Avall. Le Premier des Chevaliers, celui béni du Dieu, ne connaissant pas la peur, ne craignant pas la mort. Il n’avait que trente-deux années, il était encore jeune, bon à marier, mais la seule femme à laquelle il semblait vouloir se lier, était son épée. Nombre de combats, l’homme avait déjà mené et gagné. Il avait connu des défaites également, comme tout le monde ici bas. Son corps était couturé de cicatrices plus ou moins importantes qui l’aidaient à gagner une maîtresse le temps d’un soir. Maintenant, qu’était-il ? Un homme cassé, presque vieilli prématurément, qui guidait son cheval, les yeux fous, fiévreux, à travers la route la plus longue, à travers la route la plus obscure…
Il leur fallut deux heures pour atteindre F’talie. Ce n’était qu’un petit village crasseux, boueux, peuplé de paysans plus ou moins misérables. Néanmoins, les gens n’y étaient pas réfractaires à la royauté, aussi les chances de se retrouver égorgés au coin d’une rue ou dans sa chambre d’auberge, étaient moindres. On ne les dévisagea pas trop méchamment lorsque ils entrèrent dans l’auberge, ayant laissé les chevaux au soin d’un garçon d’écurie famélique. Drain prit soin de choisir une table éloignée des autres où ils pourraient être au calme. De toute manière, leur intention était juste de manger un morceau en buvant une ou deux mauvaises bières avant d’aller se coucher. Première auberge de leur voyage. Jusque alors, le chevalier avait voulu les éviter. Ils n’avaient pas besoin de monde tout de suite, d’après lui. Adec était néanmoins heureux de retrouver ce minuscule minimum de confort, même si le lit devait s’avérer être grouillant de vermines. On les laissa en paix. Chacun s’occupait de ses affaires. Le léger brouhaha ambiant avait quelque chose d’apaisant aussi, lorsque un silence lourd s’écrasa sur eux, un long frisson les parcourut. Une vieille femme avait franchi la porte. Couverte de guenilles, elle n’avait plus que quelques mèches de cheveux grisâtres qui lui collaient au crâne. Un rictus édenté apparut sur le visage ridé et boutonneux. Tout autour d’eux, les autres clients de l’auberge continuaient leur conversation, comme sans la voir, à peine quelques uns d’entre eux eurent-ils simplement un claquement de langue agacé. Les vieillards de ce genre étaient légions dans les petits villages, tous plus toqués les uns que les autres. Ils faisaient commerces de charmes soi-disant anciens et oubliés, se jouant de la crédulité des plus jeunes. Cette vieille là ne devait sûrement pas faire exception. Elle se dirigea d’un pas claudiquant, vers les deux hommes. Adec crut s’étouffer avec sa gorgée de bière. Il réussit néanmoins à reprendre son souffle, mais sa gorge, aussitôt, s’était asséchée. Drain avait la main crispée sur la garde de son épée, prêt à attaquer la femme au moindre geste brusque, ne faisant rien pour cacher son hostilité. Elle, elle ricanait, cette vieillarde qui semblait encore plus âgée que la mort elle-même. Sa main s’engouffra dans le tissu puant d’une poche, le temps semblait comme suspendu, allait-elle sortir une arme comme le chevalier le pensait sûrement? Non, juste une boule d’herbe vite engouffrée dans la bouche édentée. Si Adec se laissait aller à sa répulsion, il se plaquerait contre le mur, comme pour échapper à l’odeur de putréfaction s’installant peu à peu.
« -La bonne aventure, mes seigneurs…. »
Drain eut un reniflement dédaigneux, cette vieille tenait plus du charlatan que de la sorcière. Elle ne mériterait rien d’autre que de se faire trouver le ventre. Un bûcher, un grand bûcher pour toutes ces abominations… La blessure à son ventre semblait palpiter, comme ricanante. Adec, lui, était mal à l’aise, il n’osait regarder cette vieille-femme-la-mort, craignant peut-être de s’attirer le mauvais œil. Le cri qu’il poussa lorsqu’elle lui saisit la main, était semblable à celui d’une fillette. Très vite, le doigt griffu suivit les lignes de sa paume :
« -Tu es l’enfant tout, l’enfant rien, l’enfant espoir… -les yeux laiteux semblèrent s’éclairer d’une joie mauvaise, presque animale- dommage pour toi, il y a plus glorieux comme destinée, sache aussi que tu vas mourir… »
Les pieds de la chaise raclèrent bruyamment contre le sol lorsqu’Adec se recula, presque terrifié. Ce n’était que des mensonges, elle devait dire cela à tous ses clients, ses mots n’avaient aucun sens ! La vieille ricana encore une fois et se tourna vers Drain. Alors son visage changea de couleur, Ce n’était pas seulement à cause du regard méprisant de l’homme. Non, quelque chose chez le chevalier, la pétrifiait d’horreur à un point inimaginable. Un flot de paroles incompréhensibles jaillit de ses lèvres, paroles qui devinrent bien vite un cri strident, tandis qu’elle s’enfuyait, trébuchant à moitié au moindre de ses pas. Tout le monde la suivit du regard. Bon débarras. Mais un autre cri retentit alors, la jeune serveuse avait laissé choir son plateau avec les choppes dessus, et montrait quelque chose du doigt. Là, par terre… Un mince filet de sang s’écoulait, souillant les quelques brins de paille répandus au sol. Adec comprit alors : la blessure de Drain s’était rouverte. Son aîné se tenait le ventre des deux mains, le visage pâle, les traits crispés de douleur. Le sang s’échappait entre les doigts. Rouge, poisseux. Personne ne bougeait, et le cri continuait de retentir.
« -… Petit, n’appelle pas de médecin… »
Folie que cela, mais tel était l’ordre du chevalier. Le jeune garçon lança un regard perdu aux autres clients de l’auberge. Personne ne bougeait, le seul mouvement visible était celui de la flaque de sang qui se formait peu à peu. Et les gens ne quittaient pas des yeux le blessé, attendant de le voir mourir. L’homme se leva alors, lentement, comme un vieillard. D’un pas pesant, il commença à monter l’escalier vers les chambres.
« -Qu’on m’apporte des bandages et une bassine d’eau chaude.»
Lorsqu’il eut disparu à l’étage, la vie sembla alors reprendre ses droits sur les gens présent. De nombreux murmures éclatèrent alors. Chacun était tourné vers Adec, attendant des réponses à des questions que l’on était incapable de formuler. Qui ? Pourquoi ? Que faire ? On parla de la sorcière également. Les plus effrayés clignèrent trois fois des yeux pour appeler à eux la protection de l’Aveugle. Et le bourdonnement des voix ne cessait d’enfler, enveloppant tous ces gens du voile de la peur et de la bêtise. Le jeune homme ferma les paupières et se força à compter jusque dix dans son esprit, respirant calmement. Il pouvait sentir ses jambes flageoler mais n’avait aucune envie de s’évanouir. Drain lui avait demandé quelque chose, de ce fait, il se trouva à gravir les marches, tenant dans ses bras la bassine et les bandages voulus, à peine quelques minutes –une éternité ?- plus tard... Lorsqu’il frappa du pied, ses mains étant occupées, le bois de la porte, celle-ci s’ouvrit dans un chuintement inquiétant. Le chevalier était à moitié allongé sur un des lits, il ne semblait plus saigner. Le visage tendu, il s’efforçait de contrôler sa respiration afin de ne pas céder lui-même à la panique, de toute évidence. Maître de son corps et de son esprit.
« -Pose-ça sur la table. Je n’ai plus besoin de ton aide, tu peux partir… »
Bien sûr, il aurait pu protester, rester quand même, évidemment. Mais une grande lassitude s’était emparée de son corps. Le jeune homme acquiesça donc et referma derrière lui. Trop de folie en ces lieux, il devait prendre l’air, respirer… Et les mots de la voyante : tu vas mourir. Finalement, fermer les yeux devait être une jolie façon de s’endormir, non ? Adec se tendit soudain, quelle était cette image dans son esprit ? Comme une ombre perdue dans la lumière du soleil… Un champ. Quelqu’un parle, une fille, une femme, elle est devant lui, un énorme bouquet de fleurs dans les mains. Elle semble heureuse, il ne voit pas son visage, il entend sa voix, il ne comprend pas. Il veut tendre les bras, la toucher, lui caresser les cheveux, mais cela est impossible… Les fleurs s’envolent, elle a lâché le bouquet et lui tourne le dos, rêveuse. Et le temps passe…
« -Ca ne sert à rien, je suis idiote… »
De nouveau l’auberge de F’talie. Sa poitrine le brûle, Adec est obligé de se retenir au mur. Le jeune homme inspira profondément, découvrant qu’il n’avait pas respiré tout le temps de sa vision. Etait-ce un sort de la vieille femme ? Non, il avait déjà eu un malaise dans la forêt… Et le monde continuait de tourner, inlassablement. Le jeune homme rejoignit le vacarme du bas, il avait désormais une faim de loup.
***
Le vent lui murmurait tellement de secrets à l’oreille, des paroles si douces… Alors Il se leva, comme on le lui demandait. Comme il le lui demandait, ce bruit charmant qui résonnait dans Sa tête. Le plancher ne craque pas sous Son poids.
Pattes de velours, pattes de velours….
La nuit est tombée, tout ce gris, ce beau gris, Il en rirait presque s’Il le pouvait. Lui, Il, l’Animal. Il n’a plus mal à présent, Il peut sortir malgré les mots de la vieille, la sorcière. Elle ne voulait pas, évidemment, Lui si… Et l’on ne peut stopper la douleur… Les gens ne le sentent pas, ne le voient pas. Il n’est qu’un fantôme. Quelque chose….
Faim !
Le village, le village dort.
Dort, dort comme dorment les enfants…
Et la petite route blanche ? Dans la nuit, elle est grise, dans la nuit, elle est noire.
Petits pavés, petits pavés….
Et personne ne le voit. Les chiens grattent leurs puces, pas de lumière…
Jolie maison, ouvre ta porte…
Comme un souffle de vent fétide, un des enfants dans le grand lit grimace à travers son sommeil. De belles joues dodues, bouclettes déposées sur l’oreiller. Et ses frères et sœurs à ses côtés sont également si jolis.
Trois enfants, trois…
La chair que l’on mutile a le même bruit qu’un tissu déchiré.
Pas de cris.
Odeur du sang, odeur de mort.
FAIM
Il faut que les enfants continuent de dormir. Alors, avec tendresse, Il prend une des fillettes contre lui et la berce, tâchant de ne pas faire tomber la tête à moitié arrachée. Le sang souille les beaux cheveux blonds, quel dommage…
Tout manger…
Trois, trois, trois…
Les parents sont dans l’autre pièce.
Pas de réveil…
Se lécher les babines
Trois enfants, trois …
Un pour chaque monstre en lui…
La sorcière l’avait traité de monstre, lors de leur rencontre. Dans des mots inconnus, elle avait voulut le sceller d’un sort, mais avait fuit sous la peur.
Il était libre.
Ils étaient libres…
Mais il faudrait recoudre la blessure… Le fil et l’aiguille…
Soi-même…
Le lit de l’auberge.
Dormir…
***
Un massacre. Il y avait eu un massacre pendant la nuit. Trois gosses du village. Il n’en restait que des os, des os… Adec se sentit nauséeux à cette idée. Pendant ce temps, lui devait être en train de boire une énième bière ou bien alors de dormir du sommeil du juste. Toutes les femmes s’étaient réunies dans la salle principale de l’auberge, consolant la pauvre mère à moitié folle, lui amenant sans cesse des verres d’alcool fort. Le père discutait avec les hommes, avec Drain également. Le chevalier allait mieux semblait-il. Qui donc pouvait-être capable de tant de barbarie ? Avant midi, on désigna un coupable : la diseuse de bonne-aventure. Evidemment, c’était un bouc émissaire tout trouvé. Une vieille femme pas nette, qui se disait sorcière, et puis il y avait eu ses paroles d’hier… sans compter qu’elle avait voulu tuer le chevalier du roi, tout le monde était témoin ! Quelques gars vigoureux l’allèrent chercher. La pauvre vieille tremblait de tous ses membres tandis que, sur son visage, la morve et les larmes se mêlaient à travers les rides. La bouche édentée était prise d’incontrôlables soubresauts. Elle gémissait, elle gémissait comme un animal blessé. Obscène. Adec se demanda s’il n’allait pas éclater de rire. La veille, elle lui avait dit qu’il mourrait, aujourd’hui, il la regardait être condamnée au bûcher. Splendide ironie… L’exécution fut décidée pour dans la soirée, le temps de rassembler assez de bois pour le bûcher et de torturer la condamnée. La mère, que l’on voulait ivre, restait sans réaction, une main crispée sur son ventre. Ce ventre plat qui s’était arrondi par trois fois, cette souffrance qu’elle avait subit par trois fois… Et en une seule nuit, plus rien ?
Drain les fit partir sitôt le repas achevé. Les villageois n’avaient pas besoin d’eux. Adec ne lui parla pas de ses craintes, ni de ses doutes. Qui donc surveillait leurs pas ? L’Aveugle dans sa grande Sagesse, ou bien l’Aveuglé, ce fourbe ricanant ? Le soir venu, lorsque Drain alluma un feu pour préparer leur repas, le jeune homme vomit dès que l’odeur de fumée toucha ses narines. Là bas, derrière eux, on faisait mourir quelqu’un…. Et la terre continuait de tourner.
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 17:32 | |
| - Citation :
- Brusquement, par la fenêtre, le cri d’un oiseau
Hitchcock! Même après en avoir discuté avec Elise, j'ai du mal à me placer par rapport au texte. Alors mon commentaire risque d'être décousu ^^ Le point fort majeur du texte est l'emphase que tu places sur les personnages qui, en peu de temps, ressortent tous très bien. On s'y attache très vite et en très peu de mots, tu arrives à leur donner un contour intéressant. (surtout la mère Barbiche qui est mon méga coup de coeur) C'est un grand compliment de ma part puisque j'ai plus tendance à me focaliser sur les persos que la trame ou l'univers pour juger un texte, livre, jeu... etc. On retrouve quelques figures emblématiques (princesse, chevalier, monarque mourant..) qui permettent de bien "placer" le récit, qui n'est ni flou ni obscur. Mais est-ce que ce cercle de personnages forme la majeure partie des persos principaux de ton histoire? Est-ce que la polyphonie du récit est aussi prétexte à tous les présenter? On pourrait peut-être te reprocher justement de t'inscrire dans la continuité de grandes œuvres comme les légendes Arthuriennes ou (mais là j'en suis moins sûre, je ne sais même pas expliquer cette impression!) l'univers Égyptien. Mais bon, c'est difficile de faire ce genre de remarques sur un premier chapitre. D'ailleurs, en bon premier chapitre, il pose quelques questions qui (je suppose) forment la structure du récit (la pierre comparée à un "cœur d'enfant", les ""visions"" du roi avant sa mort qui ne sont sans doute pas des délires...). J'ai trop de mal à juger en ne connaissant pas l'univers et la fin de l'œuvre mais on dirait que tu tiens à présenter tout ce qui constitue le fondement de la suite de l'œuvre (les traditions, les persos..). C'est juste un fait que je constate, je n'ai pas d'avis dessus, ni de jugement de valeur. Donc dans l'ensemble c'est un texte que j'ai apprécié, avec des personnages qui ont un sacré relief et du fond mais je ne sais quoi penser de la trame qui s'annonce. Une quête à la Tolkien/Arthur...? Très riche en infos et dense en indices, ce qui peut rendre la lecture ardue, du moins pour quelqu'un qui n'est pas un très grand lecteur je crois. ^^ Voilà, ce n'est qu'un humble avis sur un texte qui, j'imagine, à dû te demander de longues heures de réflexion et on le perçoit bien. |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 17:47 | |
| En même temps, comme je l'ai dit plus haut, faire une quête arthurienne est le but totalement assumé de l'histoire.
La polyphonie restera tout le long du récit tout simplement parce que c'est mon style d'écriture. Cela ne se voit que peu dans mes textes courts (à part pour "la mort du cygne", on le remarque plus dans ma longue fic. C'est pour moi un moyen de donner diverses clés quant à des personnages. Suivant les POVs, untel peut être présenté comme un salaud ou bien comme quelqu'un de bien, je veux m'en servir pour introduire l'ambiguité et surtout, pour nouer plusieurs intrigues à la fois.
La quête principale n'est qu'un canevas grossier, plusieurs broderies viennent se tisser peu à peu autour, voilà tout.
De toute manière, une broderie restera encore et toujours kitsch, aussi belle soit-elle. Ce qui est superbe -de mon point de vue de lecteur et d'auteur- c'est comment des personnages arrivent à s'ancrer dans une histoire, à vivre et à mourir. Ils représentent les mouvements d'aiguilles de la broderie en construction, à mes yeux, voilà pourquoi j'essaye de leur donner le plus de personnalité possible. Ils ne mangent pas l'histoire, ils Sont l'histoire. Par conséquent, oui ils prennent le pas sur les évènements puisqu'ils doivent éviter de se faire "manger" par tout ce qui leur arrive.
Voilà :) |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 18:49 | |
| Oui, j'ai tout lu mais... le contraire aurait été impossible ! Chaque OS est tellement bien écrit qu'en en finissant un, je passais naturellement au suivant <3 Mais je vais vraiment essayer de me documenter plus pour pouvoir mieux comprendre et mieux profiter de tes écrits !
Je passe à l'histoire originale ~ Déjà, je pense que mon avis sera un peu différent des autres parce que je ne m'y connais pas très bien en médiéval. J'aime bien ce genre-là mais c'est tellement peu apprécié chez moi que je n'ai pas vraiment l'occasion d'en lire.
Dès le début, le style a fait que j'ai tout de suite accroché. J'ai toujours peur qu'avec un récit actif, avec de l'action et des changements brefs, il n'y ait pas de douceur ou de fluidité. Avant même de lire, ma crainte était vraiment légère (surtout que je viens de lire une dizaine ou une quinzaine de tes fics et que ton style est encore bien imprimé dans ma petite tête) et après les premiers paragraphes, elle a totalement disparu. Le texte est d'une harmonie frôlant le parfait ! Il y a vraiment tout. Je peux parfaitement imaginer le lieu, les actions, les émotions des personnages et l'ambiance entourant chaque scène, chaque moment. Pourtant, ce n'est pas lourd du tout et c'est vraiment agréable à lire.
Et j'aime beaucoup les personnages, surtout Iset. Contrairement aux princesses trop passives à mon goût, elle a une force de caractère étonnante et beaucoup de fierté (tout en gardant une délicatesse et une douceur dignes de son rang). D'un autre côté, sa situation n'est guère joyeuse. Et même si c'est pour ça que j'ai eu pitié d'elle au tout début, j'ai commencé à m'attacher à elle au second chapitre, où je trouve que tu décris mieux sa façon d'être et de penser. Les autres personnages aussi me plaisent beaucoup, comme Mun, la mère d'Adec. Certes, je la trouve un peu stéréotypée, tout comme la majorité des personnages, mais je pense que ça fait partie de l'univers médiéval et personnellement, ça ne me dérange pas, surtout que tu as toi-même dit que le but était un peu ça =)
Par contre, ce que je vais dire maintenant est le contraire de ce qu'a dit Arthur, parce qu'elle connait bien mieux que moi le registre Médiéval tandis qu'il n'en est rien pour moi, comme je l'ai dit plus haut. Donc... le fait que tu aies bien détaillé les coutumes, l'ambiance, les personnages me plait énormément parce que je ne me sens pas vraiment perdue. Certes, il y a les croyances mais je fais en sorte de le prendre comme s'il s'agissait de quelque chose d'existant et là, ça passe beaucoup plus facilement. (Oui, décidément, ma culture a besoin d'une bonne mise à jour...)
Et puis, je suis assez admirative parce qu'en deux chapitres, j'ai déjà envie de tout savoir. Ce qui va arriver à Iset, à Adec, à Drain... Ce qu'est réellement cette Pierre. J'ai vraiment hâte de lire la suite *__*
Désolée de ne pas pouvoir te donner un avis plus détaillé que ça é__è
(Mais heureusement que j'ai pu lire les deux chapitres l'un après l'autre, mon avis aurait été encore plus brumeux et flou si je n'avais lu que le premier !) |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 19:23 | |
| Je peux déjà dire que le second chapitre m'a agréablement surpris au sujet de la relation entre Iset et Drain. Avec le premier on supposait une relation amoureuse rendue impossible par le statut de la princesse (le fait qu'elle doit finir emmurée). Evidemment ce point n'est pas négligé dans ton récit, mais s'y ajoute un côté plus sombre de Drain : il ne veut pas sauver Iset, non pas par respect des règles mais simplement parce qu'il ne le veut pas. Du moins ai-je ainsi interprété ses paroles quand Iset formule son voeu de fuite. paroles qui font écho à celle d'Iset dans le premier chapitre quand Drain part pour sa quête. Comme une boutade amère, une piqure de rappel d'une scène antérieure.
La scène où Iset "meurt" m'a écoeuré. On ne peut qu'avoir mal pour elle, souhaiter qu'elle meurt rapidement plutôt que de subir cette honte orchestrée par les hommes, comme une représentation d'une tragédie. Surtout comme une humiliation, une dernière parade où l'on détruit son image avant de détruire son esprit et son corps.
Quant à Drain, il prend de plus en plus une figure inquiétante avec cette métamorphose nocturne le faisant devenir un croquemitaine. Un ogre de conte de fées qui vient dévorer les enfants. Un Gluttony en puissance. Du coup, sa blessure déjà malsaine le dôté d'un autre aspect de monstre. Car pour moi il est doublement monstre : il a profité d'Iset et se vautre dans le cannibalisme. Certes il ne contrôle pas le second aspect mais il fait parti de lui. C'est même le symbole de sa chute.
Après il y a Adec dont le sort est lui aussi scellé. A mes yeux c'est celui qui aura la plus belle chute : celle orchestrée par l'attirance envers une femme, créature qui ne semble pas humaine au demeurant. Son apparition, sa façon de s'adresser à lui, on sent qu'elle est d'un autre monde, si j'ose dire. J'ai songé à la Yuki-Onna dans la façon dont elle apparait à Adec : une femme non-humaine dont la vision condamne à mourir pour elle, et par elle.
Je me suis étalée au sujet des personnages, mais l'ambiance tout autour n'est pas en reste. Le massacre nocturne est encore plus inquiétant sous cette forme de comptine enfantine (la répététion de mots comme un refrain, des adjectifs comme "petits", "jolie"...) Pour moi çà sonne comme ces comptines que clament les petites filles en sautant à la corde. C'est doucement malsain avec le contexte...
Quant au style, rien à redire. On lit sans jamais se dire "bon, quand est-ce que çà se finit ?", les figures de style sont bien ancrées. C'est toujours un plaisir de te lire.
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 19:51 | |
| Hé bien Alexander, encore une fois les mots me manquent devant tes compliments. J'avoue être heureuse comme tout que tu aimes Iset, cela doit être mon personnage favori également, mais parce que justement elle rentre dans le rôle de la "princesse", j'ai un peu peur de l'avouer :p Ton avis est très bien détaillé, je te l'assure. Il est même très intéressant puisque tu aimes et apprécies le genre littéraire, mais n'a pas l'occasion d'en lire souvent (si tu veux que je te conseille quelques romans, dis le moi XD). En tout cas, merci beaucoup :) Ludwig tu me surprends, tu es la première personne à me dire trouver Adec intéressant XD (si ça t'intéresse de le savoir, il tient un petit peu du "Perceval", pour son côté "je capte rien ":p). Le personnage de Drain semble t'avoir captivé également, c'est un personnage extrêmement complexe à manier. Il n'est pas monstrueux, il est humain, mais ses actes sont tels qu'on l'interprête comme un monstre, cependant il est aussi capable d'héroïsme. Faire transparaître tout cela est ardu. En tout cas, merci à tous pour vos commentaires et impressions, cela m'encourage grandement à continuer (hésitez pas à me fouetter, au stade où j'en suis pour que j'écrive XD) Ben pour la peine je mets le chap 3. Chapitre 3 : Le commencement de l’Incendie - Spoiler:
Etrange combat dans la nuit noire. C’était les flammes contre l’obscurité, tandis que le feu élevait ses langues brûlantes vers un ciel de ténèbres. Tout se détruisait. Rien ne semblait pouvoir sauver les maisons en chaume de l’ardeur du brasier. Avec tous les habitants égorgés cette nuit là, si certains avaient encore le désir d’éteindre l’incendie, ils auraient plus vite à remplir leurs seaux dans les rigoles de sang par terre plutôt que de perdre du temps à aller jusque à la rivière. Mais plus personne ne combattait l’incendie infernal. Peut-être était-ce à cause des cadavres éparpillés dans les rues ? On en avait mutilé la plupart, des petits jeux de guerre… Kelza ferma les yeux, la guerrière prit une grande inspiration et se força à ne pas grimacer lorsque l’odeur du sang, de la fumée et de la chair brûlée, envahit ses narines. Elle voulait se souvenir du parfum du miel, de celui du sable chaud, pas de tout ça. Peine perdue, les images du massacre dansaient encore devant ses paupières closes, comment alors penser à autre chose qu’aux cris d’agonie ? Le jour n’allait pas tarder à se lever, encore une fois, beaucoup ne le verraient pas. De nouveau un combat où elle avait survécu, une lueur d’espoir pour revoir son pays. Ses adversaires n’avaient été que des paysans, cependant ils seraient bien payés, eux, les mercenaires. Peu importe le poids de leurs péchés après tout, ils étaient des chiens. Des chiens de guerre comme le prouvait cette marque sous les yeux. Trois petits points rouges sous chaque paupière. Oui, des chiens… Trois points rouges, un pour chaque fois que l’on devait fermer les yeux en appelant à nous la bénédiction de l’Aveugle selon les lois d’Avall. La jeune femme s’avança vers le petit cercle formé par son capitaine et quelques hommes un peu plus loin. Elle savait ce qui allait se passer, alors elle ferma les yeux. Trois fois de suite, se touchant les paupières de ses doigts, à chaque fois.
Seigneur Aveugle, veille sur ma vie Seigneur Aveugle, protège mes amis Seigneur Aveugle, tue mes ennemis…
On s’écarta pour la laisser passer. Hop, son supérieur au visage inquiétant avec ce trou béant à la place du nez et son oreille droite en lambeaux, lui posa une main amicale sur l’épaule. C’était un bon capitaine, elle aimait obéir à ses ordres. Cela se terminait presque toujours par une victoire. Il lui arrivait de se glisser dans sa couche, lorsque les nuits se faisaient trop froides. Il était doux. Kelza ne le regarda pas, il lui fallait se montrer forte. Ce n’était pas la première fois qu’elle allait accomplir une tâche pareille. C’était son rôle de femme. Peu importait le sexe, chez les mercenaires, du moment que l’on était capable de tenir une arme. Il y avait juste une contrainte imposée aux guerriers de sexe féminin : la stérilité. Parce que cela leur donnait le droit de commettre un des actes les plus sacrilèges et horribles qui soit. Elle ne savait pas comment on lui avait retiré le pouvoir d’enfanter, Kelza se rappelait juste de l’établissement de soins, les cris de douleurs de certains patients, un jeune prêtre qui lui présente un liquide amer qu’elle se retint de vomir aussitôt bu, le réveil douloureux, la laide cicatrice dans son bas ventre…
Femme qui donne la vie Femme qui donne la mort Femme dont l’enfant lui est ravie L’enfant petit, dans le froid du dehors…
Au centre du cercle, le chef du village, son épouse et ses enfants. Deux faux-jumeaux. Ils sont jeunes, de l’âge où l’on fait des rêves de grandeur et de puissance. Ils vont mourir, tous. La grande femme blonde sanglote, elle tient ses enfants dans ses bras, les couvrant de baisers. Où est donc passé sa dignité ? Le père, lui, a le regard vague. Sa moustache ne tremble pas. Il est debout, peut-être pas fier- comment l’être ? – mais ses genoux ne se ploieront que sous le poids de la mort. Les enfants ne pleurent pas, ils se retiennent. Le garçon garde emprisonné dans la sienne, la main de sa sœur. Elle a sûrement mal mais ne dit rien. Qu’il est étrange de voir ces deux jeunes visages si semblables, essayer d’attraper une moue dédaigneuse dans ce qui se veut sûrement être du courage. Les autres villageois regardent, hébétés. Ils restent debout, un peu plus loin, muets devant cette tragédie qui, ils le savent, n’en est pas encore à sa fin. Hop claque des doigts, deux hommes se saisirent du chef et le trainèrent un peu plus loin, jusque au couvert d’un arbre. Il y serait crucifié et verrait sa famille mourir devant ses yeux. La femme hurle, elle tenta de se jeter à la gorge d’un de ses assaillants, lorsqu’on l’arracha aux jumeaux. Les prières se mêlent aux insultes et un rire hystérique ne peut s’empêcher de franchir ses lèvres. Pauvre chose… Une mort rapide serait préférable, aussitôt le capitaine ordonna qu’on l’étrangle. Les cris du père étaient-ils du aux clous enfoncés dans ses poignets, ou bien à la douleur de regarder la femme qu’il aimait, se faire tuer ? Le garçon avait couvert les yeux de sa sœur, il ne la lâchait toujours pas. Si jeunes, si jeunes… Tous deux portaient encore la Sys’, la lanière des enfants. Kelza prit une grande inspiration, elle allait les tuer.
Femme qui ne peut accoucher Il ne te reste que les enfants à assassiner…
Seules les femmes mercenaires étaient autorisées à les tuer, selon les lois de la guerre en Avall. Tout homme se risquant à un tel acte, ou femme ayant déjà eu elle-même des enfants ou dans la capacité d’en avoir, se verrait condamné à mort. Le supplice consisterait à se faire ébouillanter de l’intérieur, en ingurgitant jusque à ce que mort s’en suive, l’huile portée à la température la plus élevée qui soit. Combien d’enfants la jeune femme avait-elle déjà égorgée, depuis cinq longues années ? Assez pour que la lame de son poignard cesse de réclamer du sang, assez pour que le dégoût de soi-même cède la place à une froide indifférence. Il y avait d’autres gosses dans le village, on les avait parqués dans un semblant d’enclos. Peut-être leur ferait-on traverser les mers afin de les vendre comme esclaves dans des pays étrangers, peut-être les relâcherait-on dans la forêt, pour les laisser à la merci des bêtes sauvages et des intempéries… Pas ces deux là, pas les jumeaux. Juste la mort… Le bruit de l’incendie semblait disparu, plus rien ne se faisait entendre. Pas même les cris du père. Avaient-ils passé une frontière invisible, pénétrés dans un monde à l’intérieur du monde ? Kelza sorti son arme du fourreau. Un fourreau grossier, en cuir. Elle devrait penser à le changer, le fond commençait à s‘user. La fille gardait les yeux au sol, essayant de cacher ses larmes à défaut de les retenir. Le garçon, lui, contemplait sa meurtrière avec une curiosité placide : Kelza, la guerrière à la peau brune, Kelza, l’étrangère aux cheveux noirs, toujours attachés, toujours finement nattés. Des petites tresses non pas décorées de perles, comme celles de ces prostitués étrangères qui se vendaient en mettant en valeur leur beauté exotique, non juste une multitude de nattes relevées en arrière avec un bout de ficelle, Kelza bien loin de son soleil ardent…
« -Allons-nous souffrir?»
Quel âge a-t-il, ce gosse ? Combien de printemps ont défilé devant ses yeux, combien de fleurs s’y sont écloses ? Quinze, lui avait dit Hop avant l’attaque. Quinze… Elle en avait déjà tué de plus jeunes. La jeune femme secoua la tête avec douceur, alors le garçon sourit, embrassa sa sœur sur la joue et s’avança vers la mort. Il était beau, le visage fermé, mélancolique, semblable à quelques statues angéliques, dans les églises de l’Aveugle. Non il ne souffrirait pas, elle s’y refusait. Kelza n’était pas une brute assoiffée de sang. Lorsque elle torturait ses victimes avant de les tuer, car tout le monde peut être en proie à la colère, ce n’étaient toujours que des adultes. La mercenaire retint son souffle, en cet instant précis, elle oscillait entre le maudit et le sacré. Le bras qui tue… C’est alors que l’autre enfant, la jeune fille, se releva, la robe couverte de boue. Elle essuya d’une main rageuse les larmes sur ses joues et les regarda, peut-être apaisée par le calme de son frère. Personne ne demandait pitié pour eux. Pauvres gosses, leur seul crime avaient été de naitre de la couche du chef de ce village, c’était tout. C’était trop… Le garçon était devant elle, à présent. Tuer toute autorité, même les graines à venir, pas de vengeance… des règles archaïques, respectées. Il n’y avait plus à réfléchir. Elle l’égorgea. Cela ne dura quel quelques secondes. Kelza leva alors les yeux vers sa prochaine victime : la jeune fille avait les yeux écarquillés d’horreurs, lacs de folie qui lui mangeaient presque le visage. Pâle, si pale. Pauvre enfant… Un cri muet s’échappa de sa bouche, malgré les mains plaquées dessus. Tant de souffrances dans ce silence. La guerrière eut soudain la vision d’un cygne prit dans la glace, sur un lac de ces régions enneigées au plus haut du pays. Attendant de mourir de faim, de froid, de soif alors que même le temps semblait gelé. Bien entendu, elle pleura, terrifiée. Kelza se précipita alors sur elle pour la poignarder, n’en pouvant plus. Cela n’avait duré que trop longtemps. Le corps agonisant tressauta avant de finalement se détendre. Il n’y avait plus rien à dire. Hop la saisit soudain par les épaules, Kelza lui leva un regard étonné avant de se rendre compte qu’elle état à genoux, à genoux dans la boue et le sang. Tout sembla alors reprendre vie : les cris du chef crucifié à l’arbre, les pleurs des femmes un peu plus loin, les hurlements terrifiés des enfants dans leur enclos… Des bruits de chaînes, aussi. On enchaînait villageois et villageoises…. Et eux,, eux n’étaient que des mercenaires, les bras qui obéissent et non la tête qui pense. Mercenaires et non commanditaires. La jeune femme éclata soudain de rire, presque cassée en deux malgré les bras puissants de son chef autour d’elle. Le prêtre de l’Aveugle de leur petite troupe s’avança alors vers elle et lui ferma trois fois les yeux de suite de ses gros doigts graisseux. Une bénédiction, comme à chaque fois. Alors le cri effroyable et rauque put enfin s’échapper de sa gorge. Douleur et folie qui s’échappent dans le bruit… Et ses propres mains se crispaient sur son ventre, là où jamais aucun bébé ne pousserait.
Kelza aux yeux noirs, Kelza aux cheveux noirs, guerrière à la peau brune, te souviens-tu de ce pourquoi tu combats ?
*** Le trône restait vide dans la grande salle, Mun se demanda un instant si détruire ce siège de rois ne serait pas une bonne idée. Plus personne de la lignée principale, choisie par l’Aveugle, n’allait s’y asseoir à présent. C’était de sa faute, elle le savait, tout comme le roi l’avait sur également, ainsi que la triste reine Clèves. Un jeu de hasard mais aussi de manipulation pour se préparer au massacre à venir. Quelque chose qu’il ne fallait pas comprendre. Un bruit de pas la fit soudain se retourner. Apparut alors le conseiller Welf, bien drapé dans sa toge blanche. Exactement à l’heure au rendez-vous. La musicienne sourit avant de s’avancer vers lui, lui tendant la main. Aussitôt l’homme mit un genou à terre avant de porter le dos de la paume offerte, à ses lèvres. Il se releva, bien plus grand qu’elle, bout de femme perdue dans la plénitude de sa beauté. Elle aurait put trembler devant la froideur de son regard, elle ne le fit pas. Combien d’oreilles étaient donc collées au mur pour écouter leur entretien ? Cependant nul lieu ne pouvait leur apporter la discrétion requise, raison pour laquelle jamais leurs voix ne devraient dépasser le murmure. Ce fut le conseiller qui, le premier, prit la parole tandis que Mun observait songeusement son crâne rasé et son visage osseux :
« -Madame, je ne sais ce qui me vaut l’honneur d’un entretien avec une folle comme vous, cependant j’accoure, comme vous le voyez, prêt à entendre ce que vous avez à me dire …» Une voix aussi sèche que l’était son corps, l’homme avait du être quelqu’un de beau dans sa jeunesse, aujourd’hui il ne semblait dégager rien de plus qu’un charme animal et inquiétant, prédateur. « -Une folle?, la musicienne sourit. Il ne la regardait pas, ni elle, ni les formes de son corps soulignés par le tissu bleu sombre de la robe. Tous les hommes se retournaient sur son passage, tous les yeux aimaient à danser au rythme de ses hanches et chacun avaient la sensation de commettre l’un des pires blasphèmes par cela. Sauf lui, Cher conseiller, il me semble être en possession de tous mes moyens. Ne cherchez pas à m’intimider, parlez ! »
Welf se sentit décontenancé, cette courtisane l’avait fait mander sous couvert de révélations importantes à lui faire, et maintenant c’était à lui de parler. Il soupira, voilà pourquoi il détestait avoir à traiter avec des femmes intelligentes, elles mettaient leur fierté toujours au premier rang et exigeaient toujours des réparations lorsqu’il les accueillait par des remarques acides. Le conseiller se résigna alors à s’expliquer :
« -Et pourtant, madame, vous êtes folle. Sachez donc que je vous tiens pour responsable de la situation présente. Tout le monde sait qu’à la mort de la reine Clèves, le roi vous proposât de vous coiffer de la couronne royale. Vous avez refusé. »
Mun acquiesça, comprenant où son interlocuteur voulait en venir. Oui, si elle était devenue reine, elle aurait put porter un héritier pour le royaume ou, dans le pire des cas, servir de régente à la mort de son époux et, puisque tels étaient les jeux de pouvoir, faire un coup d’état afin de mettre son fils du premier lit, sur le trône. Bien sûr, cela créerait quelques troubles pour quelques mois, mais Avall aurait eu son dirigeant. La musicienne se sentit sourire, soudain bien fatiguée. Welf regarda les quelques mèches grises qui parsemaient la lourde chevelure noire, était-elle si fragile que cela, la plus belle femme du pays ?
« -Conseiller, à cela je n’ai rien à répondre. Il y a cependant un héritier… »
Les deux yeux de rapace de l’homme ne quittaient plus ceux de la femme, à présent, attendant la suite des évènements. Ce qu’elle venait de dire était chose impossible, le roi n’avait aucun bâtard caché, il avait déjà fait des recherches. L’emmurée avait été son seul enfant. Brusquement, Mun lui agrippa le bras, sa voix devint alors presque inaudible, effrayée. Il sembla alors à Welf être transporté dans un endroit hors du temps
« -Mes dieux ne sont pas le votre, il y a des choses que je ne peux comprendre autant que vous, mais je sais que ce que je vais vous demander là est un sacrilège sans nom… » Elle risquait sa vie, cette femme étrangère, à vouloir s’essayer aux jeux du pouvoir, et elle en était pleinement consciente, le conseiller le savait. La pièce n’était cependant pas favorable aux secrets.
« -Votre folie ne fait que se confirmer à mes yeux…, Un léger bruit lui fit tendre l’oreille, quelqu’un entrait, Blasphème à la nuit tombée est à moitié pardonné, retrouvez-moi dans ma chambre, ce soir. »
Des pas presque imperceptibles vers eux, s’il n’était pas aux aguets, jamais Welf ne l’aurait entendu. Une sueur froide lui coulait le long du dos, Mun gardait les yeux dardés dans les siens, peut-être un peu plus pâle qu’auparavant. A quoi ressemblaient-ils en ce moment, si ce n’est à deux conspirateurs ? A raison qui plus est. Ne parlaient-ils pas de mettre quelqu’un sur le trône –quelqu’un qui n’était pas sensé exister- à l’insu de tous ? De quoi passer pour des traitres (mais à quel roi ? Il était mort !) et finir sur un gibet ! Les temps étaient trop incertains pour laisser en paix la personne détentrice de secrets…Il pouvait la faire chuter, cette femme orgueilleuse devant lui, oui il pouvait la trahir, la dénoncer. Mais il fallait un roi sur le trône, éviter que quelqu’un comme ce pervers obèse de Gaeros ne décide de s’y installer pour assouvir sa soif personnelle de pouvoir. Welf avait envie d’un avenir pour le pays, après tous les combats que l’ancien roi avait mené, se faisant traiter de lâche et de pleutre de toute part, alors que son seul but était de ne plus jamais partir en guerre. Devrait-on abandonner cet idéal simplement par la mort d’un homme ? Mun le regarda encore quelques instants et partit en lui tournant le dos. Belle, magnifique.
« -Conseiller, on a besoin de vous aux jardins… »
Celui qui les avaient surprit n’était qu’un jeune page. Si Adec avait été là, il aurait reconnu celui présent également avec lui dans la chambre du roi au moment de son trépas. Il était jeune, une jeunesse portant le parfum des boucles blondes de sa chevelure. Pauvre gosse. Welf lui posa une main sur l’épaule, l’enfant tressaillit. La sensation de piqûre n’avait été qu’éphémère, déjà il l’oubliait.
« -Merci mon petit, descends donc aux cuisines et dit à la mère Barbiche que je t’autorise à prendre un bout de tarte …»
Le page acquiesça avec vigueur et courut hors de la pièce pour s’exécuter. Le conseiller attendit que se termine la cavalcade de ses pas dans les escaliers avant de quitter la pièce. Dans sa manche était toujours cachée une aiguille enduite du poison rare d’un serpent bien particulier. Welf avait veillé à ce que la dose soit telle que sa victime disposait d’un léger délai de quelques minutes avant que ses voies respiratoires ne se bloquent. De quoi lui laisser le temps, pour lui, de s’éloigner ou, comme pour le cas du gosse, de donner à sa mort l’apparence d’un étouffement avec une part de tarte. Quitte à tuer, fait rire les autres en faisant passer la mort pour presque normale. C’était ce que lui avait dit la reine lorsqu’il était entré au service du roi. A vrai dire, c’était elle qui lui avait montré comment faire avec l’aiguille, c’était elle qui lui fit découvrir le poison. Elle savait que toujours, il serait fidèle à son souverain. Clèves, la seule femme pour laquelle il avait eu de l’affection. Mais elle était morte depuis longtemps, noyée dans sa tristesse. Peut-être aurait-il put en tomber fou amoureux, lui qui n’aimait que les hommes. Le vent frais lui transperça les os tandis qu’il franchissait le haut portique vers l’extérieur. Quelques personnes formaient un cercle, un peu plus loin et même les arbres semblaient se pencher pour entendre leurs murmures.
« -…si horrible ! »
« - une malédiction…. »
« -…mort »
Une servante accourut vers lui, pâle comme la mort elle-même, prête à tourner de l’œil. Incapable de parler, elle se contenta de désigner d’un ongle sale, ce qui se trouvait entouré par tous. Un cadavre ? Non, on avait l’habitude des assassinats par ici, jamais cela ne créerait autant d’agitation. Welf se surprit à avoir peur, sans qu’il ne sache pourquoi. Une telle sensation de terreur inconnue, cela ne lui était arrivée qu’une fois, il y a bien longtemps, dans les montagnes où il avait grandit. Comme tous les enfants, il avait été quelqu’un d’intrépide et casse-cou. Bien des fois il s’était cassé une jambe ou un bras lors de ses randonnées, glissant dans quelques ravins traîtres. Jamais il n’avait eu peur, ayant toujours été retrouvée avant la tombée de la nuit. Lorsque le corps est jeune, malgré toutes les blessures que l’on peut recevoir, il est si facile de se prendre pour l’égal des dieux. Mais jamais la chance n’est éternelle. Un soir, alors qu’il rentrait d’un village voisin, un peu plus haut perché sur le flanc de la montagne, il aperçu un énorme renard à la fourrure lustrée, aussi flamboyante que le plus terrible des incendies. L’animal l’observait le plus calmement du monde. Parce qu’il est si facile d’être idiot, Welf ne put s’empêcher d’essayer de l’approcher. Peu à peu l’obscurité s’épaississait de plus en plus, comme cherchant à étouffer le renard et l’enfant. La petite lanterne au bout de son bâton luisait faiblement, sa pauvre lumière n’étant capable que d’allonger les ombres autour d’eux. Le renard s’ébroua finalement et commença à partir, il le suivit, se mettant bientôt à sa hauteur sans que jamais l’animal n’en soit dérangé. Puis il y eut la chute, les glapissements du renard, lui-même qui essayait de se raccrocher à quelques feuilles de fougères, les ongles qui veulent se planter dans le sol rocailleux, les doigts écorchés mais rien n’y faisait, la crevasse les avala tous deux. Par chance, il ne se cassa rien cette fois-ci. Mais le renard buta contre les pierres en tombant, Welf vit avec horreur la peau du ventre se déchirer pour laisser passer un flot de serpents luisants. Et le renard, les yeux vitreux, ne pouvait rien faire pour retenir ses entrailles. Sous la peur, l’enfant s’évanouit. Ses rêves furent remplis de cet inconnu au parfum de terreur. Lorsqu’enfin il reprit conscience, il hurla. A la place de l’animal, il n’y avait plus désormais, que le cadavre nu d’une femme éventrée. Un des bras blanc reposait tendu vers lui, comme un appel à l’aide. Si beau, malgré que la chair soit à présent flasque, morte. Et les longs cheveux roux, maintenant bien ternes ne pouvaient totalement cacher l’immonde blessure mortelle, tout comme le petit tas informe et brillant qu’il ne voulait remarquer. Welf ne cria pas, n’appela pas à l’aide, restant prostré dans le coin le plus obscur de la crevasse, à moitié fou. Un jour passa, de temps à autres il essayait d’étancher sa soif en léchant les parois humides. Son corps se consumait peu à peu sous la fièvre, il avait faim, il avait froid et sa peur faisait désormais partie intégrante de lui-même. Ce fut le deuxième jour. Le temps n’avait plus aucune signification pour lui, qu’importe le jour et la nuit ? Le sommeil le prenait lorsque la fatigue devenait bien trop pesante et les yeux pâles du cadavre le regardaient sans le voir. Se lever pour les fermer ? Non, mais peut-être que lorsque sa mère viendrait, ils rangeraient tout ça et, à l’aide de sa boîte à couture, elle pourra recoudre le trou béant de cette immense poupée roide. Mais ce n’était que son délire… Parce que sa soif était trop forte, il grattait parfois la roche tout autour de lui, jusque à ce que ses blessures aux doigts se rouvrent et que les pierres se barbouillent de sang. Alors seulement, il léchait cela avec l’énergie du désespoir. De cette façon, il s’était déjà arraché trois ongles. Puis le sommeil s’emparait à nouveau de lui, toujours sans rêve. Ou presque.
La femme le regardait calmement, nue. Ca et là, sur son visage, on pouvait voir des petites croutes de sang séché. Une de ses jambes était complètement démise et de gros bleus marbraient la peau diaphane. Les mèches des longs cheveux roux tombaient avec élégance sur sa poitrine, soulignant encore plus la ligne parfait ce qui n’était pourtant que de la chair morte. Elle souriait, triste, une berceuse perdue dans le fond de sa gorge. Belle mais d’un autre monde à présent… On avait recousu la plaie béante de son ventre avec un fil grossier. Quelques brins de pailles dépassaient de certains points mal faits, comme pour un animal dont on a raté l’empaillage. D’ailleurs, cette femme n’était-elle pas une renarde ? Welf ne savait plus rien, abruti par le froid, la faim, la fatigue et la soif. Peut-être qu’il allait mourir après tout ?
« Défait les fils… »
Une voix douce, rêveuse. Elle avait prit sa main dans la sienne. Quelque chose semblait bouger sous la peau pâle, bien trop pâle. Instinctivement, il comprit que cela n’était que le fait des milliers de vers de terre qui la dévoraient de l’intérieur. Mais la femme ne s’en souciait guère. Lorsque les doigts touchèrent enfin le corps nu, ce fut pour que ses ongles tentent d’arracher les coutures mal faites. Welf avait oublié cependant qu’il les avait pour la plupart brisé, arraché contre les murs de sa prison naturelle.
« Alors vas-y avec les dents… »
Toujours cette voix ensorcelante, comment y résister ? Il mordit la peau, tentant de déchirer ces lambeaux de chairs qui ne demandaient qu’à se putréfier dans sa bouche, par la force de sa mâchoire. Tous les vers blanc, bien trop blancs, qui grouillaient de ce cadavre, se déversèrent alors sur sa langue. Un violent hoquet secoua le jeune garçon, il du reculer vivement pour que son estomac lui permette de recracher une bile acide qui lui brula l’œsophage.
Lorsqu’il releva la tête, la femme n’était déjà plus qu’un cadavre immobile, gisant sur le sol humide, la blessure agrandie par des marques de morsure. Et lui-même avait le goût du sang qui pesait sur sa langue. Plus de voix douce, plus rien, hallucination ? Mais Welf savait ce qu’il avait à faire. Une de ses mains plongea dans le corps flasque. La chaleur moelleuse des chairs lui donna envie de pleurer. Il fouilla, fouilla l’intérieur de cette peau, de cette poupée humaine pour enfin en extraire ce qu’il cherchait. Un fœtus. Qu’il était ignoble ce petit bébé presque formé qui à présent, reposait dans ses bras. Mort avant d’avoir vécu. Mort mais qui allait le sauver. Parce qu’il mourait de faim, parce que la femme le lui avait autorisé. On le retrouva finalement, il avait passé six jours dans son trou. Lorsqu’il se réveilla, Welf se trouvait dans la chaleur de son lit. On cru longtemps que la fièvre allait l’emporter, mais il n’en fut rien. L’enfant survécu. Après cela, il coupa sa Sys’, bien qu’il n’ait que douze ans, et alla trouver le prêtre de l’Aveugle, de son village. Il lui raconta tout, pleurant, implorant le pardon et la pitié. Le prêtre l’écouta, le visage fermé. Puis ce fut à son tour de parler, de lui raconter l’histoire de l’Echappée. Elle était la fille d’un seigneur de la vallée, promise à un chevalier errant. Tous deux s’aimaient profondément, malheureusement le bonheur n’était pas pour eux. Le seigneur, père de la belle, fut tué lors d’un tournoi et, comme il fallait s’y attendre, son vainqueur désira, en plus du domaine, épouser la jeune femme. Elle s’enfuit dans la nuit noire, les pieds nus et les cheveux défaits, à la recherche de son amant. Mais la belle ne trouva que son cadavre, à moitié dévoré par les corbeaux, pendu à un gibet. Parce qu’elle tenait de sa mère, quelques pratiques de sorcelleries, elle se changea en animal, folle de douleur, après avoir but le sang de la première personne croisée à un carrefour. Elle erra dans la montagne comme une âme en peine, sentant la vie croître en elle, ultime souvenir du chevalier. C’était elle, la renarde que Welf avait croisé, c’était elle qui était morte éventrée.
« -Enfant, cette femme a choisi de te sauver, mais un jour tu devras payer le prix de du bébé tué… »
Mais tout cela, c’était il y a si longtemps. Welf avait choisit la voie du clergé à la recherche de rédemption, mais jamais il ne put trouver la paix de l’âme. A trente ans, il quitta sa robe de prêtre pour se faire vagabond. Aucune femme ne fut jamais son épouse ou même le fruit d’un désir quelconque de sa part. Non, le souvenir du corps de l’Echappée continuait encore et encore de le hanter, de le dégoûter et l’affection qu’il recherchait lors des soirs trop froids et trop solitaires, il ne la trouvait que dans les bras d’autres garçon. Dans son errance, il vint à la capitale où le roi, étonné de la réputation de sage de ce vagabond, le fit mander au palais. Contre toute attente il y resta et, d’intendant tout d’abord, il devint conseiller. Une des trois parties de l’âme du roi comme le dit le peuple… Amer est le passé et tout aussi aigre semble être le présent. Le conseiller inspira profondément et écarta la petite foule par un mouvement de bras. Le silence se fit alors. Un mince rayon de soleil caressait la petite allée en terre battue mais le froid restait mordant malgré tout et les petites servantes avec leur visage barbouillé de graisse et leurs manches relevées, frissonnaient autant de leurs bras nus que de la peur qui les étreignaient. Avaient-elles donc toutes abandonné leur travail ? Welf eut claquement de langue désapprobateur, un ricanement lui répondit : Gaeros avec sa masse imposante était là lui aussi.
« -Hé bien, hé bien… Le temps des maléfices est donc venu. » Un bout de langue rose et gluant vint lécher une lèvre inexistante, car le visage du second conseiller était telle une tête de mort bouffie. Un chien, oui ce n’était qu’un chien qui était la cause de toute cette agitation ! Un chien gigantesque, fin et racé, d’un blanc éclatant. Les oreilles en pointe étaient dressées intelligemment vers le ciel, montrant l’attention que l’animal leur portait. Les deux grands yeux bleus étaient aussi tristes que peuvent l’être ceux des humains, sentait-il sa mort approcher ? Dans sa gueule, non pas deux fœtus de porc comme on pouvait le penser, presque à terme mais un seul, rien qu’un seul… avec deux têtes ! Welf eut un mouvement de recul, la main plaquée contre son visage.
« -Qu’est-ce ? Qu’est-ce que ceci ?! »
« -le fruit d’un porc et d’une truie qui a un peu raté… »
Gaeros ne tourna pas la tête pour le regarder, seules ses pupilles sombres bougèrent pour se darder sur l’autre homme. Son comparse était d’une pâleur extrême, avait-il donc peur comme la plus vulgaire des femmes ? Le gros homme leva un de ses doigts boudinés qu’il pointa sur le chien.
« -Laissez-le profiter de son repas et égorgez-le. On laissera son corps aux vers puisqu’il semble avoir fait quelque chose pour nous déplaire. Qui se chargera du meurtre ? »
Un silence de mort lui répondit, personne ne voulait approcher l’animal blasphémateur. Le maître porcher sanglotait, le visage morveux, tandis que ses mains calleuses trituraient le bonnet rêche et troué qui d’habitude ne le quittait jamais. Il n’avait fait qu’abattre une truie grosse pour que les cuisinières puissent accommoder le fœtus en un plat savant pour les bouches délicates du palais. Il ne savait pas que la chose serait ainsi, monstrueuse ! Allait-on le tuer lui aussi ? Non, il ne voulait pas approcher. Non, il voulait se faire oublier !
« -Je le ferai…. »
Un murmure choqué mourut alors dans chacune des gorges des personnes présentes. Le seigneur Welf ?! Mais il n’y avait plus rien à dire, peu à peu valets et servants retournèrent à leurs occupations, la tête baissée. Bientôt, les deux conseillers restèrent seul avec le chien
« -Voilà que tu obéis à mes ordres maintenant, Welf ? A croire que bientôt je serai votre souverain à tous vu que le plus bougon d’entre nous reconnaît ma domination… »
Seul un regard froid lui répondit. Gaeros posa une main légèrement crispée sur son énorme ventre et déglutit. C’était toujours comme cela entre eux, les trois conseillers, Vamel, Gaeros et Welf, un rapport de dominant-dominé constant qu’il fallait sans cesse réitérer sous peine de se faire manipuler. Là, c’était exactement ce qui se passait. Alors qu’il croyait mener le jeu en le voyant s’abaisser, Welf venait de saisir à pleines mains les fils de la pauvre marionnette qu’il était.
« -Pendant que je m’occupe de cela, tu feras fouetter tous ceux présents ici. Ils n’avaient aucuns droits d’interrompre leur travail par curiosité et surtout pas pour ces fadaises. Nous n’avons plus de rois peut-être, mais nous avons encore des lois. »
L’obèse acquiesça, la tête repliée dans les bourrelets gras de son cou et s’éloigna, prêt à faire exécuter cette punition collective. Welf s’accroupit alors à terre, tâchant sa toge de boue, et avança une main vers le chien. Celui-ci ferma un œil, se laissant flatter avec un grand soupir bienheureux. Il avait terminé son funeste repas, du sang maculait ses babines…. Tout pour effrayer les enfants. Lorsque la lame froide d’une dague lui trancha la gorge, l’animal se contenta de fermer les yeux. L’homme crispa ses mains pour les empêcher de trembler, avec l’impression qu’il venait de se tuer lui-même. Un peu plus loin, dans les cuisines du château, la mère Barbiche recouvrait d’une nappe le corps du garçonnet mort. Si les assassinats commençaient, alors c’est que la triste période qu’ils redoutaient tous, venait de commencer : une course au pouvoir sanglante et sans pitié puisqu’un enfant en était déjà victime. Le front appuyé contre les pierres fraiches du mur de sa chambre, Mun soupira. Qu’était-elle en train de faire ? Hélas déjà ses mains allaient tourner la lourde clé de l’antichambre de l’enfer. Mais il n’y avait pas d’autres solutions. Lorsque le conseiller viendrait, alors son plan pourra réellement se mettre en place.
Dieu Aveugle, pardonne, laisse-moi debout Ne veille pas sur ma vie, oublie mes amis Que les amants que j’ai tant aimés soient Oubli N’ai point de pitié pour ceux qui restent à genoux…
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 20:48 | |
| Adec est si peu aimé que çà? xD Je le trouv intéressant, dans la mesure où il apporte un peu de fraicheur par sa naïveté, et sa faiblesse purement humaine.
Là je t'avoue que la scène qui m'a pris aux tripes est celle de Welf avec l'Echappée. Surtout la dévoration du foetus (on touche un interdit là). Ce n'est sûrement qu'un détail mais affirmer ainsi la sexualité de Welf me plait. Dans le sens où j'ai déjà lu pas mal de fictions avec le cliché habituel "suis-je gay ou pas ? tiens après avoir couché avec mon meilleur ami j'ai découvert que je l'ai été". C'est un cliché qui, s'il est bien travaillé, peut être intéressant mais dans beaucoup de cas, çà donne un personnage niais et sirupeux. Là on a un être qui a subi un tel traumatisme que toute femme lui ait refusé. Sa sexualité en devient presque une malédiction (en même temps, dans un contexte médiéval... mais après je ne m'y connais pas trop sur ce sujet, quelle était la tolérance avec l'homosexualité au Moyen-Âge).
Les deux femmes (désolé je laisse un peu de côté l'Echappée) que tu nous montre, sont chacune des femmes de caractère. Forgées par les épreuves, se battant avec des armes différentes. L'une ne peut qu'obéir, l'autre essaye de construire son destin. Et toutes deux demeurent des femmes dans ce monde d'hommes et de violence. Avec Kelza j'avais peur de tomber dans le cliché de la guerrière "tellement sexy qu'elle se tape tout le bataillon", ou si froide qu'elle ne ressent jamais la moindre pitié. Là non, Kelza demeure une femme qui peut se briser à la vue d'un enfant.
Je t'encourage pour la suite. ;) |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 21:27 | |
| Je t'avoue, Lud', que je n'arrive pas à trouver Adec intéressant. Pas encore, en tout cas xD Je le trouve beaucoup trop dans l'ombre des autres (Iset, Drain, Mun par exemple) !
Roderich, si tu as des titres à me conseiller, je ne dis pas non, bien au contraire ! C'est vraiment très gentil de ta part de me le proposer~
Quant au troisième chapitre, tout ce que je peux dire c'est que le ton est... différent. Il était déjà assez grave mais là, j'ai vraiment eu mal au cœur en lisant la scène de Kelza et des deux jumeaux. Et que dire de celle avec Welf et l'Échappée ? C'est tellement bien écrit, tellement bien.. *ne trouve plus ses mots* Je ne sais pas comment le dire mais... la scène me semblait vraiment réelle, comme un... film, en plus intense. Beaucoup plus intense. (Et là, je suis sérieuse quand je dis que j'ai eu très mal au coeur xD) Je ne peux pas saisir toutes les références et la profondeur totale du texte mais au moins, ça ne m'empêche pas d'adorer !
J'attends la suite avec impatience ♥ |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Juin - 21:36 | |
| *donne la bassine à Alexander*
tiens, vas y tu peux vomir 8D
Je te donne les livres par mp ;)
Pour Adec, ce personnage a autant besoin de m'affirmer dans mon esprit que dans le texte, donc c'est tout à fait normal s'il est en retrait, c'est ma faute et je comprends ton point de vu. Voilà pourquoi Ludwig m'étonnait XD D'un côté certaines personnes arrivent à avoir beaucoup d'empathie à travers des persos lisses qui leurs permettent de suivre un récit tout en s'identifiant à eux, ça m'arrive parfois dans des animes ;) chacun est différent.
Je ne me suis pas penchée sur le problème de l'homosexualité au Moyen Âge parce que selon moi, Welf est puissant, donc il a le privilège des "grands", celui de pouvoir se livrer à toutes les débauches dont il a envie.
Kelza... ben c'est une femme quoi, avec son rôle spécifique dans les mercenaires, elle porte un poids énorme. Je ne vois pas le besoin de la rendre froide et intouchable en plus de ça :p
Merci de vos commentaires détaillés en tout cas ! |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mar 6 Juil - 21:04 | |
| Un petit texte fait pour Alexander Le cadre est simple: Francis fait la lecture d'un certain roman à Alexander. A partir de là s'en suivront des réflexions sur des héros carthaginois, réels ou non. J'espère que cela plaira - Spoiler:
C’est un mot sur ses lèvres, un nom qu’il peine à apprivoiser. Il coule entre ses dents et bute parfois contre sa langue. Quelle saveur lui donner ? Il a peur, peur de le faire trop dur ou bien trop doux. Pourquoi toute cette peine ? Ce n’est qu’un nom après tout… Alexander hésite, se tait et ferme un peu les yeux. Il se concentre, ne sait pas trop comment faire, essaye une dernière fois puis rate. Alors vient le silence… Ses doigts caressent le livre. Il n’ose pas l’ouvrir, Il ne sait pas lire, pas encore… Pas le français, tout du moins. L’homme en face de lui se contente de sourire. Il veut boire une gorgée de thé à la menthe mais se brûle. Le Tunisien reste silencieux. Cet ouvrage, c’est un cadeau… Un cadeau dont il ne pourra pas profiter tout de suite. La sueur marque l’empreinte de ses doigts sur la couverture, c’est si fragile comme objet…
« C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. »
Le blond commence à réciter. Alexander le regarde, ses yeux se plissent. Carthage… Carthage était sa mère, une femme belle parmi les belles et digne parmi les dignes. Il ne se souvient que de son parfum, des longues boucles noires et de la ceinture en lanière de boeuf à ses hanches. Francis récite le livre, le livre de Flaubert. Mais qu’y connaît-il ? Rien, absolument rien… Il parle d’Hamilcar et de temps en temps, le nom d’Hannibal se glisse entre quelques lignes. Il ne les a pas connu mais Alexander, si. Tunisie se rappelle. Une époque où il n’était rien d’autre qu’un enfant. Il entendait les rumeurs de la guerre mais ne s’en souciait pas. Non, ce qui l’effrayait était les grands yeux noirs de sa mère. Les yeux de tempête. Carthage se dressait debout face à l’homme agenouillé. Il baissait la tête, honteux. Face à tout ce dédain qui lui dévorait le cœur, Hamilcar savait : il avait perdu l’amour de Carthage. La femme tout comme la cité ne pouvait lui pardonner sa défaite face à Rome. Carthage avait été vaincu, Carthage avait été défaite, pourtant elle était debout, et c’est bien devant elle que les hommes s’agenouillent. Tel est le souvenir le plus effrayant qu’a Alexander de sa mère. Comment le style précieux et maniéré d’un de ces écrivains français peut-il espérer retranscrire toute la fatale beauté de la cité antique ?
Alexander sourit, Alexander n’écoute plus. Il revoit ses jeux d’enfants avec Hannibal, avant que celui-ci ne parte pour l’Espagne. Ils jouaient à la guerre : Alexander faisait un centurion roman, et Hannibal prenait le rôle d’Hamilcar. Ils se battaient ainsi, roulant dans le sable comme deux animaux, faisant vite fi de stratégies pseudo militaires en plaçant des bouts de bâtons et des cailloux comme s’il se fut agit de leurs armées, pour se battre à mains nues. La patience n’est pas jeu d’enfant. Hannibal gagnait, Hannibal gagnait toujours. Ils se reposaient ensuite, épaules contre épaules, et devisaient tel deux patriciens. Le jeune Carthaginois parlait de sa haine, cette haine que lui inculquait son père. La haine pour Rome. Alexander écoutait. Puis, ensuite à mi mots Hannibal lui demandait de parler de sa mère. Alors l’enfant racontait Carthage aux mille étals, Carthage l’éternelle marchande aux grands yeux noirs. Et plus il racontait, plus Hannibal devenait amoureux…
Avec Hamilcar, parti Hannibal. Jamais Alexander n’eut à le revoir. L’homme combattit pour eux, mais sa mère le repoussait, hautaine et digne. Fatiguée des guerres, Carthage laissa Hannibal à ses rêves fous et refusa tout de lui, des victoires jusqu’aux appels à l’aide. Et Alexander se tut. Il aurait pu dire, il aurait put raconter à sa mère toute la passion amoureuse qui déchira le guerrier depuis les premières années de sa vie, mais il n’en fut rien. Cela valait mieux ainsi.
L’amour… Justement, le roman de Francis commence à en parler. Poli, le Tunisien étouffe un bâillement. Le blond n’en remarque rien et continue sa lecture à haute voix. C’est alors qu’apparaît le mot. Le mot du titre. Salammbô…. Francis a une étrange manière de le prononcer, Alexander reconnaît les consonances des anciennes langues du Proche Orient, mais le tout semble avoir été mixé pour que les sons conviennent mieux aux palais français. Il fronce les sourcils…c’est vrai que c’est joli. A voix basse, il essaye de le prononcer, cela va mieux que tout à l’heure. Ca y est, il y arrive ! C’est comme si lui-même arrive à faire naître de sa langue, la beauté de l’héroïne. Francis le regarde et sourit. Il ferme le livre et termine l’histoire. Il la termine avec ses propres mots et non ceux de Flaubert, Alexander s’intéresse enfin. Il ne sait pas, non il ne se souvient plus si tout ce que raconte le livre est exact. Les sacrifices d’enfants dans la gueule brûlante de Baal, il ne sait pas…Mais à travers la figure d’Hamilcar, le jeune homme retrouve sa mère. L’humain comme la cité étaient fait de la même fierté, de la même noblesse. En cela ils ne pouvaient se pardonner la moindre anicroche, ainsi est le cœur des hommes et ainsi est le cœur des femmes. Salammbô n’a pas existé, jamais. Il n’y a toujours eu qu’Hannibal. Lorsque la fin arrive, Alexander se lève. Il ne sait pas pourquoi, mais il pleure.
« Pourquoi avoir créé la plus belle femme qui soit, si cela ne servait que le bon plaisir de ton écrivain ?! Ah quoi bon la torturer comme cela, à quoi bon tout lui refuser et la faire mourir comme jamais personne ne devrait mourir ? »
Hannibal n’avait déjà que trop souffert, pas la peine de rajouter à son sang une sœur fictive dont les malheurs étaient également trop grands pour laisser place à la vie. Francis n’a rien à répondre. Ainsi sont les romans de ce siècle, amour et mort se doivent d’être complémentaires. Alors le Tunisien tait son secret, il tait sa passion naissante pour la princesse et se recroqueville dans son silence.
Lorsque le soir viendra, pour la première fois Alexader ne rêvera plus au baiser de sa mère sur son front. Non, ce souvenir ne sera plus rien désormais. Juste un son pour le hanter, celui de la fine chaîne que portait Salammbô à ses jambes. Un bijou qu’une seule chose pouvait rompre : l’étreinte d’un amant. Et son âme d’homme se tourmentera dans bien des fièvres.
Ah que n’ais-je été l’homme pour te la briser ?!
Et Salammbô est morte, morte avant même d’avoir existé.
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| Sujet: Re: Mes Textes Mar 6 Juil - 21:22 | |
| Je suis sans voix. C'est juste magnifique... tellement bien écrit que je ne trouve aucun mot pour te remercier dignement. Ce texte est vraiment émouvant et profond et j'aime la façon dont tu as décrit Carthage, très fidèle à l'image qu'on a d'elle : Fière et un peu hautaine. Le style est doux alors que ça a un écho très triste et très puissant. Et à la deuxième relecture, j'ai pleuré.
Merci infiniment pour ce texte ! |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mar 6 Juil - 21:25 | |
| Mais de rien, merci à toi de tes compliments et désolée de te mettre dans des états pareils. Je suis contente que cela t'ai plu malgré tout, puisqu'il s'agissait bien du but.
Merci infiniment pour ta lecture ! |
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| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 17:49 | |
| Voici un drabble pour Kenneth, sur la chute de l’URSS. Désolé du temps mis pour l’écrire, j’espère qu’il te plaira ! Palais de Glace et de Murmures...- Spoiler:
La neige, Ivan l’avait toujours détesté sans que personne n’arrive vraiment à comprendre pourquoi. Il y a des secrets qui ne se partagent pas, parce qu’ils font trop partie de nous même et qu’au final, on ne peut pas lutter contre. Le vent des steppes soufflait dans ses oreilles la plainte des mourants, il en avait toujours été ainsi depuis sa plus tendre enfance. Et les flocons voletaient tout autour d’eux, ensevelissant sous leur poids des milliers et des milliers de corps. Sous la neige, fleurissent les cadavres. Qu donc pourra le nier ? Certainement pas Pologne, le visage marqué et les yeux vides, certainement pas Katioucha que la mort ne quittait pas… et certainement pas lui-même avec ses massacres et tragédies.
Pour la première fois depuis l’apogée de l’époque des Tsars, Ivan avait eu un rêve. Le vingtième siècle le vit à nouveau ouvrir au monde des yeux d’enfant émerveillé, et de ses mains, alors que ses gants se déchiraient et que le froid brûlait sa peau, il construisit son idéal. Inlassablement, il rassemblait des tas énormes de neige, cette neige qu’il détestait, qui lui donnait envie de vomir, pour ériger les murs d’une immense maison. Une maison de glace et de flocons, une maison aux mille pièces où toutes les personnes qu’il avait choisi d’aimer, pourraient dormir. Comme dans un cercueil de verre. Elle était belle la maison, mais aucun de ses habitants ne s’y plaisait. Pourtant, Ivan faisait des efforts, maçon consciencieux il essayait de faire au mieux… mais rien n’y faisait.
« Ce n’est pas ma faute si Gilbert et Elizaveta meurent de froid un peu plus chaque jour…. »
« Ce n’est pas ma faute si Katioucha connaît la faim et la mort »
« Ce n’est pas ma faute si Feliks oublie tout de lui-même à force de regarder ce paysage trop blanc »
Non, le vrai coupable c’est la neige. Elle est là, trop froide, trop présente, trop étouffante. Alors nul ne peut y survivre et les charniers s’accumulent, s’accumulent… Comme les secrets.
Une par une, les nations dont il avait volé le nom, s’avancent. Elles n’ont pas de gants, elles n’ont pas d’écharpes, elles n’ont pas de manteau. Le froid les blesse, elles s’en fichent. Elles détruisent. A tour de rôle, elles détruisent un peu de la grande maison. Il n’y a même pas de rage dans leurs yeux, dans les siens il y a des larmes. Ivan ne peut pas les retenir, au final ne reste qu’un petit tas de neige informe. Le rêve a disparu, éclaté et tous sont partis. Ils étaient tellement et maintenant, il est tout seul…
Leurs traces de pas s’effacent bientôt sous une nouvelle couche de neige. Calme, Ivan s’assoit et pose le menton sur ses genoux. Quelque chose tombe de sa poitrine et glisse sur la terre gelée. Il sait ce que c’est : son cœur. Seul, frigorifié, il reste immobile. Immobile à attendre que quelqu’un revienne finalement et le lui remette en place. Quelqu’un qui peut-être, ne viendra jamais….
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Hermann/Germania Lapin Crétin. Plus lapin que crétin. Quoique.
| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 17:54 | |
| C'est beau. Beau comme un paysage enneigé, avec les arbres givrés et le soleil qui se lève au dessus sans pouvoir réchauffer le tableau. J'aime beaucoup l'idée du Palais de Glace, avec les nations que la grand Russe à choisi de garder auprès de lui, palais à la fin aussi facilement détruit qu'un vulgaire bonhomme de neige par des enfants furieux.
Enfin, j'aime. |
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Ludwig / Allemagne Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 18:44 | |
| Toujours aussi beau, et je vais répéter ce qui a déjà été dit. J'aime ce côté d'Ivan : la peur d'être seul, abandonné de tous et forcer les autres à vivre avec lui parce qu'à ses yeux il n'y a pas d'autre issue.
C'est triste, amer, mais çà fait du bien de lire ce genre de texte. Merci encore de nous faire partager tes écrits. |
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Kenneth O'Murphy/Irlande Co-adminReal men wear Kilts
| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 19:00 | |
| C'est magnifique.
Je ne peux que te clamer mon admiration et l'amour que j'éprouve pour ce drabble. Tout est entouré d'une grande poésie, rien n'est dans l'excès, la douleur d'Ivan est implicite, c'est superbement mené. La métaphore de la neige recouvrant les cadavres m'a beaucoup plu (ou bien n'en était-ce pas une ? xD), de même pour l'idée du palais de glaces : murs fragiles, montage long et ardu et représentation du désir d'Ivan de ne pas être seul. Tu as beaucoup de talent et je m'incline bien bas ;)
Merci encore pour cet excellent drabble ^^
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| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 19:10 | |
| Merci tout le monde
Kenneth> merci beaucoup, je suis ravie que cela ai pu te plaire. Ca va, je ne suis pas Francis, tu peux t'incliner sans craintes *sort*
Qu'est-ce que tu entends par métaphore, pour la neige? Personnellement, mon désir était d'inscrire de manière symbolique une continuation dans la chronologie slave=> celle des charniers humains que ce soit ceux des batailles napoléoniennes, ceux des guerres mondiales ou bien les goulags. Quelque chose de toujours présent qui de ce fait donne une certaine notion d'intemporalité...
Enfin bref, merci à vous tous d'avoir lu et surtout, d'avoir apprécié :) |
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Kenneth O'Murphy/Irlande Co-adminReal men wear Kilts
| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 19:16 | |
| Oui, c'est aussi de cette façon que je le voyais à la première lecture.
Mais après relecture (je lis toujours 2 fois minimum pour être sûre d'avoir tout compris ahah), en remarquant que tu insistais également sur la mort en Ukraine, le froid chez Gilbert et Elizaveta, je me suis demandé si le fait qu'il y ai des cadavres sous la neige pouvait représenter l'emprise de la Russie sur les autres pays, la sensation d'étouffement, de pression.
Les cadavres seraient alors Eli, Gilbo, Katioucha, Feliks... La neige serait la Russie. Mais pas forcément volontairement, Ivan ne les aurait pas "enseveli" volontairement.
Enfin moi et mon imagination... Bref.
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| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 19:24 | |
| Non pas vraiment, du moins pas inconsciemment :) Si je me suis concentrée sur ces trois pays en leur infligeant des maux bien précis c'est pour parler de manière détournée des pertes subies :
- Gilbert et Elizaveta meurent de froid parce qu'ils sont coupés de ceux qui leur prodiguaient de la chaleur humaine: l'Allemagne -figure de frère- et l'Autriche -figure de mari-
- Katioucha meurt de faim et "danse" avec la mort parce que l'Ukraine a failli e retrouver rayée de la carte pendant la période URSS, avec plus des 2/3 de sa population décimés par la famine. Les gens en étaient réduit à se casser les gencives en mâchant des écorces d'arbre...
- quant à Feliks, il devient "vide" et meurt de ne pas exister parce que la Pologne a connu de très graves crises identitaires lors de cette période.
La neige, ce n'est pas la Russie, c'est le secret qui enveloppe l'Histoire slave depuis son commencement pour atteindre une espèce de paroxysme -le palais- lors de la période URSS (rappelez-vous, on ne savait rien de ce qui se passait dans ces pays là). Les cadavres sous la neiges, ce sont les squelettes dans le placard
voilà :) |
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Kenneth O'Murphy/Irlande Co-adminReal men wear Kilts
| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 19:41 | |
| Donc j'étais très loin du compte :D
Mais je suis admirative, vraiment. J'ai toujours beaucoup aimé les double-sens dans les histoires :3 (en tout cas, je m'évertue à en chercher partout, mais bon). Et je me rends compte qu'il y a beaucoup de choses que j'ignore en histoire, et tellement que j'en oublie u_u
Bref, merci encore :) |
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Netsah / Israël Le sale gosse de la Synagogue
| Sujet: Re: Mes Textes Ven 24 Sep - 20:01 | |
| C'est vraiment un beau texte triste, amer aussi. Je ne fais que dire ce que d'autres ont dit, mais je le pense sincèrement. J'ai aimé la métaphore du château et l'ambiance de ton texte en général. J'aime ton texte, tout simplement. (*ne sait pas commenter un texte et s'en va très loin) |
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| Sujet: Re: Mes Textes Mar 5 Oct - 21:19 | |
| merci Netsah... Je poste un texte original, il est sûrement as très réussi mais j'avais besoin de l'écrire. Merci à ceux qui auront la patience de le lire... Et surtout, merci à Kiku de m'avoir permis de l'écrire. Prend bien soin de tes oiseaux ! Les oiseaux- Spoiler:
Elle était pas comme les autres…
Ici, les gens ne peuvent pas être seuls, jamais. Parce que dans leurs têtes, ils cachent tous un secret : les oiseaux. Il y en a de toutes tailles, de toutes sortes : des chanteurs, des muets, des noirs, des colorés, des gros, des grands… Certain en ont beaucoup, d’autre un seul qu’ils chérissent plus que tout. C’est comme ça, on naît avec. Ce n’est pas dans notre cerveau, non, juste dans notre tête…
Mais, elle, elle était pas comme les autres…
Les gamins, c’est des volières entières qu’ils ont à l’intérieur de leurs caboches. On peut voir des plumes voler dans le reflet de leurs yeux, et ils courent, et ils piaillent… Ils sont un peu moineaux eux aussi, les gosses. Les premiers chants de leurs oiseaux, ils les partagent entre copains. Pour chacun c’est différent… Et puis ont grandit, on veut plus partager les piaillements, c’est intime, personnel. On commence à préférer des volatiles à d’autres.
Elle, elle a jamais connu ça…
Enfin à l’adolescence, les oiseaux s’envolent. Le plus souvent il n’en reste qu’un seul, notre préféré… Et un seul, dans une tête c’est déjà bien assez. C’est que ça demande beaucoup de travail, beaucoup d’amour comme animal ! Un adulte a toujours du mal à donner tout ça, c’est pas comme un enfant. Bien sûr il y a des exceptions : des rêveurs trop grands, des personnes trop ambitieuses… Même adultes, même très vieux ils ont toujours une dizaine d’espèces différentes en eux.. Alors ils nourrissent leurs oiseaux à coup d’espoirs et de songes. Beaucoup de rêves, pas mal de cauchemars… Ils meurent tragiquement ou bien réussissent leur vie, mais quelle que soit la manière, on entend toujours parler d’eux. Pas la peine de mentir, les enterrements sont bien plus nombreux que les carrières fulgurantes.
Mais aussi tragique que soit le destin de ces hommes, toujours ils auront eu leurs oiseaux avec eux pour les soutenir, les consoler et les encourager.
Pas elle…
Elle, lorsqu’elle est née, sa mère a interdit les oiseaux.
« Ca ne sert à rien, elle saura pas s’en occuper ».
Une petite fille a du grandir la tête vide. Les autres enfants ne voulaient pas d’elle, elle avait pas de chant à partager, alors qu’elle s’en aille ! C’était un monstre, voilà tout… Elle faisait peur, elle était laide avec ses yeux sans plumes pour les éclairer et ses mots sans musique. Chaque jour, pendant le temps d’une enfance, on lui jette des insultes au visage. Elle a peut être pas de chant à donner, mais elle peut toujours partager des mots… Peine perdue, personne veut l’entendre, personne veut la regarder. Les monstres, faut les ignorer. « Ignorer », c’est ce que disent les professeurs. « Ne fais pas attention aux autres, ils arrêteront bientôt », « ce n’est qu’un jeu », « Tu vas pas pleurer pour si peu non ? C’est juste quelques mots méchants ».
C’est dur d’ignorer quand on a aucun oiseau dans la tête. Pas même un minuscule roitelet… Il n’y a personne pour consoler et soigner les blessures. Il n’y a qu’un mot qui commence avec un grand S. En elle, il y avait pas de merles, de moineaux ou de pinsons…non, juste un croque-mitaine qui commençait à naître.
Pour remplacer l’oiseau inexistant, elle ouvrit des livres et se saisit de mots à pleines mains. Elle les jetait dans sa tête, ça la remplissait. Les contes, les histoires, tout y passait... Et parce qu’aucun oiseau ne venait la distraire, elle retenait tout. On parla d’intelligence, mais à quoi bon ?
Pas d’oiseau pour être fière d’elle…
Elle commença à avoir des rêves, des envies. Mais on voulait pas, ça ne servait à rien. Elle était pas faite pour y arriver, à vrai dire elle pas faite pour rien. Ca c’est ce qu’elle entendait tous les jours.
Sans oiseau pour lui dire le contraire…
Des mains qui tremblent, des jambes qui boitent… Et rien pour la faire voler ne serait-ce que dans sa tête…
Dans le ciel il y a des oiseaux, des vrais. Elle les hait, ils font trop de bruits, ils sont trop vivants, trop là. Trop là et pas ici…entre ses deux oreilles.
« Tant mieux qu’ils n’y soient pas, avec toi ces pauvres bêtes seraient mortes en quelques jours ! »
Les mères sont sensées avoir toujours raison. On ne doit pas discuter avec elles.
Elle a grandi sans devenir adulte.
Parce qu’aucun oiseau ne l’a porté…
Un corps, un grand corps qu’elle contrôle pas et qu’elle déteste… c’est dur de vivre avec mais il n’y a pas le choix.
Pas de choix tout comme il n’y a pas d’oiseau.
Bien sûr qu’à l’intérieur c’est toujours une gamine… Seulement, ce genre d’enfant on a pas envie de s’en occuper. Des mioches trop terrifiés, trop méchants…on a même pas envie de les respecter. Elle est intelligente, c’est pas grave. Elle a qu’à ignorer… Elle est intelligente, elle souffre pas, les mots lui font rien et c’est à elle de se mettre au niveau des autres. De s’excuser, toujours s’excuser… Elle est intelligente, elle est pas humaine, on la traite comme on veut .De toute manière, elle continuera d’avancer.
Sans oiseau pour chanter.
Elle a des idées mais ses idées n’ont pas d’ailes.
Sa tête, c’est une grande cage vide. Vide et fermée à double tour.
En ce moment, elle est à sa fenêtre. Elle réfléchit. Elle est grande, elle est gamine. Elle est tout, elle est rien. Elle a des questions, elle les oublie…
Toute sauf une…
Et pas un seul oiseau pour lui apporter une réponse.
Comment on fait pour mourir ?
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Kiku Honda / Japon Kami des Autoroutes
| Sujet: Re: Mes Textes Mar 5 Oct - 21:33 | |
| C'est pas un conte ça. C'est même pas une fiction. Et au final, c'est ça qui fait le plus mal. Ça et pas les mots, ni les questions.
Et ce texte-là, il fait parti de ceux, en tant que grande rêveuse et mélancolique, que je préfère. C'est le genre de texte qui me donne envie de pleurer un bon coup, mais qui me donne aussi une inspiration folle et l'envie d'avancer. Je ne dirais pas "c'est beau", "c'est génial", "j'admire" ou autre chose du genre, parce que c'est pas du tout approprié et trop terre-à-terre, trop maladroit pour ce genre d'écrit. Mais je suis sure que la petite fille trouvera son oiseau. |
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| Sujet: Re: Mes Textes | |
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