Je vais répéter ce que tout le monde a déjà dit, mais je veux quand même dire ce que j'ai ressenti devant ma lecture. Même si mon humeur ne me permet pas d'apprécier les textes comme je le devrais.
Le premier texte sur Gilbert et Fritz est magnifique, dans le sens où tout est décrit avec pudeur, et montre combien est difficile, voir indescriptible, la liaison entre humain et nation.
Celui sur le marché de Noël... çà me conforte dans l'idée que les fêtes ne sont plus féériques. Etant née la veille de Noël, j'ai toujours haï les fêtes. Parce que pendant que les gens s'amusent, moi je suis alone. 8D [/fin de 3615 mylife] Voir Francis plus sérieux que d'habitude, çà fait du bien. çà rejoint ma vision du personnage, celui qui prône l'amour, celui du prochain, de la famille. La petite touche d'humour à la fin çà dénote pas, au contraire on retrouve le Francis un peu Dom Juan.
Ensuite pour ta longue fic...
La première partie est magnifique, avec la déchéance de la France qui collabore avec l'ennemi. Sur la fin je comprenais pas le revirement, mais dès que le nom d'Arthur est apparu çà m'est devenu plus clair. Ce n'est pas une critique, au contraire je préfère les textes qui savent où ils vont, paraissent obscurs au début mais délivrent les clés au fur et à mesure.
La seconde partie, il y a tant de choses à dire et je suis si maladroite avec les mots... La souffrance des nations retranscrite par l'image du train, la perte de croyance envers ce qu'on a de plus cher. La scène avec le SS çà m'a touché en plein coeur. (Parce que maintenant tu as encore ce genre de propos mais pas forcément tourné vers les juifs...) La folie du gouvernement, du chef d'Etat qui souille l'esprit même du pays... Et le paragraphe final qui introduit Sophie, personnage énigmatique si on connait pas le mouvement de la Rose Blanche.
Encore et toujours un travail d'orfèvre dont mes paroles ne peuvent retranscrire la beauté.
Roderich / Autriche
Messages : 1735 Age : 33 Localisation : Devant le piano, dans le piano, non...est le piano !
Merci beaucoup, merci à vous tous du fond du coeur. Idiot à dire, je sais, mais ça me touche que vous preniez le temps de lire ce texte à chapitres et surtout, de le commenter. Parce que le sujet me porte véritablement à coeur, et que votre avis, vos ressentis m'aident à écrire la suite.
Merci Ludwig d'avoir pris le temps pour ce long commentaire en détail, ça me redonne du courage pour écrire la suite.
Tiens, d'ailleurs, pendant que j'y pense. J'ai pas vraiment pour but de faire des récits sous forme de cours, qui retracent tous les évènements en détails avec les tenants et les aboutissants, donc si vous connaissez pas vraiment, vu que le prochain chapitre portera là dessus, hésitez pas à vous renseigner un minimum sur Hans et Sophie Scholl, ainsi que le mouvement de la Rose Blanche, et le projet Walkyrie.
(pour la Rose Blanche, un très beau film en a été tiré, dispo sur youtibe, avec st fr sous le titre Sophie Scholl, les derniers jours. On peut également le trouver sous titré anglais : Sophie Scholl, the last days)
sur ce, je me remets à ma rédaction en m'inclinant bien bas devant vous
Roderich / Autriche
Messages : 1735 Age : 33 Localisation : Devant le piano, dans le piano, non...est le piano !
Je préviens tout de suite ça peut être assez angst et glauque (enfin si j’arrive à écrire ce que je veux). Voici un drabble indépendant de ma fic en court, et fait pour Ludwig, même si c’est tout sauf joyeux. Désolé ? Et donc, une Ivan/Anastasia…
La mort du cygne
Spoiler:
On les avait enfermé là, dans cette pièce froide et glauque, avec juste deux chaises pour leurs parents, et une ampoule pour y déverser sa lumière blafarde. Anastasia déglutit, les yeux rivés sur la porte close. Elle évitait de regarder ses sœurs, pas la peine de lire sur leurs visages la même terreur qui l’étreignait, elle. Elle évitait de regarder Alexei, blottit sur les genoux de leur père, les lèvres serrées pour réprimer un sanglot. L’enfant avait souffert, malade et fiévreux, ballotté de partout avec sa jambe cassé. Enfin, elle évitait de regarder sa mère, beauté fanée et désespérée. Non, la porte, juste la porte… La jeune fille sentit ses poings se serrer contre le tissu de la blouse qu’on lui avait fait revêtir en toute hâte, avec ses sœurs. Le tic tac de l’horloge menaçait de la rendre folle. Depuis combien de temps attendaient-ils, tous ? Une minute, une heure ? Ca y est, la panique allait la gagner. Vite, retenir sa respiration, se calmer… Une petite voix froide et cynique retentit alors dans son esprit « pauvre idiote, respire donc tant que tu le peux encore ! ». Non, ils n’allaient pas mourir, pas vrai ? Ivan les aimait, Ivan allait les sortir de là. Anastasia se réfugia dans le souvenir rassurant de l’ombre de cet homme. C’était lui qui leur avait présenté Raspoutine, et sans ça, leur frère serait mort. Mais on avait assassiné le moine, et depuis bien des jours, Ivan détournait le regard, comme s’ils n’existaient pas. Comme s’ils n’existaient plus.
Est-ce que cela n’avait été qu’un songe, toutes les belles années de leur enfance ? Lorsque Ivan la soulevait de ses grosses mains pour la lancer en l’air avant de la rattraper, lorsque son rire de géant venait la protéger des monstres et lui dire qu’elle était la plus belle… Anastasia n’était plus la plus belle, elle n’était plus la jeune fille de seize ans qu’Ivan avait attiré tout contre lui, le jour de son anniversaire, en lui demandant un baiser. Elle n’était plus la petite tsarevna qui s’était mise sur la pointe des pieds pour poser ses lèves sur celles du grand Russe et y goûter leur parfum de vodka. Elle était Anastasia Nikolaevna et elle ne savait même pas si demain, elle vivrait encore.
Et puis… Et puis le tic tac de l’horloge s’arrête, enveloppé par le grincement de la porte. Plusieurs hommes entrèrent, un brassard rouge au bras. Alexei, sagace comme toujours, avait vu leurs regards. L’enfant s’était redressé, comme ayant retrouvé un semblant de courage, et avait embrassé son père. Anastasia aurait voulu faire le signe de croix, comme leur mère, mais les balles partirent avant.
Elle en sentit une lui déchirer le ventre, et les deux yeux froids d’Ivan les tuaient, eux aussi. Le souffle coupé, la jeune duchesse sentit le monde s’écrouler sous elle. L’homme ne l’avait pas regardé ainsi, alors qu’ils étaient tous deux enlacés dans l’intimité d’un grand lit et qu’une autre sorte de douleur lui vrillait le ventre. Non, ses yeux d’avant étaient doux et aimants, magnifiques. C’était de par sa grande main quelle avait apprit à danser, s’amusant à lui écraser le pieds c’était lui qu’elle avait aimé.
Mais Ivan ne les aimait plus. Et d’autres balles sifflaient pour les meurtrir encore et encore. Pourquoi n’était-elle pas déjà morte ? Anastasia sentait le sang suinter d’elle-même, comme dégoûté de son corps de jeune fille. Brusquement, deux mains se saisirent de la blouse pour la déchirer. Les perles et bijoux que leur mère avait cousu à l’intérieur se déversèrent, c’était cela qui avait préservé la poitrine et le cœur de l’adolescente des tirs meurtriers, n’empêchant pas cependant d’autre blessures mortelles.
On la plaça dans un sac de jute, tout comme les autres membres de sa famille, les autres cadavres. Anastasia sentait bien que dans quelques secondes, elle serait complètement morte. Elle aurait bien voulu cracher à la figure d’Ivan, mais tout avait été trop vite. Mourir sans même avoir le temps de haïr son pays…
Un long gémissement inaudible secoua alors les pauvres chairs ensanglantées, puis vint le silence…. On avait emmené les cadavres pour aller les enfouir. Peu à peu, l’excitation de cette longue nuit commençait à retomber et Ivan reprit enfin conscience du monde extérieur, alors qu’il avait les yeux rivés sur les tâches de sang. Il y en avait partout, au sol comme sur les murs. Pourquoi avait-il fait ça ? Les nations n’ont pas à se justifier de leurs actes, elles agissent selon le bon vouloir du peuple, et le peuple russe avait hurlé la fin des Romanov. L’Histoire se construisait par des tragédies, mieux valait oublier et avancer, avancer encore et encore. Le temps des tsar était révolu, une nouvelle ère commençait, qui verrait enfin son avènement alors que les nations d’Europe, elles, s’entretuaient. Oui…
« Adieu Anastasia Nikolaevna, Beauté Altière…. »
Cependant, Ivan se promit une chose : un jour il reconnaîtrait devant les autres, humains et nations, que les gens qu’ils venaient de tuer étaient bel et bien des martyrs. Mais pas tout de suite. Ils n’avaient même pas eu le temps de hurler, fauchés par les tirs. Et sa belle Anastasia s’était éteinte sans même un cri, comme meurent les cygnes.
Hermann/Germania
Lapin Crétin. Plus lapin que crétin. Quoique.
Messages : 995 Age : 36 Localisation : Loin. Très loin.
C'est très très beau, j'aime beaucoup comme tu dépeins l'horreur de la situation et la froideur d'Ivan face à cela. Et le desespoir muet de la jeune fille.
Bravo, j'aime énormément.
Invité
Invité
Sujet: Re: Mes Textes Lun 21 Déc - 10:56
C'est magnifique ;___; ! J'adore le dernier ;___; ! J'adore touts tes One-Shots et Drabbles ;__; //part chialer dans un coin tellement que la dernière était magnifique//
Roderich / Autriche
Messages : 1735 Age : 33 Localisation : Devant le piano, dans le piano, non...est le piano !
J'aime beaucoup en général ce genre de couple. Je suis comblée, même si franchement j'étais au bord des larmes (vilain voisin ><). C'est touchant, c'est triste et c'est beau. Que demander de plus? (La réincarnation de la petite dans un autre contexte? x°)
Rien que des mots, première partie: Bon, j'avoue j'aime ce sujet donc je n'étais pas objective dès le départ mais même sans ça, il n'y a pas besoin. C'est juste beau. et le revirement, je sais pas mais je me suis dit que c'était seulement Arthur. et le passage avec sa reine, c'était vraiment beau.
deuxième partie: bon je dirais pas que j'ai chouiné quand ça a parlé de Pologne mais si un peu. >>;;; (et coup du destin, ils parlaient justement de la seconde guerre mondiale et de la Pologne à la télé) Je pense que ça m'a rendu encore plus triste quand Autriche remarque que Pologne a oublié ses tics de langages. On sent que c'est sérieux...et la tirade de Pologne m'a juste rendue toute triste. On lit souvent sur Ludwig ou même sur Francis (par rapport à Vichy) dans les fics, mais bizarrement, j'ai rarement vu sur Feliks alors qu'il y aurait de quoi écrire. Alors juste merci pour ce passage si bien écrit. et le passage du SS, de Gilbert et de Roderich avec l'insinuation et Gilbert qui le protège...Je crois que j'ai gardé mon souffle à ce moment-là. On pouvait réellement sentir l'air pesant. (J'ai adoré l'écriture de Gilbert, comment tu le perçois dans la fic.) et enfin Sophie et qui donne réellement envie de lire la suite.
La mort du cygne Vraiment très triste mais c'était beau, encore une fois. (je me répète, je sais~), ça se lit très facilement, je trouve que tu as une écriture vraiment fluide, je ne saurais pas expliquer mais une fois commencé, on a juste envie de finir. J'aime décidement les fics sur Russie. ;_; J'ai aimé que ce soit du point de vue de Anastasia, sa mort est très bien écrite, cruelle, "rapide" et triste surtout. et la froideur de Ivan...aah.
enfin bon, je ne suis pas douée pour les review et je n'aime pas en donner parce que je ne sais pas quoi dire mais j'ai franchement aimé ces trois textes, j'attends la suite de ta fic longue avec impatience!
En général j'ai difficilement le courage de lire une fic...Mais alors celle d'Ivan et Anastasia a retenu mon attention pour une fois (pour une fois que je me force un peu à lire parce que je suis une feignasse) et franchement...C'est magnifique!
Roderich / Autriche
Messages : 1735 Age : 33 Localisation : Devant le piano, dans le piano, non...est le piano !
wah.... merci pour vos commentaires, ça me rend toute timide du coup x__X...
Lili> ce texte pourrait avoir une suite avec une "réincarnation" effectivement, mais tout aussi triste et mélancolique, avec l'affaire Anna Anderson qui se faisait passer pour Anastasia. Merci en tout cas de ton commentaire ^^
Chine> woah, merci d'avoir lu à la fois le début de fic et à la fois ce texte, et de prendre le temps de commenter. Je crois bien avoir eu le coup de foudre pour Ivan et les relations qu'on peut lui attribuer avec des personnages historiques de son pays. Il y aura certainement d'autres textes à venir...après le chapitre trois de ma fic ^^
Chypre> Merci beaucoup Chypre, merci d'avoir eu la gentillesse de lire et de commenter, ça me touche ^^
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Sujet: Re: Mes Textes Lun 21 Déc - 16:20
J'ai enfin rattrapé tout mon retard, je peux bien charrier le Chinois tiens, je suis aussi lente! Au moins, je me suis réservé un sacré plaisir pour les vacances, fufufu...
Bon, mon avis? Tu le sais, j'ai énormément de mal à donner une critique égale à de tels travaux. En plus, elle risque de faire très scolaire, oh God. Cessons de me déprécier et apprécions tes œuvres!
Rien que des mots (Partie 1 & 2) Comme Chine, c'est un sujet que j'affectionne particulièrement, il y a tant à dire et tant à faire! Le risque majeur est de donner dans le cliché ou le gore sans intérêt et ce n'est absolument pas le cas ici. Ce n'est pas facile à lire (pas dans un sens stylistique), mais très riche. D'une part, tu t'attaques à de nombreux personnages en peu de temps et peu de mots. Et pourtant, coup de maître, même les plus blâmables en deviennent émouvants et complexes. Mon coup de coeur va sans surprise à Arthur, bien que Francis le talonne de très près. J'ai aussi particulièrement apprécié le frisson de Roderich, secouru par Gilbert (encore un dysfunctional duo qui... fonctionne à merveille *_*). Bref, la suiiiiite? :D La mort du cygne : Ici aussi, on se laisse porter par la fluidité du réçit. J'affectionne (mais c'est très personnel) beaucoup moins le thème étant (je me prépare aux pierres) assez peu touchée par la mort (ou assassinat) de familles royales... Cependant, tu as réussi à me rendre triste, tu as donc réussi le challenge ;p.. Oh puis, Ivan quoi.
Ludwig / Allemagne
Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
Messages : 3306 Age : 34 Localisation : Dans le pays de Goethe
Citation : Save water. Drink beer. Double Comptes : Roumanie
... Etant maladroite avec les mots, je me tairais, me contenterais d'admirer et laisserais d'autres personnes s'exprimer avec plus de justesse.
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Sujet: Re: Mes Textes Lun 21 Déc - 19:00
Je dois avouer que ce texte n'a guère aider à améliorer mon humeur déjà morose mais...
raaaah c'est bien écrit ! J'aime l'incompréhension d'Anastasia et puis la surprise d'Ivan à la fin qui ne comprend pas lui même pourquoi il a fait ça...
/me a versé sa petite larme >o<
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Invité
Sujet: Re: Mes Textes Mer 30 Déc - 18:49
Altesse...!
C'est vraiment magnifique. Tu m'as mise une grosse boule dans la gorge et du coup je n'ai rien de constructif à écrire pour l'instant...Rien que des mots I et II est incroyablement puissant...C'est probablement mon préféré, avec Hiroshima. (Et Fritz et Gilbert... )
*Ouii, je reviens quand j'ai des choses intelligentes à dire xD* Ou alors sinon je fais des fanarts pour exprimer mon amour. *saute par fenêtre*
Roderich / Autriche
Messages : 1735 Age : 33 Localisation : Devant le piano, dans le piano, non...est le piano !
Merci à tous pour vos commentaires, merci d'avoir eu la gentillesse de les détailler et merci de me lire, cela me touche vraiment beaucoup.
Voici l'avant dernière chapitre de ma fic, je ne sais pas quoi en penser. Il traite de la Rose Blanche, du projet Valkyrie, de l'affiche rouge... J'espère ne pas être tombée dans un misérabilisme mièvre, vous avoir intéressé à ces mouvements qui ne méritent que notre respect et une grande place dans notre mémoire. Ce texte a été dur à écrire, comme les précédents chapitres, je m'en suis également servi comme catharsis, j'espère que cela ne nuira pas aux mots.
Merci à ceux qui me liront, merci beaucoup, du fond du coeur.
Partie 3 : Amour
Spoiler:
« Il n’y a rien à regretter. Tout ce que j’ai fait, ça a été pour toi. J’en suis heureuse, tu sais ? Même si je pleure un peu… Je ne suis pas courageuse, Ludwig, ne m’en veux pas. S’il te plait…Dis à Fritz que je l’aime. On m’a donné un papier et un crayon pour que j’écrive à mes proches, mais je n’en ai pas eu le temps. Tout est allé trop vite… Protège le, il se bat pour toi. Que Dieu vous garde, tous les deux… Nous, c’est trop tard, on va mourir. Pas toi, pas toi, Ludwig, tu survivras, quoi qu’il arrive, demain, dans un an… »
Tais-toi Sophie, tais-toi…
Mais Sophie ne peut plus parler elle est morte…
Ce matin…
Ludwig termina de vider la bouteille dans son verre. Un bon SS ne devrait pas boire en service. Il n’était pas un bon SS, il était un bon à rien. Cette fille cette Sophie, il l’avait insulté, frappé, humilié. Et toujours elle lui avait sourit, entre deux interrogatoires, allant jusqu’à lui caresser la joue dans un geste de tendresse douloureuse. Il ne comprenait pas. C’était la Rose Blanche qui s’accrochait à la Croix de Fer, l’amour germanique, quitte à y mourir au matin. Pourtant j’étais très belle, oui j’étais la plus belle, des fleurs de ton jardin…
Sophie Scholl, crime de haute trahison…
Condamnée à mort…
Un hurlement de rage naquit au creux de sa gorge, mais mourut à ses lèvres. Même plus la force de crier, Ludwig balaya le verre plein d’un revers de la main. Il se brisa au sol. Et lui, il était brisé aussi ?
Süsser Tod, Süsser Liebchen…
La voix de Sophie dans sa tête, alors que Sophie ne pouvait plus parler. Il avait entendu le hurlement de la jeune fille, lorsqu’on lui avait apprit qu’elle ne disposerait pas du délai de quatre-vingt dix-neuf jours avant son exécution. Un long hurlement maladif, bestial, celui de la morte avant la Mort. Et ses sanglots… Parce qu’un jour après son procès, la rose ne serait plus.
Vois le Dieu qui m’a faite, me fait courber la tête et je sens que je tombe, et je sens que je tombe… Mon coeur est presque nu, j’ai un pied dans la tombe, déjà je ne suis plus
Mais elle l’avait mérité, non ?
En écrivant ses tracts infâme, elle avait voulu affaiblir les soldats, le peuple, lui-même… Surtout lui. Elle dénigrait le Führer… Il l’avait giflé, lui avait hurlé dessus.. Jusqu’à ce qu’il fonde en larmes, sentant le doute s’insinuer en lui. Ludwig aurait voulu en parler à quelqu’un, à Gilbert, mais la honte avait reprit le dessus. Il ne devait pas croire les mensonges des traîtres à leur sang. Il ne devait pas éprouver de pitié, de compassion… Pas pour elle. Il ne devait pas l’aimer.
Ludwig avait vu, avait tout vu. Il avait vu les soldats emporter Sophie Scholl, lui faire traverser la cour pour l’emmener à la guillotine… L’Allemande avait levé les yeux vers le soleil du matin, souriante, profitant des pauvres rayons pâles qui parvenaient jusqu’à elle miraculeusement. Et à peine cinq minutes plus tard, elle était morte…
Ensuite cela avait été le tour de son frère Hans Scholl, le garçon l’avait regardé et lui avait sourit. Comment sur un visage si banal, un sourire pouvait être aussi beau, aussi débordant d’affection et de tendresse ? Ludwig crut avoir envie de vomir et, lorsque de la cour il entendit le cri du garçon, lorsque le hurlement perça les murs gris et froids jusqu’à lui, il comprit que non. Pas envie de vomir, envie de pleurer…
« Es lebe die Freiheit , que vive la Liberté ! »
Et puis vint Probst, Probst et ses sanglots. Mais lui non plus ne regrettait rien. Il pleurait un bébé, son bébé. Il pleurait sa femme aussi. Il pleurait le fait de n’avoir été ni un bon père ni un bon mari. Parce que les bons pères et les bons maris, ils n’avaient pas le droit de mourir. Dieu fasse qu’il ai au moins été un résistant respectable… « Je suis apolitique, Ludwig. Mais je sais que nous te faisons courir à ta ruine. Je t’aime, j’ai pas voulu laisser faire ça. Il faut agir tu comprends ?! Ce n’est pas de l’amour, ce que les autres ont pour toi, c’est du fanatisme, de la folie… ils te sacrifient ! »
Tais-toi, Sophie !
Apolitique. Il détestait lorsque la jeune femme prononçait ce mot. Alors, dans sa cellule, il l’avait embrassé de force, la regardant droit dans les yeux. « Moi aussi, je suis apolitique. »
« - Non Ludwig, toi tu es perdu… »
Etait-ce le diable qui alors, l’avait fait vaciller ? Enfant, Roderich l’avait souvent effrayé avec des histoires de diablotins venant lui tirer les orteils, s’il n’était pas sage. Mais là, c’était le cœur qu’on lui avait arraché. Jeté dans le panier de la guillotine. Comme la tête de Sophie. Quel cœur ? L’organe de chair et de sang ne battait plus en lui, non, les horribles contractions étaient à présent sur un son trop différent. Heil, heil, heil….
Que passent les jours, que passe la mort, Sophie ne se taira pas, souriante et libre. L’Allemande a saisit la main d’un enfant, prête à l’aimer comme une mère. Et jamais étreinte ne fut plus douce que celle qu’elle lui accorda. Un baiser pour voler jusqu’aux boucles blondes, la tendre chair blanche du petit rosissait, prête à s’épanouir pour grandir. Sophie ne put tenir l’enfant dans ses bras qu’un court instant, assez pour lui vouer sa vie, assez pour le déposer sur le bord de la route alors qu’un gouffre sans fond l’engloutissait, elle. La jeune femme meurt, mais l’enfant survit. Le petit garçon aux mèches pâles et aux grands yeux bleus… Larmes, éclats nocturnes amènent règne diurne…
***
Aujourd’hui, il n’était plus besoin de larmes. Non, juste se laisser aller, oublier, comme pour se coucher dans un champ d’étoiles et fermer les yeux. Gilbert sait qui est en face de lui. C’est un corps, c’est un masque aussi, la beauté blanche d’un loup vénitien.
« - Herr Weilschmidt … »
Le colonel Von Stauffenberg s’avança jusque lui. Une ride amère plissait le coin de sa bouche, Prusse savait ce qu’i allait dire. Il pouvait le deviner. « -Votre frère…il était avec le Führer, je suis désolé… J’ai pris la décision de placer la bombe malgré cela »
D’un signe de main, la nation le fit taire. Devant lui, la femme au masque, souriait. Un sourire aux canines effilées, un sourire lame de couteau ? Ca y est, il était poignardé. « - Ludwig est l’Allemagne, colonel… la mort qui pèse sur lui, ce n’est pas notre bombe mais bel et bien Hitler… Mon frère survivra. Et que Dieu nous garde… »
L’humain effectua un salut militaire impeccable. Tout autour d’eux, les gens s’agitaient, leur projet était en marche, la bombe avait explosé, là bas, dans la tanière du loup. Tu saignes du nez…
Une voix dans sa tête, c’est elle, évidemment.
Femme, le bunker a explosé, là bas, en Prusse Orientale, il faut que j’en porte les traces…
Un bref hochement de tête. Elle comprenait. Brusquement, l’homme fit face à la Dame de l’Autre Monde, née de la nuit et du cuivre. Elle portait en elle l’odeur du sang et des massacres, mais jamais cette femme n’avait été modelée par des larmes. Il lui enleva son masque et le jeta au loin. Les yeux de fauves se plongèrent dans les siens, il la nomma. Pas par son nom, mais par sa nature. Il la nomma et prit sa main dans la sienne. La femme éclata de rire, inhumaine, superbe. Elle était la Walküre, vierge guerrière emportant avec elle l’âme des héros tombés. Elle était l’âme de ce projet… Valkyrie…
L’intemporel cessa, la nation revint parmi les hommes. Ces hommes qui à présent, clamaient à l’Allemagne le meurtre d’Adolf Hitler.
Gilbert ne lit pas le futur, contrairement à la Valkyrie qui sait déjà tout. Il ne peut pas deviner que l’attentat a échoué, que Ludwig est en route pour Berlin, prêt à tuer. Le tuer. Il ne sait rien du regard injecté de sang qu’aura son frère, son petit frère, des balles qui traverseront le corps de Stauffenberg, mené devant le peloton d’exécution, des coups qui pleuvront sur son propre corps. De la douleur, de la douleur… Avec le sang qui s’échappe de ses veines, avec la haine. Monstre, traître, erreur de la nature… Tu aurais du mourir depuis bien longtemps Je te tuerai…
Bientôt, l’albinos ne sera rien d’autre qu’une plaie sanglante. Qu’y a-t-il de pire, les blessures du corps ou bien celles du cœur ? Il n’aura pas à se poser la question, parce que les deux le déchireront. Au fond de lui, Gilbert sait que sa mort approche. Il ne pourra pas survivre à une année proche, si proche… Est-ce que Ludwig le pleurera ? Non, c’est vrai… Ludwig n’éprouve plus qu’un dégoût nauséeux pour lui, à présent. La Vierge Marie détourne les yeux de ses pas, la Valkyrie a enfoncé sa lame dans sa poitrine… A quoi bon ? Tout a un goût de cendre, ne reste que la solitude longue et glacée, la solitude du silence, celle de l’incompréhension.
***
La jeune femme tremblait tout contre lui, elle avait froid, elle avait mal. Mais son sourire calme ne cessait de déposer un baume réconfortant sur le cœur glacé de Francis. L’homme lui embrassa le front. Il pleurait. Arménie, la belle Arménie avait choisi de se sacrifier pour lui. Et vingt-trois trous sanguinolents avaient déchiré sa blouse, sous les assauts des fusils meurtriers.
Il y avait eu un homme, un homme dont Francis ne pouvait se souvenir que du nom. Même pas du prénom… Hé, Manouchian….
Un homme pour lui dire ô combien il aimait la France, un homme pour vouloir le sauver, alors qu’il n’était qu’un étranger. Un Arménien. Et Arménie elle-même avait approuvé, voulant se battre à son tour pour le Français qui l’avait accueilli, aimé…
Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses…
On les avait fusillé. L’armée du crime.
Parce qu’à l’heure du couvre-feu des doigts errants avaient écrit « Morts pour la France », et les mornes matins en étaient différents
Le Français releva la tête. Arthur était devant lui, impassible. Mais une grimace douloureuse et épanouie naquit cependant sur son visage tandis que l’autre lui souriait. Une phrase. Juste une phrase. « On va résister, Arthur. Je vous laisse plus…. »
Ce soir l’ennemi connaîtra le goût du sang
Que les sentiments éclatent, qu’ils éclatent donc, qu’ils éclatent comme le murmure agonisant d’Arménie comme quelques mots fiévreux et véritables. « Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre, je meurs sans haine en moi pour le peuple Allemand »
Bien loin d’ici, à moins que cela ne soit que bien trop près, une femme pleurait elle aussi. Elle n’avait eu que quelques mots pour se consoler. Les derniers d’une main tant aimée. La main d’un mort à présent.
ma Mélinée, oh mon amour, mon orpheline… et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
***
Un enfant, un enfant hurlait. Mais personne ne l’entendait. C’était un tout petit garçon aux yeux plus bleus encore que le ciel. Un petit garçon qui voulait son frère, mais le frère n’était plus là. Parce que, sur un nuage de folie, il l’avait condamné. Comme un poison vipérin, les mots d’un médecin nazi avaient trouvé un écho chez Ludwig. « Vous cherchez comment punir votre frère ? Confiez le nous, ses particularités physiques méritent d’être étudiées… »
Et dans un simulacre de chambre d’hôpital, Gilbert ne pouvait rien faire d’autre que de penser à la douleur. Une nation n’avait jamais vraiment eu de droits certains sur son corps, mais était-ce une raison ? Et puis il y avait ce constat douloureux, entre deux vagues de souffrances, entre deux scalpels pour disséquer sa peau, entre les perfusions maladives et les expériences mortelles : il aimait son frère, il lui pardonnait. Au fond, ceci n’était qu’un juste retour des choses. Tout jeune déjà, Germania avait du s’occuper de lui, de sa santé souvent précaire face aux rayons du soleil et à bien d’autres choses encore. Les moines soldats des Chevaliers de Sainte Marie avaient ensuite pris le relais. Humilié, Gilbert devait se faire soigner non pas pour ses blessures de combat, mais pour une santé déclinante dont il ne voulait pas entendre parler. Jamais… Une santé qui l’asservissait plus que tout autre, car contrairement à un pays comme la Lettonie, cela n’était en rien du aux sévices que l’on infligeait à ses terres, non, mais à son apparence propre d’être humain. Et qui donc pouvait comprendre ce genre de souffrances ? Mourir, si seulement cela était aussi simple. Mourir seul, sans flamboyance aucune, comme la flamme d’une bougie qui vient à s’éteindre. Mourir. Ses larmes n’ont plus aucun goût, sa peine, il la porte depuis bien trop longtemps, fardeau invisible, pour l’écouter correctement. Qu’il meurt, mais qu’alors, son frère vive ! Puisque lui, depuis toujours, il avait tout raté. Jusqu’à sa naissance…
Ludwig / Allemagne
Admin L'amour et la haine sont des parents consanguins
Messages : 3306 Age : 34 Localisation : Dans le pays de Goethe
Citation : Save water. Drink beer. Double Comptes : Roumanie
Oh Manouchian... *a encore versé une larme en rerelisant les derniers mots du condamné*
Chaque mot est un coup au coeur, et tous ces couples, tous ces liens qui se forment, mélange d'amour et de souffrance. Que ce soit la simple narration ou les dialogues et propos des personnages, on sent que chaque mot est pesé. Aucun n'est choisi au hasard.
... je sais pas commenter contrairement aux autres, excuse la maladresse de mes propos qui sonnent bien creux. Puis je te jalouse na.
Invité
Invité
Sujet: Re: Mes Textes Jeu 7 Jan - 16:39
Roderich... Je peux t'appeler Dieu ? Sérieusement, je veux vraiment t'appeler comme ça >_< ! J'adore, c'est trop bien écrit, j'ai vidé mon paquet de mouchoir.... Tu as un vrai talent *-* ! (Ah parce qu'il peux en avoir des faux ? *SBAF*)
Lili / Liechtenstein
Messages : 1099 Age : 32 Double Comptes : Adélaïde / Duché de Bourgogne
Vraiment, beau. J'aime beaucoup le fait que tu te focalise sur la mort et la défaite de plusieurs rebelles et que Gilbert soit d'eux. C'est triste, désespéré, mais en même temps, on voit Francis se remettre au combat... Toujours aussi génial!
Roderich / Autriche
Messages : 1735 Age : 33 Localisation : Devant le piano, dans le piano, non...est le piano !
Ludwig, ne me jalouse pas, je suis moi même en admiration devant ton style d'écriture, tu le sais et je le répèterais autant de fois qu'il le faudra: j'admire tes textes, que ce soit en rp ou en fics
Pour ceux qui demandent, très bien, appelez-moi Dieu *sort*
merci pour vos compliments, en tout cas
Vlad' Ionescu / Roumanie
Yé souis pas pauvre !
Messages : 124 Age : 34 Localisation : Manoirr, ô mon doux manoirr
...Ouah. Sérieux... C'est... Poignant sans être mièvre, c'est magnifique dans le style, les intéractions entre les nations et les humains sont... efin j'ose pas dire "parfaites" mais c'est ce que je pense vraiment, tout s'ajuste avec une justesse infinie, les intéractions sont on ne peut plus naturelles et les nations sont vraiment IC.
Tes textes sont tous sublimes. Je sens que j'aurais un peu de mal à dire quelque chose d'autre que cela ... J'ai eu toujours du mal à commenter les textes que j'aime. Désolé. J'aime ta façon d'écrire, les intéractions entre les personnages (qui sont vraiment IC), l'ambiance... tout.
Euh... la suite ?
Roderich / Autriche
Messages : 1735 Age : 33 Localisation : Devant le piano, dans le piano, non...est le piano !
Ultime partie de ma fic. Quel en a été le sujet ? Au fond j’en suis plus sûre, la décadence, la résistance, le meurtre, le feu, le pardon, la solitude ? Je sais pas, je sais plus. Ce fut très dur à écrire, j’ai effacé bien des brouillons tellement je n’arrivai pas à ordonner mes pensées. Ce que j’ai aimé dans ce texte, c’était la possibilité de manier un grand nombre de personnages, même juste pour quelques lignes. Dans cette partie ci, je parle des massacres allemands. Concernant le village de Khatyn dont il sera question, on le situe soit en Pologne, soit en Biélorussie (tout du moins dans les chants populaires). Peut-être est-ce du aux problèmes de frontières en URSS, je sais pas, j’ai fait un choix, j’espère que nul ne s’en sentira blessé. Après, une des questions que l’on peut se poser : pourquoi ne pas avoir parlé d’Israël et des camps, alors que j’ai évoqué Arménie? Tout simplement pour créer le malaise : les camps, on savait qu’il y en avait, on savait parfois plus ou parfois moins mais on ne les évoquait qu’à mots couverts, comme ici.
Quoi qu’il en soit, cette fic fut une expérience entre le devoir de mémoire et la catharsis, pour moi. Merci à ceux m’ayant lu, merci à ceux qui me liront, que personne ne prenne ombrage de mes mots Partie 4 : Amour
Spoiler:
« Grand Frère…. »
Vous avez entendu quelqu’un parler, vous ? Alors vous devez bien être les seuls. Ivan, lui, il n’avait que le silence dans les oreilles. Un flocon de neige, ça ne fait pas de bruit lorsque ça s’écrase au sol, moins qu’une goutte de sang en tout cas. La jeune fille se tenait devant son frère, absolument misérable et encore plus rachitique que sa propre ombre sur le sol gelé. Et le vent de la plaine ne délivrait plus aucun chant partisan à leur écoute, parce que le feu avait tout détruit. Natalia redressa alors la tête et hurla. Hurla comme jamais encore on avait hurlé sous le ciel lourd de Russie. Parce qu’en URSS, la tristesse n’existe pas. Alors pourquoi la Biélorussie pleurait-elle à s’en crever les yeux ? Ivan ne voyait aucune larme… Pourquoi s’arrachait-elle les cheveux, les laissant tomber en d’immenses flaques d’or et de sang sur la neige, pourquoi le visage qu’elle levait vers son frère était aussi immonde que la Mort elle-même ? Les chairs crispées sous la douleur ne révélaient rien d’autre qu’une plaie à vif et la vierge de glace s’était éteinte sous le feu. Ivan n’aime pas la folie, alors il laisse dans la neige sa pauvre petite sœur moribonde. Pour lui, il n’y aura jamais que le silence. Ah, ils pouvaient bien pleurer les enfants de Khatyn ! Personne ne les entendait, on les oubliait… Pourquoi ces stigmates sur son corps ? Natalia ne s’en souvenait déjà plus. Un village entier brûlé vif ? Non juste un peu de silence…
***
Comment pouvait-on souffrir autant lorsque l’on gagnait ? Dieu Tout Puissant, t’es-tu détourné de nous ? Arthur refoula la nausée dans sa gorge malade. Malade d’inquiétude. Cela faisait tant de nuits que Francis hurlait à s’en damner. Alors lui, il accourait, posait la main sur le front en sueur et s’effondrait. S’effondrait dans ses bras, le visage au creux du cou pour mieux pleurer. Les larmes, ils savaient les partager.
Et dans le moindre de ses rêves, il y avait ce village. Francis aurait-il jamais assez de tristesse à lui offrir ? Non, bien sûr que non. Le pas lourd, perdu dans la brume du cauchemar, il suivait la route jusqu’à l’église. Tout était calme, tellement calme… Il n’y avait aucune cloche pour sonner, aucun animal, aucun rire, aucun bruit. La rumeur des mouches, c’est le silence. Et elles bourdonnent, elles bourdonnent sans fin dans l’édifice détruit. A chaque fois que Francis la pousse, la porte s’arrache de ses gonds et tombe au sol dans un nuage de cendre. Ca lui pique les yeux, ça lui fait mal au cœur. Dans la nef, il y a des corps calcinés. L’homme ne les regarde pas, cachant sa peur derrière un masque de pudeur. Sans un mot, il s’assoit sur un banc défoncé. Le bois du siège résonne sous ses doigts comme un cœur vide. Oh mes enfants …
Il n’y a rien ici si ce n’est une odeur de chair grillée. Même les corps ne sont plus que des souvenirs, ombres à jamais terrifiées. On ne pouvait pas leur apporter la paix, peu importe les efforts. Hommes, femmes, enfants, vieillards… Qu’est-ce qu’on a à dire face à ça ?! Qu’on pleure ? C’est malsain…
Francis se réveillera de son cauchemar, son corps brûlant collé à celui d’Arthur, quêtant un réconfort tout aussi apaisant qu’ennemi. Et ils se haïssaient l’un l’autre de subir tant d’horreurs, ils se haïssaient….
Il n’y a que quelques personnes à s’être échappées d’Oradour sur Glane, et les balles continuent de siffler à leurs oreilles tandis qu’ils courent à en perdre le souffle, à en perdre la vie. Derrière eux, l’église en flamme. Dans les rues, les corps des hommes fusillés. Les fantômes ne cherchent même pas à les rattraper, ils hurlent. C’est sans fin. Vie de deuil pour les survivants, vie de deuil pour les nouveaux enfants… A quoi ça sert le deuil ? Ca ‘empêche pas les morts de pleurer… « Arthur, traite-moi d’idiot. Les idiots, ça oublie tout… J’ai le droit de quoi, de me souvenir ou bien d’oublier ? »
***
Après toutes ces années, tous ces combats…la voilà, la paix. Roderich ne savait plus s’il fallait en rire ou en pleurer. Perdus, ils avaient perdus. Evidemment, avait-il seulement cru à une victoire un jour ? Non, juste à des batailles sans fin. L’Autriche allait s’en tirer, l’homme était habile à faire accuser les autres quoi qu’on en dise.
« Österreich… »
Le brun se retourna. Gilbert. Un mort vivant aux yeux caves et au corps décharné. Pourtant, comparé à ces survivants des camps de la mort, l’albinos était resplendissant de santé. Immédiatement, Roderich se ferma. Ils n’avaient pas à parler, ils n’avaient plus rien à se dire. La poitrine de Gilbert se soulevait et s’abaissait dans un rythme saccadé. Brusquement, Autriche se rendit compte qu’il pleurait. Gilbert Weilschmidt pleurait devant lui. J’ai jamais été doué pour les mots, quand t’es tout seul, t’as pas besoin de parler. Et West, il aime pas les grandes conversations… parfois, j’me parle à moi-même mais c’est pas pareil. Je me dis des mensonges… Ca fait des siècles que je me lève en allant pas bien. Le soleil m’agresse, mes yeux ne voient pas correctement, je suis faible. Merde… je sais, il y a pire. Il y a toujours pire… Le Letton est toujours dans un état proche du légume quand on attaque son pays, mais c’est pas pareil. Même quand mon pays va bien je vais mal. J’essaye d’oublier parce que j’ai peur… j’peux pas en parler. On fait comment pour trouver les mots ? Toi tu sais les utiliser, t’en connais pleins, même ceux qu’on utilise plus depuis longtemps. Ceux du temps de Fritz, ceux du temps de Père, aussi… Ca me bouffe, ça m’a toujours bouffé… Merde, Roderich ! Si au moins je pouvais en crever plutôt que crever par ces connards d’alliés… Pitoyable jusqu’au bout, pas vrai ? « Je vais mourir »
Roderich s’approcha. Qui était cet inconnu aux cheveux blancs devant lui ? Quelque chose se serra dans sa poitrine. « … Bruder, ich habe angst ! Frère, j’ai peur ! »
Les derniers mots avaient été étouffés dans le velours rapiécé de sa veste. Oui, son frère, c’était son frère là qu’il avait prit dans ses bras et serraient contre lui. Et Gilbert s’accrochait, misérable. Ils étaient nés du même père, à la même époque. Ils auraient pu être jumeaux, ils furent ennemis. Je veux plus être tout seul… Je suis horrible que ça, je le mérite ? Je veux plus être tout seul, j’ai fait que mentir, je l’ai jamais voulu. Pardon mon Dieu, pardon…Je suis désolé…
Ils allaient dissoudre la Prusse pour affaiblir l’Allemagne. Comme un mauvais rêve oublié au réveil. Tout ce qu’il avait fait, tout ce qu’il avait voulut construire, bravant la Terre Sainte, la mort et les faiblesses de son corps pour un territoire, se faisant tout autant philosophe que militaire sous l’égide d’un roi puissant… Tout ça allait être balayé d’une balle dans sa nuque. Il avait toujours cru ne rien pouvoir être. Echouer, échouer encore. Echouer à Jérusalem, échouer à Tannenberg… Même Fritz le haïssait au début, le trouvait laid…
A quoi ça avait servi, tous ses efforts ?! Des guerres qu’il n’avait pu gagner, une solitude forcée… Maintenant on allait le détruire. Pourquoi il pleurait, hein ? Après tout ils devaient bien s’en foutre…
Les doigts de Roderich dans ses cheveux, presque comme ceux d’un père. Il ferma les yeux. Dieu comme ils se haïssaient mais s’aimaient pourtant… Ich hatt' einen Kameraden, Einen bessern findst du nit. Die Trommel schlug zum Streite, Er ging an meiner Seite In gleichem Schritt und Tritt. Eine Kugel kam geflogen, Gilt's mir oder gilt es dir? Ihn hat es weggerissen, Er liegt vor meinen Füßen, |Als wär's ein Stück von mir. Will mir die Hand noch reichen, Derweil ich eben lad. Kann dir die Hand nicht geben, Bleib du im ew'gen Leben Mein guter Kamerad! « Je suis désolé ! »
Il y aurait les cris d’un frère, d’un petit frère, tandis que le canon de l’arme luit sur la tempe ensanglantée. Bien sûr, Gilbert sourirait comme un con à Ludwig. Hé dire qu’il y a quelques années, il en était haï...Pourtant l’albinos n’avait pas regretté son acte de résistance, il avait continué d’aimer son frère. C’était son frère, c’est tout. Et Ludwig hurlerait, hurlerait tandis que l’on tuait son aîné.
« Je veux pas, non Gilbert, je veux pas ! »
Et Roderich, menotté lui aussi, comme Ludwig, comme Gilbert… Il secouerait la tête avec désespoir. Lui non plus il voulait pas, mais bien trop las pour se battre, il ne pourrait rien faire. J'avais un camarade, De meilleur il n'en est pas ; Dans la paix et dans la guerre Nous allions comme des frères Marchant d'un même pas. Mais une balle siffle. Qui de nous sera frappé? Le voilà qui tombe à terre, Il est là dans la poussière; Mon cœur est déchiré. Ma main, il veut me prendre Mais je charge mon fusil; Adieu donc, adieu mon frère Dans le ciel et sur la terre Soyons toujours unis.
Qu’y aura-t-il pour les siècles à venir ?
Gilberrrt, tu as mal pas vrai ? Moi aussi. C’est beau les tourrrrnesols, non ? Lorrsque je les rrrregarde, j’oublie. J’oublie que mon coeurrr ne fait rien d’autre que parrrtir. Ca fait tellement mal lorrrqu’il s’arrrache… Et puis il faut le remetrrrre en place, éternellement… La douleurrr est toujourrrs la même. On a peurrrr qu’il s’emballe, on a peurrrr qu’il batte, qu’il batte et s’arrrrrête. Tu connais, n’est-ce pas ? Mon petit Gilberrrt… Tu vas venirrr avec moi. La Prrrrusse est morte, mais tu peux toujours êtrrrre quelque chose. Quelque chose de faible, da…
Dans la tête de l’albinos, une mélodie… On l’appelle Ouest maintenant. Comme l’Allemagne, l’Allemagne de l’Ouest…. Ich bin ein Preuße, kennt ihr meine Farben? Je suis un Prussien, connaissez-vous mes couleurs ?
La Prusse c’est le Passé, il n’y a plus que ça, le passé. Pas de Futur. Plus jamais. Ich bin ein Preuße, will ein Preuße sein! Je suis un Prussien, je veux être un Prussien !
Qu’y a-t-il pour ce siècle sans humanité ? De l’Amour, mais ça on ne se le rappellera qu’après, bien après.
En 1989.
Alors seulement, on osera regarder vers Demain.
Elizaveta / Hongrie
Királynője Serpenyő
Messages : 1678 Age : 36 Localisation : Chevauchant au bord du lac Balaton
Citation : Let's frying paning love ♥ Double Comptes : Germania
Putain... Excuse-moi de la vulgarité du terme mais c'est........ magnifique, poignant, terriblement vivant malgré les tragédies morbides... Je sais pas comment m'expriser, je tremble, je pleure, c'est tout simplement... magnifique ?
Tu nous remercies mais tu sais que moi, je te remercie pour écrire, pour, malgré la douleur, nous transmettre des si belles choses.
Enfin bravo.
Invité
Invité
Sujet: Re: Mes Textes Mer 10 Fév - 13:43
C'est dingue.
C'est subtil; j'aurais presque juré avoir compris quelque chose, à la fin, quelque chose de terrible et qui échappe à tout... Enfin bref, ça ne veut absolument rien dire, je regrette vraiment la faiblesse de mes mots.